La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Le prophète et le vizir - Yves et Ada Rémy


"Le prophète et le vizir" est un petit recueil de deux nouvelles, dont l'une suit l'autre, écrites par Yves et Ada Rémy. Publié initialement en 2012 chez Dystopia, il ressort aujourd'hui en Pocket.

Les deux textes réunis ici évoquent immanquablement les Mille et Une nuits. Pas de Shéhérazade ici ni de sultan Shahryar mais un monde arabo-musulman du XIV siècle – 8è siècle de l'Hégire – déployé en majesté sur les rives Sud et Est de la Méditerranée et au-delà vers l'Est encore.


L'ensemenceur raconte les pérégrinations à travers tout cet espace géographique de Kemal bin Taïmour, ex-pécheur de perles devenu voyant pour satisfaire les caprices de l'émir Nour al-Din Malek et calmer ses inquiétudes.


Problème : Le mécanisme divinatoire enclenché par les manigances pseudo-scientifiques  de l'émir fonctionne au-delà de ses espérances et il se retrouve avec un voyant inutile car il prédit l'avenir des siècles à l'avance. Commence alors pour Kemal un voyage dont il ne contrôle rien car, esclave, il passe de maître en maître qui le vendent et le revendent au gré de leur lassitude.

L'occasion pour lui de voir l'avenir de son monde, guerre du Golfe, massacre de Sabra et Chatila, révolution iranienne, creusement du canal de Suez, etc.

Si ses visions peuvent sembler inutiles et lui attire souvent railleries ou inimitiés, ce n'est pas l'avis de Kemal qui partout tentera, avec des succès très variables, de planter de petites graines de sagesse dans le cœur des hommes afin que se réalisent de meilleurs avenirs que ceux qu'il pressent. Peut-on alors changer l'avenir ? Si oui et le faisant ne risque-t-on pas d'en fabriquer un autre pire encore, pour quelqu'un tout au moins ? C'est à cette question et à ce dilemme que Kemal sera confronté toute sa vie, cherchant sans jamais le trouver vraiment le signe lui indiquant qu'il utilise bien le pouvoir divin qu'il a reçu.


Problème 2 : Kemal comprend vite que son don « rétrécit », autrement dit que ses prédictions se rapprochent peu à peu de son temps présent. Deviendra-t-il enfin utile à quiconque ? Et verra-t-il arriver sa propre mort ?

De fait oui, et il devra faire advenir le futur terrible qui lui est promis afin d'avoir une chance d'être cru lorsqu'il enjoint le cruel vizir Fares ibn Meïmoun de réformer ses façons et sa politique sous peine de perdre ses huit enfants.


Les huit enfants du vizir Fares ibn Meïmoun, le texte plus court qui clôt le recueil, raconte comment se réalise la prédiction de Kemal. Comment le cruel vizir cherche une solution ingénieuse pour sauver sa descendance plutôt que d'accepter de réformer ses voies. Comment, même là et même averti, sa cruauté et son inhumanité se manifestent. Fantômes et goules interviennent dans ce récit qui verra le juste châtiment de l'impiété frapper le pécheur, si puissant soit-il.


D'une grâce remarquable dans le ton exquisément ampoulé des Mille et Une Nuits (que j'aime au point de les avoir relues plusieurs fois dans plusieurs traductions), rempli d'une inévitable et centrale religiosité, "Le prophète et le vizir" est aussi un texte humaniste qui dit le destin d'un homme foncièrement bon dans un monde qui ne l'est pas, et d'un vrai croyant qui comprend que si noms et rites changent d'un lieu à l'autre c'est vers les mêmes cieux que s'élèvent les prières : « Kemal se prit à penser que sur Son trône de nuages Dieu devait bien rire, entendant que sur ce bord de la Méditerranée les Infidèles étaient les hommes qui Lui obéissaient en le nommant Allah quand sur l'autre bord les Infidèles étaient les croyants qui l'adoraient en l'appelant l'Eternel ou Dieu le Père ».


Le prophète et le vizir, Yves et Ada Rémy

L'avis de Lhisbei

Commentaires

Roffi a dit…
Intéressant. Le dernier extrait que vous citez du recueil à fait tilt.
Je pars à la recherche de ce recueil. Merci.
Gromovar a dit…
C'est un très joli recueil. Peut-être un peu trop long d'un poil ou deux mais vraiment charmant.