Mariana Enriquez - Un lieu ensoleillé pour personnes sombres

Des voix magnétiques, pour la plupart féminines, nous racontent le mal qui rôde partout et les monstres qui surgissent au beau milieu de l’ordinaire. L’une semble tant bien que mal tenir à distance les esprits errant dans son quartier bordé de bidonvilles. L’autre voit son visage s’effacer inexorablement, comme celui de sa mère avant elle. Certaines, qu’on a assassinées, reviennent hanter les lieux et les personnes qui les ont torturées. D’autres, maudites, se métamorphosent en oiseaux. Les légendes urbaines côtoient le folklore local et la superstition dans ces douze nouvelles bouleversantes et brillamment composées, qui, de cauchemars en apparitions, nous surprennent par leur lyrisme nostalgique et leur beauté noire, selon un art savant qui permet à Mariana Enriquez de porter, une fois de plus, l’horreur aux plus hauts niveaux littéraires. Un lieu ensoleillé pour personnes sombres , le dernier recueil de nouvelles de Mariana Enriquez, sort en VF aux Editions du Sous-Sol dans une trad...

Le dormeur doit se réveiller


"Treis altitude zéro", de Norbert Merjagnan, est la suite des Tours de Samarante. Elle nous emmène à la découverte de Treis, la cité principale du monde humain, siège du pouvoir et nid de corruption ; les Ordres y ont leur siège, ainsi que ce qui se rapproche le plus d’un gouvernement. Le lecteur devra aussi voyager dans un désert taché de génocide et revoir, pour la dernière fois, Samarante. Les nœuds gordiens sont tranchés, les Rubicons franchis, le Seuil approche et rend tout le monde fou ; les désaccords politiques seront lavés dans le sang.
Planet-opéra quasi post-ap, Treis mêle technologie avancée et environnement lo-tech, sur un monde desséché et largement désertique, anéanti il y a si longtemps par les guerres climatiques. Peuplé d’humains naturels, ou modifiés, ou synthétiques, ou clonés, ce monde est dur et cruel, meurtrier sans même le vouloir. S’y combattent des ambitions et des rancœurs, vu d’en l’air comme dans une fourmilière géante. La technologie croise la magie, ou, pour paraphraser la citation la plus reprise de l’histoire, une science suffisamment avancée pour être indiscernable de la magie. La science y tient lieu de religion, avec tous ses attributs, mythes, cosmogonie, hérésie, eschatologie. Le monde de Merjagnan, étrange du fait de ce mélange complexe, largement hermétique à la fin des Tours, prend sens dans ce second volume. Nombre de secrets sont dévoilés, les relations entre protagonistes s’éclairent, le fond institutionnel, scientifique et historique aussi. L’humanité est-elle un média mort, comme l’écrivit, je ne sais plus trop où, Bruce Sterling ? Triple A ou Cinabre semblent l’impliquer, Joti le dément.
Norbert Merjagnan confirme dans ce roman son grand talent de styliste et de conteur. Il met son récit en images (dirai-je en glyphes ?) ; il dépeint longuement les lieux et les émotions, avec une constance telle qu’il est juste de parler de poème en prose pour décrire l’ouvrage. Dans la même logique, Merjagnan néologise sans vergogne, au point de s’offrir le luxe d’un petit lexique à la fin de l’ouvrage. L’écriture est ce qui singularise "Treis altitude zéro", arabesques chatoyantes sur une tapisserie de Bayeux moderne. Ce point fort est aussi le talon d’Achille du roman, car parfois la forme tend à étouffer le fond, et il n’est pas rare de devoir relire un passage dont la beauté plastique avait occulté le sens. La lecture est lente et saccadée, comme la démarche à adopter pour éviter le Shaï-Hulud. D’ailleurs, désert, hi-tech/lo-tech, Ordres, eau, Treis évoque Dune dans ce que ce monde avait d’impitoyable et de syncrétique. L’auteur y ajoute la poésie d’un Bordage ensauvagé, et des personnages de femmes fortes et extra-ordinaires que ne renierait sûrement pas le maître nantais. On peut rêver pire filiation.
Treis altitude zéro, Norbert Merjagnan

L'avis d'Anudar

Commentaires

Efelle a dit…
Pas convaincu par le premier tome, je m'abstient.
Gromovar a dit…
Si tu n'as pas aimé le premier tome, tu fais bien.
On y retrouve le même style, en mieux ou pire, ça dépend du point de vue.

Moi, j'avais bien aimé, je continue.
Anudar a dit…
Donc je l'ai lu et chroniqué.

Cela me fait beaucoup penser à Dune. La langue est peu ordinaire, comme tu dis...
Efellle a dit…
Je viens de le terminer, l'écriture est belle, agréable et plus accessible que pour Les tours de Samarante. L'intrigue est plus élaborée, on discerne des enjeux.
C'est ce qu'aurait dû être le premier tome.
Gromovar a dit…
Ouf !

Tant mieux :)