La Maison des soleils - Alastair Reynolds

La Maison des soleils est un roman (de 2008) d’Alastair Reynolds qui arrive enfin en France grâce au Bélial et à l’infatigable traducteur Pierre-Paul Durastanti. La Maison des soleils se passe 6 millions d’années dans l’avenir (énorme à notre échelle, rien à celle de l’univers ; il est important d’avoir ces deux rapports en tête pour comprendre tant la dimension vertigineuse de l'aventure humaine que le caractère transitoire des civilisations présentées ici, aussi éphémères que les nôtres) . La Maison des soleils prenant place dans le même univers que la novella La Millième nuit , publiée en UHL et chroniquée ici, je te renvoie, lecteur, à la chronique précédente dont le début te précisera le contexte. Univers de la Communauté donc. La Lignée Gentiane doit de nouveau se rassembler pour les Retrouvailles au cours desquelles, lors des célébrations des Mille Nuits, vont être partagés les fils mémoriels de chacun des clones (nommés frag, pour fragment de l’initiatrice de la Lignée,

The Path of Thorns - Angela Slatter


The Path of Thorns est le dernier roman d'Angela 'A.G.' Slatter. Il prend place dans le monde développé par l'autrice dans le roman All the Murmuring Bones et dans les recueils de nouvelles Sourdough and Other Stories ou The Bitterwood Bible, un monde de contes cruels très fortement teinté de dark fantasy.

Cette chronique sera courte et cryptique car il importe de découvrir seul la nature des différents secrets qui hantent le roman.


Asher Todd, une jeune femme originaire de la grande ville de Whitebarrow arrive dans le domaine rural de Morwood Grange pour y être gouvernante. Elle a été engagée par la mère du châtelain pour s'occuper des trois enfants de la famille Morwood, une ancienne et prospère lignée de hobereaux locaux. Rien que de très banal dans ce monde.

Mais dès la première page on comprend, au vu de l'itinéraire très contourné emprunté par Asher, que la jeune femme cherche à brouiller ses traces. On comprend dès la page trois qu'elle a un but ici, résultat de deux ans d'effort et qui n'a que peu à voir avec l'éducation des enfants Morwood. Quant aux nouveaux lecteurs de Slatter, ils comprennent dès la page suivante qu'Asher évolue dans un monde magique et dangereux où le moindre faux-pas pourrait lui être fatal.


Raconté à la première personne par l'héroïne elle-même, The Path of Thorns est une histoire de vengeance, mais pas seulement. On y apprend vite que la jeune femme est tenue par le serment fait à une mourante, mais pas seulement. On y découvre peu à peu – le rythme des révélations, live ou via des flashbacks, est parfait – que la famille Morwood dissimule de nombreux secrets et que ces secrets font écho à ceux d'Asher. On y observe la gouvernante faire peu à peu et très intelligemment son nid et son réseau tant dans la famille que dans la petite communauté villageoise alentour, créant patiemment autour d'elle un lacis de dettes symboliques qui lui attachent les autres mais qui l'attachent à eux également.

De fait, c'est l'environnement humain de la jeune femme et son intégration progressive dans celui-ci qui font la richesse du roman et de la narration. The Path of Thorns est admirable du fait de l'ensemble en mouvement que forment Asher et les autres protagonistes présents et passés du (des ?) drame.

Asher est une femme brisée. Qui fut brisée par son entourage proche. Qui agit en raison même de ses fractures et qui, ce faisant, en provoque d'autres. Qui obéit à un serment ancien dont ses fractures empêchent l'obsolescence. Qui agit en joueuse d'échecs et commence par un coup de maître ; dont il s'avère vite qu'il pourrait en fait aggraver les choses. Ce qui impose d'autres coups, imprévus ou rapides, de l'improvisation dans un plan qui, à priori, était simple : venir, se venger le plus vite possible, partir le plus loin possible. Le plan initial devient en partie caduc, d'autant qu'Asher se prend d'affection pour les enfants.

