Les Diables - Joe Abercrombie

Les Diables est le dernier roman de Joe Abercrombie, le pape du grimdark. C'est un roman fantasy/action très dynamique, sanglant, violent et parfois drôle. Il est aussi plus profond que son début ne le laissait présager, et c'est le traitement des personnages qui fait sa qualité. Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 120, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : L’Europe est au bord du gouffre. La peste et la famine la ravagent, des monstres rôdent dans l’ombre et des princes avides ne songent qu’à leurs dévorantes ambitions. Une seule certitude demeure : les elfes reviendront, et ils mangeront tout le monde. Mais parfois, les chemins les plus sombres mènent à la lumière. Des routes sur lesquelles les Justes n’ont pas l’audace de s’engager. Enfouie dans les entrailles du splendide Palais Céleste, le fief de la foi...

Roboteer - Alex Lamb - Charabia


"Roboteer" est le premier roman de Alex Lamb. Stephen Baxter en dit du bien. Moi non.

SF militaire, "Roboteer" est l’histoire de Will, un roboteer, c’est à dire un humain génétiquement modifié pour s’interfacer avec des robots et optimiser leur fonctionnement. C’est aussi l’histoire de l’entrée de l’humanité dans la grande famille des entités sentientes civilisées.

Futur indéterminé mais assez éloigné pour que la colonisation spatiale ait eu lieu. La Terre a connu au moins un siècle de malheurs guerriers et terroristes. L’ère des tribulations a pris fin quand le Prophète a uni la planète sous sa bannière et imposé une brutale théocratie militaire. Mais, dans les colonies, vivent des humains qui ne reconnaissent pas l’autorité du Prophète et, injure suprême, procèdent à une optimisation génétique de leurs descendants alors même que le Prophète a sacralisé l’ADN humain comme la parole matérialisée de Dieu. La dictature terrienne reprend donc une à une les colonies, les purifiant par le génocide et la conversion forcée. La dernière à résister est Galatéa (Pygmalion I’m here !), toujours en terraformation et berceau des roboteers, ces humains dont on a développé artificiellement les traits autistiques pour faciliter leur connexion aux machines.

Le roman commence par un assaut terrien sur Galatea, aussi violent qu’incompréhensiblement réussi. La technologie galatéenne, toujours supérieure, est ici mise en déroute par une arme secrète terrienne dont elle ne savait rien (le lecteur, lui, sait qu’elle a à voir avec les mystérieux travaux du presque disgracié Général terrien Ulanu, qu’elle implique un artefact alien, et qu’elle est l’enjeu d’une violente lutte de pouvoir au sein de l’Eglise). Tentant de comprendre, cherchant comment résister à l'invasion prévisible de leur planète, les Galatéens envoient une mission d’espionnage – comprenant Will – à la recherche de l'arme secrète. Sans grand effort, la mission découvre l’existence de l’artefact au prix du « piratage » de Will. Celui-ci, habité par l’Intelligence supérieure et soupçonné de traitrise par ses alliés, doit maintenant forcer l’humanité à changer sous peine d’être anéantie par des aliens si puissant qu’ils peuvent s’arroger le droit de juger une espèce entière.

Prenez The Day the Earth stood still. Ajoutez-y le bien plus contemporain Three-Body Problem et sa Dark Forest. Ecrivez mal le mélange et vous obtenez "Roboteer".

Pourtant le roman est plutôt sympathique au début. De l’action, un mystère, une dystopie religieuse percluse de factions rivales. Mais, rapidement, tout dérape.

"Roboteer" est nanti d’une physique incompréhensible faite de fusion drives, gravity drives, warp drives, spacetime shells, curvons, Penfield lobe, le tout mixé sans grande logique pour expliquer des vitesses FTL rapides mais pas trop et des poursuites possibles mais pas trop non plus. Il y a aussi le suntap (comme pour le mana dans MTG mais ici ce sont des étoiles qu’on tappe pour alimenter des laser gamma), base de l'arme secrète, utilisable à partir de rien en très peu de temps – peur de rien Lamb. Pour le meatware, "Roboteer" propose aussi une bionique qui est juste un peu moins absconse.
On se croirait revenu au temps d’un charabia magico-scientifique qu’on croyait définitivement enterré. La suspension d’incrédulité est sans cesse mise entre parenthèse ; ennuyeux pour de la SF.
Quant aux systèmes politiques ou économiques qui organisent l’humanité, hormis un vague lexique marxisant, on n’en sait pas grand chose de construit (alors que la guerre est d’abord idéologique), et, au vu de ce qui précède, on se dit que c’est tant mieux.

Les personnages, mis à part peut-être Will, sont cookie-cutter, dépourvus de biographies et de profondeurs, mais en revanche assez différents et typés pour remplir la fonction narrative qui leur est assignée.

Le temps du roman est incroyable dans sa brièveté. L’enchainement des batailles, des rebondissements, des mises en œuvre de technologies jusque là inconnues, est proprement impossible à défendre. Et ne parlons pas de la conclusion…

Et puis c’est long. Long car les invraisemblances interrompent sans cesse l’immersion. Long aussi car le style du roman est plat, désespérément plat. Et pas seulement plat. Démonstratif aussi, Lamb expliquant régulièrement ce qu’il vient de montrer, au cas où...
Passons sur des scènes dignes des films de guerre des années 50 (le coup de poing annoncé et bien mérité au salaud), une bluette quelconque, des références stupéfiantes vu la date des évènements (ce sont les Medellin qui dominent l’Eglise, il y a un courant Néo-maoïste, et un vaisseau qui s’appelle le Soekarno), et une écriture qui ne donne jamais au lecteur l’impression qu’il pourrait comprendre les règles scientifiques et politiques du monde qu’il visite et fait alors involontairement de Lamb un médecin de Molière.

Roboteer, Alex Lamb

Commentaires

yogo a dit…
En voilà une critique qui calme...
Gromovar a dit…
Le livre aussi m'a calmé ;)