La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Nightflyers - George RR Martin


Nightflyers, traduit précédemment Le Volcryn par les mêmes ActuSf Editions, est – dixit le site – un thriller spatial saisissant. Il est en cours d'adaptation en série télé, d'où le retour ici au titre originel qui deviendra le titre international.
J'en avais pensé beaucoup de bien dans la courte chro (toujours, à l'époque) que j'avais écrite il y a dix ans. Je t'y renvoie, lecteur – et là je vois deux choses, primo que la chro était intitulée Dix petits nègres (parce que c'est ce que m'évoquait ce récit), faudra donc que je change le titre en Ils étaient dix quand j'aurai le temps, et secundo que – seuls les plus vieux se souviendront – je pointais vers une chro de El JC, RIP buddy.

Dans le recueil "Nightflyers", il y a aussi la nouvelle Week-end en zone de guerre qui était déjà dans le recueil Au fil du temps. Voici ce que j'en disais :
Week-end en zone de guerre est un texte intéressant par la progression psychologique de son personnage principal. Quand chacun peut acheter un week-end de combat à armes réelles, les frustrations et les rancœurs trouvent à s’exprimer d’une manière inédite, heureusement encore impossible dans notre propre monde. Quand l’animal humain n’est plus contraint par aucune borne morale, tout devient possible en terme de comportement. C’est cela le point de la nouvelle, bien plus qu’une critique de la société du spectacle.

Et puis, dans "Nightflyers", il y a aussi d'autres textes.

Pour une poignée de volutoires et Sept fois, sept fois l'homme, jamais ! sont deux textes des 70's situés dans l'univers science-fictif de GRRM, celui dans lequel, pour le situer, autour d'humains qui ont colonisé l'univers vivent entre autres des Hrangans (cad l'univers de Dying of the Light, qui est aussi celui de Nightflyers).

Pour une poignée de volutoires est un western spaghetti spatial. Monde frontière riche de l’exploitation de pierres précieuses, mercenaires mineurs utilisant des morts animés comme lumpenprolétariat, saloon local où circulent les rumeurs, compagnie minière rapace, dettes et passion du lucre, ne manque qu'un shérif. Pas de shérif ici, les tentatives de meurtre se règlent dans la solitude des grottes à gemmes, dans l'eau et la boue. Une bien belle ambiance typique des films de Sergio Leone.

Sept fois, sept fois l'homme, jamais ! montre un monde paisible, celui des Jaenshis, envahi par les Anges d'acier, une organisation théologico-militaire impérialiste. Massacres des populations locales pour l’exemple, destruction de leurs lieux de culte, interrogations sur le statut des autochtones regardant leur âme. On pense fort à l'arrivée des Espagnols en Amérique ou à d'autres moments similaires.
Une première page glaçante puis une progression qui semble inarrêtable. Mais, cette fois et ici, le génie du lieu sera plus fort que les envahisseurs, et ceux-ci, qui avaient changé dans un lointain passé leurs épées en charrues avant de faire le chemin inverse et de devenir d'implacables guerriers fanatiques, connaîtront la force irrésistible de l'assimilation.
For out of Zion shall go forth instruction, and the word of the Lord from Jerusalem. He shall judge between the nations, and shall arbitrate for many peoples; they shall beat their swords into plowshares, and their spears into pruning hooks; nation shall not lift up sword against nation, neither shall they learn war any more. –
— Isaiah 2:3–4

Enfin, Le chant de Lya (toujours le même univers) est un beau texte long dans lequel un couple de télépathes/lecteurs d'émotions enquête sur une planète étrangère à la demande du gouverneur local, afin de déterminer pourquoi tant d'humains se convertissent au culte autochtone, un culte étrange et répugnant dans lequel le fidèle accepte un parasite sur son crane qui se nourrira de lui des années durant jusqu'à l'absorption finale et mortelle dans une version géante et cavernicole du dit parasite.
L'enquête conduira l’homme et la femme à interroger leur amour, la nature de l'amour, la possibilité même de l'amour ou de l'interconnaissance, sur les traces tant du Silverberg de L'oreille interne que du Baudelaire des Yeux des pauvres ou du Simmel du secret incommunicable au cœur de toute relation sociale, même amoureuse.
Très 70's – comme les autres – par le caractère récréatif que le sexe y a et par la certitude que c'est l'Humain qui ira vers l'univers – comme l'Occident s'est répandu sur la Terre – et pas l'inverse, il évoque aussi la secte en vogue de l'époque, les Hare Krishna, dont les membres, enfants gâtés de l'Occident prospère, tournaient le dos à celui-ci et à son « matérialisme effréné » pour adopter une spiritualité orientale (comme tant d'autres le firent avant eux en se trouvant un Magical Hindu) et déambulaient par petits groupes dans les rues des grandes villes en chantant et en faisant tinter des clochettes (exactement comme dans le récit) ; jusqu'au départ pour l'Inde où beaucoup se perdront (ici pour les grottes du parasite).
Un bon texte, qu'on ait ou pas connu les 70's.

C'est donc un recueil très agréable à lire que propose ActuSF, avec une vraie unité de cadre puisque tout (à un texte près) est situé dans l'univers de Dying of the Light.
Un univers à l'ancienne assemblé morceau après morceau par un maître de l'Imaginaire.
Un univers dans lequel des humains s'éparpillent dans l’univers en y apportant avec eux une organisation sociale très US 60's., sûre de sa supériorité même quand elle se veut sincèrement ouverte.
Un vaste univers finalement qui rappelle les 60's et 70's, tant on n'écrit jamais que sur soi quand on invente les autres, un univers donc que les Jeunes-Turcs de l'Imaginaire feraient bien de lire pour s'interroger sur leurs propres pratiques créatives, qu'ils croient universelles alors qu'elles sont – ni plus ni moins que toutes les autres – historiquement situées et idéologiquement produites.

On ne peut que conseiller ce plaisant recueil.

Nightflyers, George RR Martin

Commentaires

Thomas Baronheid a dit…
Je me rends compte que je l'ai noté deux fois dans ma liste (si longue) de livres à acheter. Redécouvrir de quoi ça parle me donne envie de le noter une troisième fois ! Merci pour ce rappel.
Un petit blog bien sympa à part ça, je vais rester dans le coin, si tu permets :)
Gromovar a dit…
Avec grand plaisir :)