Mu Ming : Mes Utopiales de B à V

Comme chaque année, vers Samain, se sont tenues les Utopiales à Nantes. 153000 visiteurs cette année, et moi et moi et moi. Ne faisons pas durer le suspense, c'était vraiment bien !!! Genre grave bien !!!! Aux Utopiales il y a surtout des auteurs qu'on va retrouver jour après jour ci-dessous (ou dessus, ça dépend dans quel sens vous lisez) , sur plusieurs posts successifs (survivance d'un temps où on économisait la bande passante – « dis ton âge sans dire ton âge ») . Tous les présents aux Utos n'y sont pas, c'est au fil des rencontres que les photos sont faites, la vie n'est pas juste. AND NOW, LADIES AND GENTLEMEN, FOR YOUR PLEASURE AND EDIFICATION, THE ONE AND ONLY MU MING en compagnie de son traducteur GWENNAEL GAFFRIC

Le Royaume de cuivre - Shannon A. Chakraborty

LU EN VO. JE NE SAIS PAS CE QUE VAUT LA TRADUCTION.

Daevabad tome 2 : "Le Royaume de cuivre". Tome 2 donc contexte déjà posé, et ne pas spoiler. Donc chronique courte.

On reste sur une ambiance Mille et Une Nuits et un Imaginaire d'une grande beauté dont les descriptions longues et détaillées emportent le lecteur dans un autre monde littéralement enchanté, à la cour des djinns entre oiseaux magiques, épées enflammées, soieries précieuses et joyaux scintillants.
Avant de plonger aussi dans les quartiers bien plus sordides où vivent les shafits et où l'enchantement disparaît, cédant à la réalité d'un système incroyablement inégalitaire.

Dans la recension du tome précédent, j'écrivais que la ville mythique de Daevabad était un ressort comprimé au maximum. Au début du tome 2 on peut changer la métaphore et parler d'une cocotte minute sur le feu se dirigeant lentement mais sûrement vers une explosion dévastatrice.
Le règne du roi Ghassan, de plus en plus instable, est par voie de conséquence de plus en plus autoritaire et répressif. Excluant de l’analyse les tribus minoritaires ou éloignées, on ne gardera du contexte que le trio hostile formé par les Geziri (détenteurs du trône et du sceau de Salomon depuis une insurrection réussie il y a 1400 ans), les derniers Daeva (premiers détenteurs du pouvoir et victimes d'un quasi génocide lors de la révolte conduite par les Geziri) et les shafits (sang-mêlés tolérés dans la cité, exécrés par les Daeva et soutenus par les Geziri comme la branche soutient le pendu).

Plus encore qu'avant, et à cause des événements du tome 1 :
Geziri et Daeva se haïssent en raison du passé et en dépit de quelques tentatives de rapprochements politiques (la nomination d'un vizir Daeva notamment).
Les Daeva méprisent les shafits qu'ils considèrent au mieux comme des animaux. Et qu'ils vendent comme esclaves sous le regard indifférent de la garde Geziri.
Les Geziri (dont la rébellion s'était faite au nom des shafits) voient dans les nombreux et fertiles shafits un problème à gérer, par la manière forte toujours, a fortiori depuis qu'est né en leur sein une forme de mouvement révolutionnaire.
Les shafits haïssent les Daeva tant pour les traitements subis dans un passé lointain (dignes de ce texte de Ken Liu) que pour leur inextinguible mépris toujours vivant. Ils ont aussi appris à se craindre et à considérer comme hostile un pouvoir Geziri qui les maintient dans une position de sous-sujets (pas de citoyen dans le royaume) et les utilise collectivement comme boucs émissaires au moindre signe de dissension interne ou dans le jeu subtil d'équilibre que Ghassan essaie de jouer entre Geziri et Daeva.
Trichons un peu en ajoutant une tribu. Les Ayaanle, le peuple de la mère du prince Ali, utilisent leur grande puissance économique depuis l'extérieur de la ville pour affaiblir Ghassan.
Il y a décidément quelque chose de pourri au royaume Geziri.

Dans ce monde aux tensions exacerbées, les péripéties du tome précédent ont enflammé des esprits qui n'avaient pas besoin de l'être plus. Elles eurent pour conséquence le retour d'une Nahid dans la ville, la réapparition d'un héros Daeva considéré comme criminel de guerre par tous les autres, une condamnation à mort, une dure répression entre assassinats et pogroms, deux morts importants, un exilé, un mariage politique et la mise sous tutelle effective de la jeune femme dont les ancêtres fondèrent Daevabad.

Dans ce tome 2, lecteur, tu verras le retour d'un puis deux personnages qu'on croyait morts, le durcissement cynique et sans limite dans sa pratique du pouvoir d'un Ghassan obsédé – quel qu'en soit le prix – par le maintien de la stabilité de la ville et de la dynastie, une rébellion en préparation qui usera de ce que nous qualifierions d'armes de destruction massive, la manifestation au grand jour des complots qui visent le règne de Ghassan tant de l'extérieur que de l’intérieur de la ville, les conflits de loyauté toujours plus nombreux qui déchirent les personnages dans un monde de faux-semblants où tout le monde ment au moins par omission, les efforts d'Ali pour faire ce qui lui semble juste en dépit de toutes les arguties politiques et loyautés familiales, la soumission de Nahri et ses efforts patients pour d'en dégager – afin de prendre la place de pouvoir qui lui revient historiquement et dont elle ne veut pas ?
Tu verra aussi, lecteur, tous les personnages apparemment secondaires du premier tome (que tu avais considérés comme du décor) tomber leur masque et participer parfois jusqu'à la mort au jeu politique de la ville.

Encore une fois c'est spectaculaire. Encore une fois c'est magique (bien plus ici que dans le tome 1 car le niveau des joueurs s'est fortement élevé). Encore une fois c'est beau. Encore une fois ce n'est pas mièvre. Encore une fois tu pourras considérer, lecteur, que les sentiments et les actes des personnages sont cohérents, bien amenés ; ils ne donnent pas l'impression d'être posés là seulement pour faire avancer l'histoire, ils sont au contraire le résultat et le moteur logiques de l'avancée de celle-ci.
Il faudra lire le tome final pour savoir comment tout cela se termine.

Le Royaume de cuivre, Shannon A. Chakraborty

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