La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee - Must-read

"To kill a mockingbird" - Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur en VF – est un roman de l’Américaine Harper Lee, pour lequel elle obtint le Pulitzer en 1961. Considéré comme un des grands romans américains contemporains, le texte fut adapté au cinéma avec Grégory Peck dans le rôle « principal », celui d’Atticus Finch. J’écris « principal » entre guillemets car le narrateur, protagoniste central du roman, est la jeune (10 ans) Scout, fille cadette d’Atticus.

Sud des USA, milieu des années 30. La crise a frappé la petite ville de Maycomb en Alabama comme le reste du pays. Ce n’est pas la misère toutefois, sauf pour quelques familles qui n’étaient déjà guère faraudes avant. Dans l’ensemble, la vie s’écoule paisiblement, entre faible productivité, contrôle social, légendes locales, et ragots.
C’est le Sud rural. Domination des Blancs sur les Noirs, si peu discutée qu’elle en parait naturelle. Forte religiosité. Attention forte portée à la respectabilité, ce patrimoine immatériel dont on dispose si on est issu d’une famille installée depuis longtemps dans le comté et si on respecte les conventions sociales rigoristes du lieu. La respectabilité, que tous mesurent et évaluent, sert à classer les Blancs entre eux et fixe le crédit social dont ils disposent. Pour les Noirs, c’est facile, ils sont structurellement inférieurs et leur crédit social est nul.

Scout est une petite fille blanche. Elle vit avec son père Atticus, un avocat cinquantenaire, son frère Jem, un peu plus vieux qu’elle, et leur gouvernante noire, Calpurnia. La mère de Scout est morte alors qu’elle était encore un bébé ; Atticus élève ses enfants avec l’aide de Calpurnia.
Scout a la vie tranquille d’une WASP non touchée par la Grande Dépression. Sa vie, c’est son frère Jem, son ami Dill, les cours à l’école (dont elle ne comprend pas vraiment l’utilité) avec ces institutrices qui ne connaissent pas le pays et ses particularités, et les vacances d'été. C’est aussi l’invisible Boo Radley, qui ne sort jamais de sa maison proche et joue involontairement le rôle de croquemitaine.
Entourée de garçons, Scout est volontaire, énergique, pas girly pour un sou. Elle participe à toutes les équipées et sait se faire respecter, physiquement si nécessaire. La vie est tranquille et plutôt heureuse pour la petite fille. Mais un trouble approche, qui agitera la petite ville et touchera la vie de Scout.

Tom Robinson, un Noir de la ville, est accusé de viol par Mayella Ewell, une Blanche. Un procès très mal engagé, les acteurs de la procédure étant qui ils sont. Quand le Juge Taylor désigne Atticus pour assister le malheureux qui clame son innocence, l’affaire, qui secoue la ville, entre dans la vie de Scout et lui donne l’occasion de réévaluer certaines des certitudes de son monde.
Contre l’avis de tous et les menaces de certain, Atticus défendra brillamment Tom. Pour quel résultat ? Il faudra lire pour le savoir.

Le très humain Atticus, qu’on commence par trouver vraiment décent avant de le découvrir carrément noble, est un modèle de droiture et de probité, qualités qu’il transmet par l’éducation à ses enfants. Ses enfants découvriront au fil des pages ce que toute la ville sait de lui, à savoir qu’il vaut bien mieux, moralement et physiquement, que l’image pépère qu’il affiche. Mais, typique de son époque, cet homme bon et juste ne songe jamais à remettre en cause le système. Le sociologue Jean-Daniel Reynaud dirait qu’il joue dans les règles et pas sur les règles. Le conservatisme sudiste n’empêche pas la bonté mais il limite le champ des pensables. On notera d'ailleurs que si les sudistes voient bien l'injustice des lois raciales d'Hitler, ils n'en tirent aucune transposition pour eux-mêmes.

"To kill a mockingbird" est à la fois un roman d’apprentissage et un – léger – thriller. C’est surtout un excellent roman sur le monde conservateur du Sud ségrégationniste, écrit alors que la lutte pour les droits civiques bat son plein aux USA ; les deux époques se répondent et les contemporains d’Harper Lee font ce qu’Atticus et ses amis n’envisagent jamais.

Raconté par Scout avec sa voix de l’époque soutenue parfois par celle l’adulte qu’elle est devenue ; raconté donc par une petite fille, intelligente et fine mais ignorante aussi de certaines réalités du monde, ce qui oblige son moi adulte à intervenir quelquefois dans la narration, "To kill a mockingbird" dit le provincialisme d’une société fermée, la bigoterie d’un pays fondé par des religieux pour des religieux, le racisme paisible qui s’exprime à chaque instant dans l’inégalité structurelle que subit la population noire, un racisme qui devient violent quand l’ordre immuable de la hiérarchie raciale est menacé, à fortiori quand est transgressé l’absolu tabou sexuel : on ne touche pas la femme blanche.
Il montre aussi les sentiments bienveillants qui s’exprimaient chez certains envers les Noirs ostracisés, des sentiments sincères mais jamais assez ardents pour forcer un passage à l’acte militant. Même Atticus, s’il fait le maximum pour défendre Tom, s’il regrette constamment l’injustice qui pèse sur les Noirs, ne remet pas en cause l’organisation sociale ; Atticus dont le grand-père possédait, comme tant d’autres, des esclaves.
Il montre une population noire elle-même résignée, y compris face aux injustices qui s’expriment jusque dans le système judiciaire où elles devraient s'effacer. Cette population trouve son réconfort dans son église et la prière.
Tout paraît immuable.

Superbement écrit car à la fois très construit et très lisible, oscillant entre un très bel anglais et la langue trainante du Sud, "To kill a mockingbird" est un beau roman tant dans la forme que dans le fond. De nombreuses scènes sont belles et émouvantes, de nombreux discours mémorables, notamment l’immense plaidoirie d’Atticus au tribunal. C’est un roman à lire sans hésitation.

To kill a mockingbird, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Harper Lee

Commentaires

Vert a dit…
Il est sur ma liste de classiques à rattraper un jour celui-là.
Gromovar a dit…
T'ai-je motivée ?
Vert a dit…
Tu fais une très bonne piqûre de rappel ;)
Tigger Lilly a dit…
Pareil pour moi ...
Lune a dit…
Je viens de le finir en audio. Magnifique. Encore un livre découvert grâce à toi (enfin je connaissais son existence bien évidemment, mais voir ta chronique m'a donné envie).

"Miss Jean Louise, levez-vous. Votre père passe." J'en ai eu des frissons.
Gromovar a dit…
My pleasure :)