Bog People - Hollie Starling

Bog People est une « Working-class anthology of folk horror » , éditée par Hollie Starling.   Working-class anthology car, dixit Starling en préface, les textes rassemblés dans ce volume parlent de cette classe populaire britannique qui est l’objet d’une attention ambivalente de la part des CSP+, dans une société où le système des classes est bien plus évident et prégnant qu’en France. Working-class anthology encore, car dixit toujours Starling, les auteurs réunis ici ont montré patte blanche sur leur appartenance présente ou passée à la classe populaire. Une forme de #OwnVoices donc. Fidèle à l’assertion de Max Weber selon laquelle il n’est pas besoin d’être César pour comprendre César, je suis toujours aussi peu fan de cette approche ; nous verrons bien, rien ne dit que ça nuise.   Folk horror ensuite car c’est du peuple tel qu’en lui-même que veulent nous parler ces textes, de ce peuple britannique qui continue à exister loin de la modernité mo...

Sherlock Frankenstein and the Legion of Evil - Lemire - Rubin


Juste un petit mot pour parler de "Sherlock Frankenstein and the Legion of Evil", spin-off kind-of-prequel de la très bonne série Black Hammer, de Jeff Lemire. On y découvre l'enquête qui conduit in fine à l'arrivée inexpliquée de Lucy Weber dans le monde caché de la série principale.

Ici, après Omrston, c'est Rubin qui se colle au graphisme (dessin et couleurs). Son travail est très intéressant car il sort de l'approche bucolique imposée par le contexte de la série principale pour partir dans plusieurs directions appropriées au récit : de la noirceur d'un Batman-style à l'humour noir d'un Cthulhu-like, aussi peu digne que non-terrifiant, jusqu'à un steampunk dans une ambiance à la Spring-Heeeled Jack.
Dans quelque facette que ce soit, le style de Rubin est très beau, colle parfaitement au récit, et éclaire la narration. On appréciera par exemple la descente dans l'asile d'aliénés qui se fait en colimaçon autour d'une double page, en direction d'une vérité enfouie dont on ne cesse d'approcher, comme on plongeait dans le conduit auditif d'un homme mort au tout début de Blue Velvet.

"Sherlock Frankenstein and the Legion of Evil", c'est l'histoire des premières recherches de Lucy Weber, la fille orpheline de Black Hammer. Seule sur Terre avec sa mère après la disparition des héros, seule avec une mère qui veut oublier le souvenir d'un homme qui a toujours fait passer son devoir avant sa famille jusqu'au sacrifice final, empêchée, pour des raisons de sécurité évidente, de parler à quiconque d'un père qui a laissé les deux femmes seules pour lutter et tenter de survivre. De tout cela, Lucy souffre ; pour Lucy, ce père absent et comme effacé de l'histoire familiale n'est pas psychologiquement gérable. Elle se convainc donc, en dépit de toute raison, qu'il est toujours vivant, ailleurs. Et un indice aussi inattendu qu'émouvant, laissé pour elle par un homme mort avant même qu'il sache devoir mourir, la met sur la piste des anciens ennemis du héros, qu'elle va rechercher pour tenter de savoir enfin si son père, le Black Hammer, a pu survivre à l'explosion dans laquelle lui et ses compagnons ont disparu il y a dix ans maintenant.
Privilège de lecteur : nous savons la vérité, elle pas encore.

L'enquête de la très jeune journaliste est l'occasion pour Lemire de continuer sa visite, down the memory lane, des comics qu'il a aimés et des époques que le genre a traversé, jusqu'à un hommage oblique et réciproque à Mike – Frankenstein Underground – Mignola.
Super-héros contre nazis.
Milliardaire maléfique à la Lex Luthor, épicé d'un mashup improbable entre Sherlock et Moriarty saupoudré d'un peu de Frankenstein.
Arpentant, avec Lucy, Spiral City, le lecteur visitera aussi une sorte de Batcave ou de Forteresse de la Solitude, et un Spiral asylum for the criminally insane – contrôlé par un génie du mal – qui rappellera des souvenirs aux lecteurs de Batman.
Il rencontrera un avatar bien peu ragoutant de Cthulhu, et sa bien gentille et malheureuse fille dont la claustration familiale évoque certaines pages de Poe ou le Je suis d'ailleurs de Lovecraft.
Il croisera aussi un malfaisant nommé Grimjim, tellement con qu'il porte un t-shirt Britney Spears ce qui, pour ses auteurs, est le summum de la stupidité – car le récit ne manque pas d'une forme d'humour.

Passant d'âge en âge au fil de la biographie de Sherlock Frankenstein, Lemire décrit la chute puis la rédemption de ce super-villain. Lucy y découvre quelques informations et un allié inattendu, mais, quand l'album se termine, elle n'est toujours pas plus proche de la vérité dont elle est en quête. Il faudra attendre le TPB suivant – Doctor Star and the Kingdom of Lost Tomorrows – pour apprendre peut-être comment Lucy réussit à pénétrer le monde clos où est exilée depuis dix ans l'équipe de Black Hammer.
Il n'y a pas le génie de la série originale, mais c'est quand même très plaisant. A suivre.

Sherlock Frankenstein and the Legion of Evil, Lemire, Rubin

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