Je reviens encore ici pour dire du bien de la série Les frères Rubinstein dont le tome 4, "Les fils de Sion", vient de sortir.
Suite de la peinture réaliste et émouvante de la vie des frères Salomon et Moïse Rubinstein dans les temps troublés qui encadrent la Seconde guerre mondiale. C'est au tour de Moïse, ici, de connaître enfin le bonheur de rencontrer réussite et succès dans le milieu qui le passionne, à savoir celui du cinéma d'Hollywood. Le film, inspiré de sa vie dans la colonie pénitentiaire pour mineurs de Mettray – littéralement un bagne pour enfants –, rencontre un énorme succès qui justifie qu'il retourne en France, à ses risques et périls, pour le promouvoir.
Salomon, certes, n'est pas en reste. Étudiant à Harvard, c'est dans le domaine académique qu'il excelle, comme depuis sa petite enfance. C'est là aussi qu'il rencontre Kabira, une militante sioniste qui se heurte à l'incompréhension et à l'hostilité brutale des institutions américaines. Cette rencontre provoque une prise de conscience chez Salomon sur l’antisémitisme qui gangrène l'establishment wasp de l'Amérique aisée. Comme son frère lors de sa tournée en France sur les lieux de souvenirs douloureux mais aussi d'heureuses retrouvailles, le jeune homme réalise alors qu'il sera toujours traité comme un citoyen de seconde zone, obligé d'acheter son intégration ou de se taire pour préserver sa tranquillité. Ceci explique sans doute son retour futur vers un Vieux continent où un sort funeste le fera échouer à Sobibor.
Car c'est à Sobibor que se passe l'autre moitié – future – du récit. A Sobibor où l'horreur se poursuit et où la nécessité de tenter une révolte pour fuir se fait de plus en plus pressante alors que l'évidence d'une extermination générale devient éclatante.
Entre humiliation récurrente, désir de vengeance, militantisme parfois trop naïf et engagement résolu dans l'action, ce tome garde son cap de dire une vérité tragique et des temps criminels à travers d'émouvants personnages, l'amour indéfectible de deux frères l'un pour l'autre, et les lourds sacrifices auxquels consent le dégourdi Moïse pour protéger le plus fragile Salomon. On y montre sans fard les torts infligés et les ignominies commises, ainsi que le prix à payer pour survivre et les cicatrices que ces paiements infligent.
On appréciera la finesse de l'histoire, qui dénonce sans charger une barque qui n'en avait pas besoin – même si les trois dernières pages semblent établir un parallèle fallacieux, et ceci en dépit du fait qu'elles démontrent que l'époque était à la discipline et à la violence explicite –, et le mécanisme narratif consistant à lier les périodes par le biais de répliques qui s'appliquent tant à la période dans laquelle elles sont prononcées qu'à celle qui la suit directement sur la page.
On aimera toujours autant dessins et couleurs, qui donnent une forme de douceur à un récit qui ne l'est pas.
A suivre.
Les fils de Sion, Les frères Rubinstein t4, Brunschwig, Le Roux, Chevallier, De Cock
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