En 1972 sortait Watership Down, le premier roman de Richard Adams. 50 millions de lecteurs plus tard, une adaptation BD du roman est réalisée par James Sturm, avec Joe Sutphin aux pinceaux. Nanti du Eisner Award 2024 de la meilleure adaptation, Watership Down est maintenant traduit et publié en France par nul autre que l'inimitable Monsieur Toussaint Louverture.
Dans un ouvrage de la qualité habituelle de l'éditeur girondin, le lecteur retrouvera le récit qui a charmé tant de lecteurs depuis 50 ans.
Pour en dire quelques mots, il s'agit de l'histoire d'un groupe de lapins partis à la recherche d'une vie meilleure dans une société qu'ils devront d'abord créer eux-mêmes. Des lapins qui quittent la garenne paisible mais inégalitaire à laquelle ils appartiennent pour chercher un nouveau havre, loin d'une menace humaine imminente à laquelle leurs congénères ne veulent pas croire.
C'est l'histoire de Hazel, qui deviendra le héros et le leader des lapins de Watership Down, de Fyveer, qui, voyant l'avenir, sait que le malheur approche et met en branle ceux qui lui font confiance, de Bigwig, le plus fort et courageux du groupe, toujours aux avant-postes mais assez intelligent pour accepter avec sagesse la sage direction d'Hazel, de tous leurs compagnons et compagnes aussi qui uniront leur force et leur sagacité pour vaincre l'adversité et bâtir un monde meilleur – et, tu le verras, lecteur, tous ne sont pas des lapins.
C'est l'histoire de trois garennes, la première, libérale mais inégalitaire, dont partent les héros de cette histoire (contre l'avis des autres qui restent et subiront leur inévitable destin) car ils ont compris que les humains allaient les déposséder de leur petit morceau de nature, la deuxième, une terrifiante réécriture extrême de la fable du Loup et du Chien, la troisième, qui évoque cette fois un mix de 1984 et Animal Farm. Sans oublier bien sûr celle, anarchiste et égalitaire, que créeront Hazel et ses amis après avoir vaincu maints périls sans jamais se renier leurs valeurs de solidarité, d'entraide et d'amitié.
Dis comme ça, cette histoire gentiment écolo et libertaire sonne un peu nunuche. Et, de fait, c'est quand même un peu nunuche.
Mais Watership Down est sauvé par maints éléments. C'est joliment écrit, les descriptions notamment sont très évocatrices. C'est une réécriture du monomythe adapté à un monde animal dont les logiques sont finement rendues. Il s'y produit une forme inédite d'enlèvement des Sabines. C'est un monde léporin doté d'une vraie profondeur avec mythologie, mythe fondateur et récit édifiants (évoquant de ce fait l'excellente et toujours non traduite série Mice Templar). Il y a même une langue fictive (le lapine) et...une...carte !!!!!
Mais là, je parle du roman. Cette adaptation BD y ajoute des dessins d'une très grande beauté qui plongent le lecteur au cœur du récit. Old school dans le trait et dotés de superbes effets de lumières et de couleurs, expressifs sans humaniser les lapins, ils immergent le lecteur dans l’univers de la campagne anglaise menacée par l'urbanisme humain et dans laquelle ont lieu de grandes épopées discrètes dont nos congénères n'ont aucune connaissance.
La campagne anglaise menacée, c'est celle de Tolkien et de ses craintes qu'il a transposées dans les faits et gestes d'un Saroumane détruisant pour produire ou des périls qui menacent la Comté même. Richard Adams avait les mêmes inquiétudes. Il y a pire comme compagnonnage.
Enfin, le livre étant réalisé par Monsieur Toussaint Louverture, il est très beau. Belle couverture, beau papier, dorures, tout y est pour faire de ce Watership Down un beau livre à lire et à collectionner.
Watership Down, Adams, Sturm, Sutphin
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