Pour Asher, chaque acteur du récit est une pièce à jouer au mieux, mais, présente sur l'échiquier, elle devient aussi une pièce que certains tentent d'utiliser ; et c'est d'autant plus dur que le lien est fort entre joueur et joué.

Autour d'elle, l'observant, la contrant, l'aidant, l'utilisant ou la ralentissant, chacun des résidents de Morwood Grange et du village proche joue sa propre partition, qui est impactée par la présence d'Asher mais dont la musique avait commencé avant son arrivée ; la jeune femme est un agent perturbateur dans un marigot qui abrite déjà de sombres secrets et de viles actions.

Ceci est très bien fait car ainsi on n'a jamais l'impression qu'Asher arrive dans un décor qui n'attendait qu'elle pour se mettre à vivre. Non, Morwood vivait dans une routine toxique bien établie avant l'arrivée d'Asher et ce depuis bien longtemps. Personne n'y soupçonne Asher, personne ne s'en inquiète, car personne n'imagine que dans le vaste monde on se soucie de Morwood, et encore moins pour s'en venger. Erreur grave !


The Path of Thorns est aussi un roman résolument féministe qui n'est pas bourrin, contrairement à une très grande partie de la production militante.

Dans The Path of Thorns, tout illustre le fait que « Life. A woman’s life is the path of thorns,’ I say. ‘We walk through it, our feet will always hurt. ». La solidarité – la sororité – y est maigre. Chacune essaie de sauver le peu qu'elle a, « You’ve got to protect what little chance you’ve got in the world. », quitte à nuire à d'autres, hommes ou femmes, ou à détourner le regard quand une nuisance se produit. Et pourtant le message de Slatter et les actes d'Asher Todd sont clairs, il faut être solidaire, c'est en l'étant que les unes peuvent aider les autres à résister, à se sauver, à refaire une vie meilleure. Mais dans une situation d'adversité ce n'est pas la pente naturelle, ce qui facilite l'enkystement de la situation.

Explicite, le message de Slatter n'est pas bourrin car il n’est jamais manichéen. Il y a des salauds des deux cotés du genre. Il y a aussi des gens effrayés ou qui tentent de faire au mieux au prix de mesquineries grandes ou petites, voire de crimes petits ou grands. Tous sont humains, tous sont habités par des sentiments violents, haine, colère, vanité, ressentiment. Tous sans exception. Pas de gentils ici.

Le message est aussi passé, de manière amusante, par les nombreux contes qui parsèment le roman, dit par l'une ou l'autre, qui sortent les femmes de leur rôle traditionnel de compagnes soumises pour en faire les actrices de leur propre destin ; ou par la sexualité libre d'Asher qui sait disjoindre les élans de son cœur des désirs de son corps et laisser sa raison tempérer ses emportements.

Mais Slatter n'oublie pas que, loin du monde des contes, dans le vrai monde de Morwood, il y a les puissants qui peuvent faire des femmes ce qu'ils veulent, les sorcières qui doivent se cacher sous peine d'être brûlées vives, et les savants qui excluent les savoirs féminins ancestraux du champ de la médecine notamment – à leur crédit, eux au moins ne cherchent pas oblitérer les femmes sages comme le font les religieux de ce monde et du nôtre.


The Path of Thorns est enfin un beau roman, joliment écrit, plein de personnages riches et détaillés, de magie et de sorcières, de fantômes et de lycanthropes, de braves gens et de vrais salauds.

C'est un roman qui sait être drôle parfois en dépit d'enjeux particulièrement élevés. Un roman qui développe encore un monde merveilleux qui, de livre en livre, prend toujours plus de consistance. Un roman captivant comme un thriller et émotif comme une vraie pièce gothique, qui dit la dureté et l'indifférence, la rancœur et la manipulation, la cruauté ordinaire, la peur de l'inconnu, et ce besoin d'être aimé et reconnu si fort et constant qu'il conduit à faire de mauvais choix et à les répéter sans cesse alors même qu'on les sait mauvais.

A lire, comme tout ce qu'écrit Slatter.

Je ne peux être plus précis ni en dire plus sans spoiler et ce serait vraiment dommage.


The Path of Thorns, Angela Slatter

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