"La morsures de la passion",
n'hésitons pas à le dire, est le dernier grand pas en avant de la littérature
fantastique.
Étant, à mon grand regret, dépourvu
des compétences nécessaires pour analyser la myriade des concepts développés
dans ce roman (notamment un dépassement de Nietzsche : « Comme il est
bon et ironique de me baigner dans ta vie, à présent ! Ce qui m’a tué me
rend maintenant plus fort. »), étant, de plus, trop court en vocabulaire
pour tenter de transmettre la beauté formelle de cette œuvre (« Il se
pressa contre elle pour mieux ressentir l’énergie de son orgasme imminent et
glissa la main dans son pantalon de soie. Il aimait les femmes qui s’épilaient,
parce que ce ne pouvait pas être seulement pour elles-mêmes…Elles le faisaient
pour être regardées, admirées »), je vais devoir recourir à un expédient
auquel je ne suis pas habitué, je vais résumer "La morsures de la passion".
Pour commencer on a un vampire.
C'est un ancien neurochirurgien, parce que chez Harlequin les héros sont
toujours plus ou moins des médecins. Ayant sauvé des vies pendant des années,
il ne peut se résoudre à en supprimer maintenant qu'il est vampire. Il ne tue
donc personne, il se contente de suçoter sans donner la mort. Il aimerait que
sa tribu (car il en a une) l’imite.
Il y a aussi une sorcière. Elle a
200 ans (ce qui en fera, potentiellement, la plus vieille couguar du monde).
Elle déteste les vampires depuis que trois d'entre eux ont tué toute sa
famille. Elle les traque et les tue grâce à sa salive empoisonnée. Récemment,
elle a tué des amis du vampire, elle a même failli le tuer lui, mais il a
survécu en buvant le sang d’un autre, un ami, ce qui lui a permis de devenir un
Phoenix, un vampire très rare et très puissant, immunisé au pouvoir de la
sorcière ainsi qu’au soleil (tant qu’à faire).
Quand le récit commence, le vampire
est très en colère. Après tout, il a failli mourir, ce qui, pour un immortel,
est vraiment ennuyeux. Il décide donc que, pour cette fois, il peut tuer
quelqu’un. La vengeance l’exige. Il va chez la sorcière, dont il connaît, fort
à propos, l'adresse, avec la ferme intention de la faire passer de vie à
trépas. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que la sorcière est, justement à ce
moment-là, en train de fabriquer un philtre d'amour. Il arrive, il attaque, il
mort (juste un peu) et patatras, le philtre d'amour se renverse, la sorcière en
boit un peu, et, du coup, son sang
envoûte le vampire. Ben mince. Il devient alors le plus amoureux des
hommes et se met à poursuivre de ses ardeurs la sorcière. (« Ca suffit, dit-il en la plaquant sur le lit. L’air était saturé de
tension. Sinon, je vais finir par croire que tu m’aimes aussi follement que je
t’aime »). Au début, celle-ci ne veut pas l'aimer. Après tout, il fait
partie de la race maudite qui a anéanti sa famille. Mais il est tellement
gentil, tellement attentionné, qu'elle finit par céder. (« Cet homme
semblait connaître son corps. Il n’y avait pas un endroit qu’il effleurait ou
embrassait qui ne la faisait frissonner »). De leurs étreintes torrides le
vampire tirera de nouveaux pouvoirs, par un mécanisme, la magie du sexe et du
sang, que j'ai mal compris (quand je disais que ce livre dépassait les
compétences).
Puis l’affaire se complique, car il
y a deux autres protagonistes (au moins).
Il y a d'une part, un méchant
vampire qui veut devenir chef de la tribu à la place du vampire amoureux, et
qui est un tueur brutal. Il veut rendre la tribu cruelle, et se fâcher avec les
loups-garous. Le gentil vampire ne veut pas, mais il s’est mis en porte à faux
en fréquentant une sorcière. Du coup le méchant vampire tue l'ami du gentil
vampire pour l’embêter. Le gentil vampire finira par vaincre le méchant vampire, pour sauver la sorcière quand ce dernier voudra la brûler.
Il y a d'autre part, le diable
(oui, le vrai), envers qui la sorcière à des dettes, et qui a tout manigancé
(c’est lui qui a incité la sorcière à préparer un philtre d’amour). Et voici
comment le diable va jouer involontairement le rôle d’auxiliaire de la passion.
