"
Waking Hell" est le second roman d’Al Robertson. C’est une suite du très bon
Crashing Heaven, qui peut se lire indépendamment de son prédécesseur (même si je ne crois pas que ce soit très facile étant donné l'importance du
world building).
"
Waking Hell" prend place après les évènements qui concluaient
Crashing Heaven, dans une Station assez largement transformée par ceux-ci (je n’en dis pas plus car il faut vraiment lire
Crashing Heaven). Leila est une fetch, un de ces morts qui ressuscitent sous la forme d’une simulation numérique d’eux-mêmes, basée sur l’immense stock de données de vie accumulées par chacun tout au long d’une vie ultraconnectée. Elle « vit » avec son frère Dieter, qui l’a sauvée de l’annihilation qu’ont connu de nombreux fetches lors de la violente attaque virale conduite par des intégriste humains contre les « ressuscités ». Frère et sœur s’aiment beaucoup. Alors, quand Dieter succombe à un objet piégé nano, quand il vend – dans un contrat de dupe – les données de vie qui seules lui permettraient de créer son propre fetch, Leila se lance éperdument à leur recherche pour libérer son frère du pacte faustien qu’il a signé. Cette quête personnelle et intime, pleine d’embuches et de chausse-trapes, l’entraine au cœur d’une machination qui menace la Station dans son ensemble.
"
Waking Hell" est un roman cyberpunk très moderne qui prend progressivement de la vitesse en se dirigeant vers une conclusion bien plus large que le début ne le laissait supposer. Il aborde des questions intéressantes sur la ploutocratie et le vide existentiel qui caractériseraient un monde de réalité augmentée omniprésente. Il livre quelques réflexions pertinentes sur les limites éthiques de la manipulation (particulièrement de l’Histoire et de la mémoire, avec des possibilités dont le Winston Smith de
1984 n’aurait jamais pu rêver). Il pose la question de la fin qui justifie – ou pas – les moyens. Il traite fort justement la question de la mémoire individuelle. Et il le fait dans le cadre d’un récit dynamique qui ne lasse jamais son lecteur, et parvient même – trop rarement – à être touchant.
Néanmoins, il n’est pas exempt de défauts. J’en vois au moins trois.
D’abord, le cheminement, par Leila, du thriller au complot est un peu artificielle, trop rapidement menée, accumulant trop souvent des éléments qui, même s’ils sont expliqués ex-post, sentent l’artifice scénaristique bienvenu.
Ensuite, certains éléments techniques indispensables à l’histoire sont trop peu expliqués ou semblent trop ad hoc. La réécriture des mémoires informatiques paraît sensée (voir
The Quantum Thief), celle des mémoires biologiques un peu moins, ou alors il faut en décrire précisément les mécanismes comme le faisait Rajaniemi. Les déplacements au sein du monde matériel des personnalités informatiques (tant leur faisabilité que leur limites) paraissent aussi parfois un peu inexplicables.
Enfin, les personnages principaux n’ont pas le charisme du duo mis en scène dans
Crashing Heaven. Leila et ses comparses n’ont pas le charme de Jack et Hugo. Ils n’ont pas leur profondeur historique ou biographique. Ils n’emportent pas l’adhésion. Le rythme auquel se succèdent évènements et révélations, et dans lequel sont pris autant les personnages que le lecteur, n’aide pas – on se prend à espérer une version longue qui donnerait du temps au temps, aux personnages, à la trame, au lecteur.
"
Waking Hell" est donc à la fois un roman agréable à lire sans se prendre trop la tête et une déception si on se la prend un tant soit peu. C’est dommage.
Waking Hell, Al Robertson
Commentaires