The Dagger in Vichy - Alastair Reynolds


France, non loin de Bourges, autour du ??? Autour de quel siècle au fait ? C’est une bonne question.


Car si dès le début de The Dagger in Vichy nous marchons dans les traces d’une troupe de théâtre itinérante comme il y en avait tant entre Moyen-Age et Renaissance, des indices transparents nous disent vite (à nous, peuple de la SF) que l’époque n’est pas celle que nous croyions au départ.

Nous comprenons vite que Maître Guillaume, le dramaturge, Maître Bernard, le soldat, et le reste de la troupe, y compris celui qui nous narre l’histoire tragique et navrante de la petite équipe, vivent en des temps qui suivent les nôtres, après maints désastres et tribulations (décidément l’un de mes mots préférés de la langue française), alors que barbarie et sauvagerie ont repris possession du monde comme elles le firent après la chute de l’Empire romain. Caprice des temps, il y a dans la France du texte un Imperator qui siège à Avignon, comme le firent les papes en d’autres temps.


Époque incertaine, certes, mais péril certain. Les temps sont troublés, les routes ne sont pas sûres, et ce n’est pas le chevalier de la Garde Impériale, mourant, que découvrent les théâtreux non loin du chemin de leur chariot qui dira le contraire. Il n’y a hélas rien à faire pour sauver le blessé mais, avant de trépasser, l’homme, qui dit être Sir Joseph of Friedrichshafen, fait promettre aux deux chefs de la troupe de transporter, en ses lieu et place, un paquet, « une relique d’une valeur inestimable, donnée en tribut par l’un des monastères des Basses-Terres », qui doit être remis à l’Imperator lui-même à Avignon. Dans le plus grand secret, car les ennemis rôdent et qu’ils chercheront à récupérer le colis en éliminant ses porteurs, comme ils l’ont fait pour Sir Joseph et sa section.

Soit. Serment est prêté, le paquet sera délivré. Mais en chemin, un pacte faustien se présente qui va conduire à grande menterie, grande trahison et malemort.


The Dagger in Vichy est une novella d’Alastair Reynolds. On lit ici et là que ça évoque Emily Saint-John Mandel. Ma foi. C’est bien plus adulte que le Station Eleven de la dite.

En revanche, la narration ex-post par le disciple devenu vieux, la mort qui s’invite à la table, le maître qui se prénomme Guillaume, les lunettes qui passent d’un ancien à un plus jeune qui les utilisera, tout fait penser au Nom de la Rose d’Umberto Eco. Ce n’est pas une copie conforme mais l’ambiance y est et les rapports humains y sont.

On pense encore au Bacigalupi de L’Alchimiste de Khaim avec ses végétaux hors de contrôle, ici une idée de géoingénierie qui aura bien mal tourné.


La tension narrative, la finesse du world building, la délicatesse ambiguë des rapports maître/disciple (à fortiori quand le disciple doit sa vie même au maître), l’amitié trahie et la vilenie d’un vieil artiste prêt à toutes les bassesses pour briller à nouveau, tout ceci fait de The Dagger in Vichy un bien beau texte qu’on dévorera au coin du feu. Il y a même un LLM néfaste – pour faire cultivé et briller dans les dîners en montrant combien la SF est au fait des inquiétudes du Monde (!)


The Dagger in Vichy, Alastair Reynolds

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