La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Symposium Inc. - Olivier Caruso


Il y a vingt ans environ, Stéphane Bertrand a révolutionné le monde. Invention d'un IRM surpuissant, traitement de cancers graves, mise au point de procédés permettant de monitorer et de superviser les taux d’hormones et de neurotransmetteurs humains. Sérotonine, dopamine, adrénaline circulants n'ont plus de secret pour personne ; les taux individuels de chacun s'affichent sur son avant-bras, des « constagrammes » visibles par tous.


Le richissime génie, fondateur de Neurotech, est marié depuis vingt ans aussi avec Rose, une brillante pianiste qu'il a un peu mise sous l'éteignoir. Stéphane et Rose ont une fille, Rebecca, à la psychologie problématique.

Le jour de ses dix-huit ans, Rebecca poignarde sa mère et la tue, devant son luxueux gâteau d'anniversaire, dont elle mange une part son forfait accompli.

Pourquoi cet acte ? Pourquoi ce jour ?

Pour sauver sa fille de la prison à vie pour matricide, Stéphane engage Amélie, la meilleure avocate pénaliste de Paris, incidemment une très vieille amie du couple perdue de vue abruptement à la naissance de Rebecca. C'est l'occasion pour l'un comme pour l'autre de remettre à vif de vieilles plaies infectées et de régler certains comptes. Sur le dos de Rebecca ?


Avec "Symposium Inc.", Olivier Caruso aborde de nombreuses questions aux frontières de la science et de l'éthique dans une ambiance de film judiciaire hitek.


Rendant aux hormones et aux neurotransmetteurs les rôles que leur attribuait Jean-Didier Vincent dans son mémorable Biologie des Passions, Caruso décrit un monde dans lequel la maîtrise des mécanismes biochimiques du plaisir permet tant de soigner que d'influencer, jusqu’à la manipulation explicite. Entre « constagrammes », nanobots invasifs, et bonbons menthe-sérotonine, il crée un espace de biopouvoir qui ferait se retourner Foucault dans sa tombe et donnera assurément à Damasio des sueurs si froides que leur soulagement nécessitera une double dose de sérotonine.


Dans le monde de Caruso se pose aussi, pour la première fois sur des bases objectivables, la question du libre-arbitre et de la responsabilité individuelle, en matière criminelle notamment. Un choix existe-t-il entre le Bien et le Mal, ou l'humain n'est qu'il que le jouet d'équilibres ou de déséquilibres biologiques qui l'agissent ? La notion même de responsabilité pénale a-t-elle un sens dans un univers où les actes pourraient être prédits par les neurosciences et l'étude de la biochimie cérébrale ? En nos temps de trouble Sarah Halimiesque, la question fait sens, même si nous ne disposons pas de réponse évidente. Pas de Lumbroso des hormones chez nous, un rôle qu'endossera peut-être la nouvelle société Symposium Inc. dans le monde de Caruso.


L'humain ne vivant pas seul mais en société, s'ajoute à ce cocktail délétère, la dérive déjà bien entamée de réseaux sociaux qui jouent les tribunaux d'opinion : « Commentez, c'est bon pour la santé, à chaque fois un shot de dopamine ». S'indigner est agréable, faute d'être souvent utile, on le sait au moins depuis que Stéphane Hessel en a fait un programme ; et ça l'est encore plus en foule, le « monstre aux millions de têtes » décrit par Taine ou la « bête impulsive et maniaque » de Tarde, cette entité fusionnelle transitoire d'où toute rationalité a été éjectée.


Et pour que le tableau soit complet, on n'oubliera pas le jeu trouble des avocats – et des juges – qui manipulent l'opinion à coup de stratégies choc et de fuites, les uns comme les autres sachant bien que les jurés tirés au sort seront inévitablement issus du magma émotionnel qu'ils auront contribué à créer. Gagner le procès hors du prétoire c'est déjà le gagner un peu dans le prétoire.


"Symposium Inc." pose donc beaucoup de bonnes questions et pointe des dérives déjà en gestation – voire déjà nées. Mais Caruso, dont j'avais vraiment apprécié la nouvelle Par les Visages, dans Bifrost 99, ne me convainc pas ici. Voici pourquoi.

D’un texte qui aurait pu être écrit par Nancy Kress, Caruso choisit de faire un film français.

Protagonistes CSP+ rive droite, bel appartement, grands vins et pâtisseries à l'avenant, ambiance vaudeville et coucheries discrètes, trio amoureux, couple – ici trouple – dans tous ses états, inévitable lesbianisme (cette orientation sexuelle devenue en peu d’années le trope le plus éculé de l’Imaginaire contemporain) ; il y a même les passe-droits administratifs à la française et un détenteur de pouvoir (l’improbable juge d’instruction) un peu couillon et facile à insulter. En dépit de l'intrigue scientifico-policière, on ne s'extrait jamais de ce cadre, du triangle amoureux et de ses conséquences.

C’est simple, en fermant les yeux, on arrive à imaginer Karin Viard en grande bourgeoise pianiste, Audrey Fleurot en volcanique avocate rousse, André Dussollier en tycoon aussi charmeur qu’impitoyable. Avec Fabrice Luchini en hacker bouffon shakespearien, ne manque plus qu’une interprète pour la disgracieuse meurtrière Rebecca, Marilou Berry peut-être.

Il y a incontestablement un public pour ce genre d'histoires comme il y en a pour ce genre de films.

Hélas, je n’appartiens ni à l’un ni à l’autre.


Symposium Inc., Olivier Caruso

L'avis de Feyd Rautha, et du Chroniqueur

Commentaires

Baroona a dit…
Si après ça Le Bélial' ne commence pas à démarcher des producteurs... 🤭
Gromovar a dit…
Y'aurait pas de justice.
Erwannn a dit…
Nan mais là les SP sont prêts pour toutes les boîtes de prod de l'Hexagone…
Pour le reste, il aurait fallu qu'Olivier Caruso écrive un roman différent pour espérer recevoir le Gromovar Seal of Approval. De notre côté, on espère qu'il trouvera son public ¯\_(ツ)_/¯
Gromovar a dit…
J'espère aussi.
Il n'est juste pas pour moi, comme je l'ai écrit.