Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

Sur la Lune - Mary Robinette Kowal


Sur la Lune est le troisième tome du cycle de la Lady Astronaute de Mary Robinette Kowal, après Vers les Etoiles et Vers Mars. Même s'il constitue une suite logique aux opus précédents on peut le lire indépendamment des tomes antérieurs ; une petite lecture du résumé Wikipedia (ou de ma chronique du tome 1) suffit à intégrer le contexte, et ça néanmoins c'est nécessaire.

Début des années 60. Kansas – Washington n'étant plus guère en état –, et Artemis, la base lunaire internationale permanente.
Alors qu'Alma York, la Lady Astronaute (!) est en route pour Mars (voir tome 2), les terriens sont toujours confrontés aux conséquences de la chute du météorite qui a bouleversé l'écosystème terrestre et mis en particulier les USA presque à genoux. Les retombées de « l'hiver météoritique » étant, à terme, létales, il faudra envoyer dans l'espace, pour les sauver, le maximum d'êtres humains possible, mais, pour des raisons logistiques évidentes, tous ne partiront pas, loin de là. Et rester signifie être condamné à brève échéance. Cet état de fait auquel s'ajoute l'effondrement objectif des USA a conduit à l'apparition du mouvement Earth First, un groupe religieux d'extrême-droite qui conduit des actions terroristes dans le but de saborder le programme spatial au nom d'une hypothétique politique de redressement de la Terre (et des USA).

Nicole Wargin, l'une des astronettes (!) originelles travaille toujours pour l'IAC, l'agence spatiale internationale. Elle est aussi l'épouse de Kenneth, gouverneur du Kansas et futur candidat à la présidence des USA (ce qu'il en reste). Cinquantenaire, Nicole commence à accuser son âge, et sent que, de ce fait, on aimerait la pousser vers la sortie. Mais elle est compétente, insérée dans le collectif spatial, connue du public, proche du pouvoir (ce qui est un plus non négligeable). Elle est donc toujours sur les rosters de l'IAC même si, sexisme sans doute – c'est quand même à en parler que servent les centaines de pages du cycle –, elle ne pilote pas les plus gros vaisseaux. Elle doit même retourner prochainement pour un round sur la base lunaire, en compagnie entre autres – je le dis pour les lecteurs du cycle – de Myrtle et Eugene Lindholm, le couple d'amis – noirs, deuxième discrimination à mettre en scène – dont elle est si proche, ainsi que de « colons » non astronautes dont beaucoup sont des bleus de l'espace.

Hélas, avant la date prévue pour le décollage, un attentat attribué à Earth First vise, peut-être, le gouverneur. Peu de temps après, une autre attaque cible, peut-être, Nathaniel York, le mari de la Lady Astronaute. Ceci alors que des sabotages du programme spatial – non rendus publics – sont constatés par les autorités. Face à des menaces de plus en plus crédibles et inquiétantes, Nicole est informée de l'existence d'un saboteur au sein même de l'IAC et, eu égard à son passé militaire, on lui demande d'enquêter discrètement afin de l’identifier sans créer de panique. Le vol prévu vers Artemis est aussi avancé, afin d'éviter si possible de nouveaux problèmes. En vain. Le transit vers la Lune, émaillé d'incidents techniques, est désastreux et se termine par un near-crash, heureusement sans victime si ce n'est que Nicole s'y fracture le bras et que la piste d’atterrissage lunaire est rendue presque inutilisable.
Commence alors pour une Nicole handicapée par sa blessure autant que par son anorexie (!), et alors que la station connaît des pannes techniques de plus en plus graves et menaçantes, une chasse à l'homme entravée par les nécessités du secret et la faiblesse des possibilités de communication avec la Terre et son supérieur – en  effet, tout le monde est suspect, tout le monde peut écouter, les informations transmissibles ou recevables sont donc nécessairement limitées en plus de devoir être codées (ce qui va constituer une partie non négligeable de l'intrigue du roman). Alors qu'on se demande de plus en plus sérieusement si la base est menacée de destruction, Nicole doit faire preuve de ruse et d'intelligence afin de trouver l'aiguille dans la botte de foin lunaire sans y laisser sa propre vie.

Décidément, il me paraît difficile d'adhérer au concept de ce cycle. Sur le fond, l'idée même de refaire la conquête spatiale avec des femmes aux manettes a quelque chose d'un peu vain. La conquête spatiale a eu lieu, il n'y avait pas de femmes aux manettes, c'est un fait. Et l'uchronie ici a bon dos – comme elle en a dans d'autres romans que je ne nommerai pas.

