Sortie du troisième tome de la saga Noon, toujours écrit par l'ettin littéraire L.L. Kloetzer, illustré par Nicolas Fructus et publié par les démons du Bélial.
Le monde t'est connu, lecteur, sinon suis ce lien vers les chroniques précédentes. Sache alors que ce troisième opus place la Cité des toges noires dans un très grand péril, dont l'archimage Tubal et ses antédiluviennes intrigues n'est pas innocent. Et il va revenir à Noon, raconté par son fidèle ami et factotum Yors, de sauver la situation en redressant les torts passés afin que la Cité ne s'effondre pas à tous les sens du terme.
Raconté sur le même ton gouailleur que ses devanciers, Le Désert des cieux est une aventure dynamique doublée d'un thriller. Pour le grand sorcier Noon, qui au début ne soupçonne rien de la bombe à retardement qui menace la Cité, il faudra comprendre vite et agir à temps, avant que tout ne tourne très mal – thriller donc, mais thriller magique ce qui est plutôt original.
Enquête policière aussi même si, après avoir lancé le lecteur sur cette voie, L.L. Kloetzer l'en détourne pour le plonger dans la confusion.
On retrouve encore ici les références à Shakespeare qui parsemaient les épisodes précédents, plus peut-être que d’habitude avec dans cet opus un Obéron, une Titania et un Puck. Et, l'histoire m'y pousse, je vais encore une fois utiliser la citation tirée de Jules César « The evil that men do lives after them ».
Mais il y a aussi dans Le Désert des cieux une partie qui évoque largement les voyages sword and sorcery de Conan, plein de nomades, d'escrocs, de monstres anciens, de tumulus et d'objets magiques. Parlant de RE Howard, même les mânes d'El Boraq sont invoqués au détour d'une phrase.
Et bien sûr Ningauble est de retour, aux côtés d'autres références à la Lankhmar de Fritz Leiber.
Dans Le Désert des cieux, un personnage se révèle. Meg, la dégourdie apprentie du grand magicien prend de l'épaisseur et doit passer elle-même les étapes d'une formation exigeante (à la dure, pas du tout comme dans un rookie movie) dont l’enseignement le plus important est sûrement le fait que toute parole crée une l'obligation et que toute obligation doit être respectée. Pacta sunt servanda disent les juristes, c'est encore plus vrai en magie, des équilibres capitaux en dépendent.
A coté de Noon, Yors, Meg et leur entourage, grenouillent d'autres personnages intéressants. Un roi des morts qui ne veut pas mourir et intrigue pour gagner la vie éternelle. Un fleuve capricieux. Un garçon perdu dans des limbes qu'il ne sait pas quitter. Une gouvernante occulte qui rappelle Mycroft Holmes par ses interventions discrètes et pourtant capitales. Un vrai salopard, opportuniste, menteur et meurtrier qu'on se prend vite à haïr tant il est globalement méprisable.
L'ensemble forme un roman agréable qui replonge dans un monde qui hélas s'effaçait du paysage de l'édition, et qu'on peut heureusement pratiquer encore en jouant à Barbarians of Lemuria.
Qui aime bien châtie bien, quelques reproches maintenant.
D'abord ce roman, le plus long de la trilogie, semble constitué de plusieurs fragments liés par des liens lâches (je me suis même demandé s'il n'y avait pas un auteur supplémentaire). Les passages concernant les quêtes de Meg notamment aurait sans doute gagnés à se trouver dans un volume indépendant plutôt que d’apparaître comme ces épisodes hors fil principal des séries télé. L'ensemble y perd en punch imho.
Ensuite – et là c'est très personnel, je te prie, lecteur, de m'en excuser – il y eut un jeu de rôle qui s'appelait Rêve de Dragon. Dans ce jeu, les magiciens « montaient » dans les « Hautes terres du rêve » afin de modifier la réalité matérielle du monde. Il y avait donc deux niveaux de jeu, l'un étant, d'une certaine façon, métaphorique. Ici il y a aussi deux niveaux d'aventure. La plus grande part, de fait, de l'intervention de Noon dans le Désert des cieux se passe dans une sorte de demi-plan au cœur du multivers dans lequel un Noon astral (ou c'est tout comme) agit alors que son corps est comateux dans le monde réel. En tant que magicien spécialisé Evocation, j'ai détesté Rêve de dragon. Et j'ai eu bien du mal avec la manière dont Noon, ici, règle les problèmes actuels et solde les vieux comptes ; j'ai toujours été plus Bigby's Hand que Suggestion ;)
Noon, Le Désert des cieux, L.L. Kloetzer
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