Quand le philtre d'amour cesse d'agir, le gentil vampire est très, très en
colère. En effet, il ne peut pas croire qu'il ne s’est pas vengé de celle qui a
tué ses amis avant que le roman commence. Il est convaincu de ne pas aimer la
sorcière, d'avoir simplement été ensorcelé par elle (« Oserait-il encore
croire en l’amour ? »). Or celle-ci, qui a pourtant résisté aussi
longtemps que possible (« Je hais le vampire, mais j’aime l’homme »),
a succombé aux flèches de Cupidon (« il y avait des choses qu’une femme
sensée ne refusait jamais : les bouquets de roses, les bijoux hors de
prix, et les aventures érotiques exceptionnelles »). Elle aime le gentil
vampire, et voudrait le retrouver comme avant, mais lui ne veut plus l'aimer.
L’entrevue est difficile. C'est alors qu'intervient le diable. Il vient chez la
sorcière pour réclamer son dû, l'enfant premier-né de celle-ci. Par chance,
lorsqu’il arrive, le gentil vampire est là, au milieu d'une explication
orageuse. Par chance aussi, le diable a un pouvoir étonnant qu’il ne contrôle
pas : quand il parle à quelqu'un, il prend toujours l'apparence de la
chose que la personne désire le plus au monde afin de la tenter. Et là,
s'adressant au gentil vampire, il a l'apparence de la sorcière. Le gentil
vampire comprend alors qu'il est réellement amoureux de la sorcière, et qu'il
serait fou de résister à l'amour. D'autant que, mais il ne le sait encore, la
sorcière est enceinte de lui. Il passe alors un pacte (malheureux) avec le
diable, puis le vampire et la sorcière décident de s'aimer par-delà leurs différences,
par-delà les barrières, sans se soucier du regard des autres (« Il
l’embrassa avec tant de tristesse que Ravin résolut de ne plus s’inquiéter pour
l’avenir. Du moins tant qu’elle pourrait se blottir dans les bras de son
vampire »).
Les morsures de la passion est un
superbe hymne à l'amour, porteur d'un message fort contre l'intolérance et les
préjugés. L'auteur renouvelle le mythe de Roméo et Juliette de fort belle
manière. Il me tarde de lire la suite, dans laquelle le vampire prend du bide et
la sorcière a la migraine.
La morsures de la passion, Michele Hauf
Ils ont aimé aussi :
Val,
Lhisbei, et
Cédric.
Commentaires
J'hésite de plus en plus à le lire, tellement j'ai peur d'être dépassé par tant d'émotion et de complexité.
(mais bon sang qu'est-ce que j'ai ri)
Sinon, je suis transie d'admiration devant cette critique si pertinente et si passionnée...
@ chris : beware c'est NSFW
@ Cédric : +1
@ Tigger : Je vous présente toutes mes confuses.
@ Blop : Le savoir n'est rien à côté de le voir.
@ Calenwen : Tu as encore à lire. Happy you.
T'as raison pour Buffy ! sinon, je peux aussi envoyer en représailles mon ado rebelle !
Mais, en fait cher ami, tu es un grand maso ! Tu aimes t'infliger de terribles tourments !
Je suis mi-admiratif mi-horrifié : chez moi c'est physique, la mauvaise littérature me fait mal au crâne et me file la gerbe.
Ta résistance est de fait exemplaire (mais alors ta SAN doit avoir méchamment morflé !).
@ La Mettrie : Btw, je n'oublie pas le Mucchielli. Lecture deuxième semaine des vacances.
Franchement vous avez trouvé des différences entre Buffy et les deux autres séries que j'ai cité ?
Nikolaus Drake est un phénix pas un des frères Phoenix (encore que je soupçonne la romancière d'avoir pensé à Joaquin avant qu'il ne s'empâte...) ^^
(pour la magie de sexe et de sang il n'y a pas à aller chercher bien loin - le sexe avec l'être aimé est magique gnagnagna mièvrerie et guimauve épicées d'une goutte de sueur - et ça suffit à tout expliquer non ?)
tu as souffert on dirait (je te rassure moi aussi et j'ai doublement culpabilisé parce que je suis responsable de tout ça !)
(ok je suis déjà dehors)