Le Geôlier - Florian Quittard

Lieu indéterminé, date indéterminée. Un de ces espaces-temps incertains qui m’évoquent immanquablement Kafka. Qu’on peut attribuer aussi à Olga Tokarczuk ou à Karin Tidbeck , pour ne citer qu’elles. Saul Geôlier est gardien de prison. Oui, Saul Geôlier est geôlier, ce qui n’est pas absurde tant il ne fait qu’un avec un emploi et une fonction qui semblent être ses seules occupations. Il vit seul dans une petite cabane non loin de la prison où il officie. Il fait chaque soir le chemin qui relie sa cabane à la prison. Il prend son tour de garde nocturne auprès de prisonniers avec lesquels il a peu de contacts et de collègues qu’il fréquente à peine, sous les ordres d’un directeur qu’il n’a jamais rencontré. Au matin, sa garde accomplie, il rentre à la cabane. Il y collectionne les yeux des prisonniers (il faut lire pour comprendre) . Tous les jours, tous les soirs, tous les matins. Sans changement, sans promotion, sans perspective. Mais ce soir, le premier du livre, est spécial. Ce soir,...

Le garçon perdu


Sortie du premier tome de la nouvelle série de l'excellent Luc Brunschwig, auteur entre autres du Pouvoir des Innocents et de ses dérivés.
"Urban" raconte l'histoire de Zach, un garçon un peu naïf, un peu péquenot, qui entre dans la "police" de Montplaisir, le plus grand parc d'attraction de l'univers avec ses 18 millions de visiteurs quotidiens.
Animé (contrôlée discrètement) par une Alice et un Lapin Blanc virtuels, Montplaisir est un peu le parc d'attraction de Pinocchio, un immense lieu de plaisir qui cache l'antre de la perdition. A Montplaisir, le public, déguisé, peut trouver tout ce qui le distraira, de Mickey aux peep-shows en passant par une justice transformée en réality-show. Il reviendra à Zach de mettre à jour la pourriture cachée sous le clinquant.
Malgré les limites d'un premier tome, forcément d'exposition, "Urban" prend le lecteur à la gorge. Difficile de ne pas être ému par Zach, dont le rêve de justice se heurte à une réalité sordide, par Ishrat, la liftière presque nue à la peau couverte de logos de marque, par Isham, le jeune cador de la police au destin tragique. Ces trois se frottent et se blessent, ignorants de la présence d'autres acteurs au rôle encore trouble, tel le jeune garçon Niels.
Le graphisme, apparemment sketchy mais très détaillé, fourmille d'Easter Eggs, donnant une richesse rare au lieu décrit. L'aspect légèrement brumeux amené par la colorisation évoque l'ambiance du Blade Runner de Ridley Scott, ce qui n'est pas pour me déplaire.
On referme ce volume avec un sentiment de malaise et de satisfaction. Malaise pour les héros malheureux de cette anti-aventure, satisfaction d'avoir partagé un moment leur histoire.
Urban, t1 Les règles du jeu, Luc Brunschwig, Roberto Ricci

Commentaires

Maëlig a dit…
Je l'avais déjà repéré, il me fait bien envie.
Roberto Ricci a dit…
Merci pour la critique ;)
Roberto
Gromovar a dit…
Ca a été un plaisir :)