Mais admettons le projet. Admettons qu'il soit utile de refaire l'histoire sur du papier plutôt que d'écrire quelque chose de neuf dans lequel les discriminations ne seraient plus une question. Réfléchissons alors à l'exécution.

Comme déjà regretté pour le premier tome, le roman contient trop d'éléments qui ressortissent de la vie personnelle relativement à ceux qui concernent les points publics (politique de catastrophe, conquête spatiale, etc.). On peut aimer mais, imho, ça parasite le récit.
Si ce n'était que ça, ce serait juste un problème de goût. Mais ce n'est pas que ça. Le roman a d'autres problèmes, certains liés à sa thématique, d'autres non.

Commençons par le non lié.
  • La première partie, sur Terre, retombe, en dépit des enjeux, dans l'approche soap domesticocentrée déjà aperçue dans le tome 1. La Terre court à la catastrophe et ça se manifeste en gros par le fait qu'on ne voit pas le ciel bleu car le ciel est sans cesse ennuagé. Le stress post-traumatique des populations touchées par des catastrophes cosmiques vu dans les romans de RC Wilson par exemple est bien plus convaincant que celui qu'on entrevoit ici ; il y a bien sûr les gros méchants d'extrême-droite comme conséquence des événements mais c'est un peu léger en terme sociétal.
  • Dans le mal goupillé on ajoutera les très racistes Sud-Africains – facile – ou les fils inutiles et vite abandonnés par l'autrice tel que celui sur le « scandale » des messages codés.
  • La réaction aux sabotages lunaires est aussi, disons, sous-dimensionnée. Pendant de très nombreuses pages, et alors que les pannes provoquées s'accumulent, l'enquête suit son cours à un train de sénateur, discrètement bien sûr mais sans que soient prises de mesure pour tenter d'enrayer la poursuite des incidents techniques. Une approche de sitting duck qui n'est guère crédible imho.
  • L'épidémie de polio (décidément c'est récurrent !) qui frappe la base est bien utile enfin pour figer la situation et introduire de la complexité artificielle dans une enquête en offrant à l'autrice une facilité scénaristique regrettable. Et, mollesse initiale plus polio passées, ce n'est que dans le troisième tiers du roman que tout ce petit monde décide enfin de se remuer vraiment afin d'identifier la ou les personnes qui mettent en péril l'ensemble du personne d'Artemis. Mieux vaut tard que jamais.
  • Quand à l'enquête elle-même avant comme après l'illumination, entre son aspect artisanal, son approche collégiale, sa centration sur des histoires de lettres codées, et la franche bonhomie qui lie Nicole à ses différents alliés, on a parfois l'impression d'être dans une version Hard-SF de Fantômette.

Pour ce qui est lié au « projet » de Kowal.
  • Durant la plus grande partie du roman – ça s'arrange à la fin – Nicole est en dialogue interne pour notre profit. J'imagine que l'idée est de montrer in situ à quel point le conditionnement machiste fonctionne. S'enchaînent alors sans fin deux types de réflexion à propos du moindre geste : ce que je fais, pourquoi je le fais, comment j'aurais pu faire autrement ou ne pas le faire, ou alors, ce que je ne fais pas, pourquoi je ne le fais pas, pourquoi et comment j'aurais dû ou pu le faire. Cette métaposition en temps réel sur ses propres actes fait moins torturée que journal intime. Et devient vite pénible à lire pour cette raison précisément qui éloigne d'un personnage qui se préoccupe fort bien d'elle-même.
  • Sur le projet même, Nicole est un personnage qui, aidé par les circonstances, dépasse son rôle au sens sociologique du terme sans jamais transitionner vraiment hors de sa culture d'appartenance. On a donc une vraie épouse bourgeoise des années 50 dans une position professionnelle qui n'est pas celle attendue. Dans une position inattendue certes mais sans jamais sauter le pas jusqu'à endosser un nouvel habitus ; on est plus ici dans Les Saintes chéries que derrière les lunettes de Molly Cobb. Et je ne parle même pas de l'anorexie tant c'est cliché et renvoie à ma remarque précédente.

Le tout convergeant vers une fin en apothéose.

Sur la Lune, Mary Robinette Kowal

Commentaires

tadloiducine a dit…
Celui-là, il est donné pour 736 pages sur mes "sites de référence"... Encore un épais volume!
Lhisbei avait l'intention de le lire cet été dans le cadre de challenge(s), mais ne semble pas avoir concrétisé (ou en tout cas rédigé un billet dessus) à ce jour (et en plus, je cafte! ;-)).
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
tadloiducine a dit…
(Pas de rajout du logo "Les épais de l'été"?)