Les Diables - Joe Abercrombie

Les Diables est le dernier roman de Joe Abercrombie, le pape du grimdark. C'est un roman fantasy/action très dynamique, sanglant, violent et parfois drôle. Il est aussi plus profond que son début ne le laissait présager, et c'est le traitement des personnages qui fait sa qualité. Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 120, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : L’Europe est au bord du gouffre. La peste et la famine la ravagent, des monstres rôdent dans l’ombre et des princes avides ne songent qu’à leurs dévorantes ambitions. Une seule certitude demeure : les elfes reviendront, et ils mangeront tout le monde. Mais parfois, les chemins les plus sombres mènent à la lumière. Des routes sur lesquelles les Justes n’ont pas l’audace de s’engager. Enfouie dans les entrailles du splendide Palais Céleste, le fief de la foi...

Le dormeur doit se réveiller


"Treis altitude zéro", de Norbert Merjagnan, est la suite des Tours de Samarante. Elle nous emmène à la découverte de Treis, la cité principale du monde humain, siège du pouvoir et nid de corruption ; les Ordres y ont leur siège, ainsi que ce qui se rapproche le plus d’un gouvernement. Le lecteur devra aussi voyager dans un désert taché de génocide et revoir, pour la dernière fois, Samarante. Les nœuds gordiens sont tranchés, les Rubicons franchis, le Seuil approche et rend tout le monde fou ; les désaccords politiques seront lavés dans le sang.
Planet-opéra quasi post-ap, Treis mêle technologie avancée et environnement lo-tech, sur un monde desséché et largement désertique, anéanti il y a si longtemps par les guerres climatiques. Peuplé d’humains naturels, ou modifiés, ou synthétiques, ou clonés, ce monde est dur et cruel, meurtrier sans même le vouloir. S’y combattent des ambitions et des rancœurs, vu d’en l’air comme dans une fourmilière géante. La technologie croise la magie, ou, pour paraphraser la citation la plus reprise de l’histoire, une science suffisamment avancée pour être indiscernable de la magie. La science y tient lieu de religion, avec tous ses attributs, mythes, cosmogonie, hérésie, eschatologie. Le monde de Merjagnan, étrange du fait de ce mélange complexe, largement hermétique à la fin des Tours, prend sens dans ce second volume. Nombre de secrets sont dévoilés, les relations entre protagonistes s’éclairent, le fond institutionnel, scientifique et historique aussi. L’humanité est-elle un média mort, comme l’écrivit, je ne sais plus trop où, Bruce Sterling ? Triple A ou Cinabre semblent l’impliquer, Joti le dément.
Norbert Merjagnan confirme dans ce roman son grand talent de styliste et de conteur. Il met son récit en images (dirai-je en glyphes ?) ; il dépeint longuement les lieux et les émotions, avec une constance telle qu’il est juste de parler de poème en prose pour décrire l’ouvrage. Dans la même logique, Merjagnan néologise sans vergogne, au point de s’offrir le luxe d’un petit lexique à la fin de l’ouvrage. L’écriture est ce qui singularise "Treis altitude zéro", arabesques chatoyantes sur une tapisserie de Bayeux moderne. Ce point fort est aussi le talon d’Achille du roman, car parfois la forme tend à étouffer le fond, et il n’est pas rare de devoir relire un passage dont la beauté plastique avait occulté le sens. La lecture est lente et saccadée, comme la démarche à adopter pour éviter le Shaï-Hulud. D’ailleurs, désert, hi-tech/lo-tech, Ordres, eau, Treis évoque Dune dans ce que ce monde avait d’impitoyable et de syncrétique. L’auteur y ajoute la poésie d’un Bordage ensauvagé, et des personnages de femmes fortes et extra-ordinaires que ne renierait sûrement pas le maître nantais. On peut rêver pire filiation.
Treis altitude zéro, Norbert Merjagnan

L'avis d'Anudar

Commentaires

Efelle a dit…
Pas convaincu par le premier tome, je m'abstient.
Gromovar a dit…
Si tu n'as pas aimé le premier tome, tu fais bien.
On y retrouve le même style, en mieux ou pire, ça dépend du point de vue.

Moi, j'avais bien aimé, je continue.
Anudar a dit…
Donc je l'ai lu et chroniqué.

Cela me fait beaucoup penser à Dune. La langue est peu ordinaire, comme tu dis...
Efellle a dit…
Je viens de le terminer, l'écriture est belle, agréable et plus accessible que pour Les tours de Samarante. L'intrigue est plus élaborée, on discerne des enjeux.
C'est ce qu'aurait dû être le premier tome.
Gromovar a dit…
Ouf !

Tant mieux :)