Les Diables - Joe Abercrombie

Les Diables est le dernier roman de Joe Abercrombie, le pape du grimdark. C'est un roman fantasy/action très dynamique, sanglant, violent et parfois drôle. Il est aussi plus profond que son début ne le laissait présager, et c'est le traitement des personnages qui fait sa qualité. Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 120, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : L’Europe est au bord du gouffre. La peste et la famine la ravagent, des monstres rôdent dans l’ombre et des princes avides ne songent qu’à leurs dévorantes ambitions. Une seule certitude demeure : les elfes reviendront, et ils mangeront tout le monde. Mais parfois, les chemins les plus sombres mènent à la lumière. Des routes sur lesquelles les Justes n’ont pas l’audace de s’engager. Enfouie dans les entrailles du splendide Palais Céleste, le fief de la foi...

le nain de Whitechapel - Cyril Anton


Londres, fin du XIXe siècle. Plus ou moins.

Oscar est le fils cadet d’une famille de la bourgeoisie anglaise. Excellent pianiste, il a un aîné moins brillant que lui mais que ses parents préfèrent. Lui est le souffre-douleur. Il faut dire qu’Oscar est nain, objet de honte et d’opprobre dans un monde où la difformité est perçue comme le signe objectif d’une défaillance morale.

Après des années de brimades et d’humiliations, Oscar est foutu à la porte, littéralement jeté aux chiens. Il est alors recueilli par Freddy, un noir veuf et pianiste qui l’emmène chez lui à Whitechapel et l’initie au jazz et à la blue note. Mais voilà qu’en ces temps un gang nommé Tabula Rasa assassine d’horribles manières ceux qu’il considère comme des indésirables, pauvres, handicapés, marginaux…

Oscar, qui change alors d’identité, se lance dans la traque des membres du gang. Il initie aussi la construction d’une boule de neige géante destinée à protéger le quartier et ses habitants des agressions extérieures.


le nain de Whitechapel est le premier roman de Cyril Anton. C’est un texte court qui évoque, comme le suggère la 4e, l’univers de Tim Burton même s’il est beaucoup plus violent et gory que celui-ci. C’est aussi une histoire à l’univers temporel incertain ; on y décèle des références non concordantes au début du ragtime et à ceux du Financial Times, ainsi qu’au dadaïsme ou aux massacres à venir dont les tueries de Whitechapel – par leurs cibles et leur caractère génocidaire – sont comme une préfiguration.


Ode au droit de vivre des marginaux et des déclassés, exaltation de leur capacité de résistance, fantastique par certains éléments, presque steampunk par d’autres, très référencé toujours, le nain de Whitechapel invoque – en passant – les mânes d’Elephant Man, de Jack l’Eventreur ou de Mr Hyde. Cette richesse est aussi le problème du roman imho. Dans un genre aussi proche du feuilletonisme de Sue que des chansons réalistes (quelques phrases très bien troussées font mouche), Anton enchaîne les situations, les rebondissements, les révélations dans un crescendo d’horreur dont les stations ne représentent que de courts arrêts. Tel chapitre commence par l’énonciation des victimes potentielles à qui on promet un havre sûr dans la boule de neige (et rappelle des textes de Bérurier Noir), tel moment voit Oscar devenir le pape des fous et endosser donc le rôle de Quasimodo, telle phrase fait penser à une réplique de Michel Audiard, tel moment évoque Magma, etc.

Beaucoup de choses visitées, trop peu développées, trop d’envies exprimées par trop peu de mots, d’autant que l’outrance des situations tend à tenir à distance des personnages.


Pour rester chez Victor Hugo, Oscar, parlant pour la fange et rêvant de la protéger, est moins un Quasimodo privé par l’adversité meurtrière de son Esméralda qu’un Gwymplaine pris au sérieux et qui ne ferait pas rire. Mais Oscar (ou Octave) n’émeut pas, ou trop peu, et c’est donc avec déception qu’on réalise n’être jamais vraiment entré dans le roman.


le nain de Whitechapel, Cyril Anton

Commentaires

Shibia a dit…
Même impression, lu le temps d'un trajet en train. Pas franchement passionnée. J'ai eu l'impression de regarder l'auteur se regarder écrire, faire de belles idées, de belles phrases, mais sans liens les unes avec les autres...
Gromovar a dit…
C'est ça. Et c'est bien dommage.