Masha la sans utérus - Raphael Eymery

Je suis surchargé de travail, lecteur. Résultat : des lectures et des chroniques en retard et peu de temps pour rattraper. Alors chroniques courtes, faisons ce qu'on peut dans le temps qu'on a ; as Chaucer said, time and tide wait for no man. Après le décadantiste Pornarina , Raphaël Eymery revient avec Masha la sans-utérus , un roman très noir, réservé par l'éditeur aux adultes. Europe contemporaine. Masha la sans-utérus raconte l'histoire de deux vieux amis. Vieux car se connaissant depuis très longtemps, vieux car tout simplement âgés. Le premier, dont on peut penser un temps qu'il est le personnage principal, se nomme Augustin. Comme ce saint et penseur chrétien qui, après une jeunesse de débauche, devint un ascète de la pire espèce. Comme cet homme qui avait pris le sexe en telle horreur qu’il écrivit «  je suis né dans l'iniquité, et ma mère m'a conçu dans le péché » ainsi que l'inénarrable « c'est entre fèces et urine que nous naissons » . ...

Feuillets de cuivre : Cthulhu by gaslight ?

Cette chronique sera courte car une préface et une postface qui décortiquent le roman m’ont un peu coupé le sifflet. Quelques mots donc pour qui n'aurait pas lu le paratexte.

"Feuillets de cuivre" est un « roman » steampunk de Fabien Clavel. Roman ou fix-up ? A voir. En effet, le texte est constitué de onze récits successifs séparés dans le temps par quelques années (de 1872 à 1912), mettant en vedette le même personnage principal, l’inspecteur Ragon de la police parisienne.

Régulièrement appelé sur des meurtres étranges autant que sordides, Ragon enquête à l’aide de sa méthode très personnelle. Pour lui, la vérité est dans les livres, la clef du mystère est donc toujours littéraire, entrevue parfois dès l’arrivée sur le lieu du crime grâce à l’examen des ouvrages présents (ou pas) auprès du cadavre. Les livres parlent, ils peuvent mentir aussi ; leur absence même dit quelque chose. Une méthode surprenante mais qui fonctionne, et prend de plus en plus d’importance au fil du récit.

Avec "Feuillets de cuivre", il est question de policier steampunk. Mais pas d’ambiance victorienne ici, c’est à Paris que l’action se déroule, entre défaite de Sedan, expositions universelles, affaire Dreyfus, apaches, filles perdues, Moulin-Rouge, et Brigades du Tigre. Du Belle-Epoquepunk donc, pour la seconde moitié de la période tout au moins. La partie « punk » est assurée dans le roman par un mélange de savants fous et de mécaniques insolites, sans oublier magie et surnaturel, auteur de Nephilim oblige. Ce n’est pas déplaisant et rappelle, pour qui voudrait se faire une idée, un monde et des histoires situés entre  l’Adèle Blanc-Sec de Tardi et la série Aspic de Gloris et Lamontagne.
On retrouve aussi ici le name-dropping qui fait le charme du genre, avec une orientation très marquée vers la littérature. On croise donc, plongés dans l’action ou comme éléments du décor, Nerval, Maupassant, un des frères Goncourt, Hugo, Flaubert, etc…

La style de Clavel est ici proche de celui des feuilletonistes de l’époque (il cite explicitement Eugène Sue, le maitre du genre). Action rapide, résolution de même, recherche du bizarre, du choquant, du grotesque, du spectaculaire, sans souci excessif du réalisme, ni dans la situation initiale, ni dans le complot sous-jacent, ni dans le mode ou la vitesse de résolution des affaires. Du coup c’est très distrayant et le roman est un vrai page-turner. En revanche, revers de la médaille, il faut accepter de faire avec de nombreux moments capillotractés. Ca va pour un roman, ça n’irait pas pour un cycle de dix imho.

Là où Clavel renouvelle le genre du feuilleton, c’est quand il intègre les techniques narratives des séries télé. Série au début avec une succession d’affaires indépendantes promptement résolues, liées par un même héros principal et des personnages récurrents, feuilleton ensuite quand commence à émerger le fil rouge qui va orienter le récit et qu’évolue sous les yeux du lecteur le personnage de Ragon. Ce souci de modernité fait commettre une petite erreur à Clavel. Alors que la culture de l’époque, y compris dans ce qu’elle a de plus rétrograde, est bien rendue dans les dialogues, un mot, à un moment, choque, celui de « genre ». Ce n’est qu’un détail mais parler d’androgynie en employant le terme de « genre », c’est proférer un anachronisme, le Littré est formel.

Rapide, nerveux, follement exotique, "Feuillets de cuivre", s’il oscille entre des constructions complotistes très (trop) complexes et des situations concrètes trop vite réglées ce qui l'emmène souvent bien près de sauter le requin, est néanmoins d’une lecture agréable. Il est un plaisant divertissement qui plonge un moment le lecteur dans un monde où Casque d’Or rencontrerait Auguste Dupin. De la bonne lecture de détente.

Feuillets de cuivre, Fabien Clavel
-Feuillets de cuivre sortira le 5 novembre aux éditions ActuSF- 

Commentaires

Gilles Dumay a dit…
Je n'ai pas aperçu la mention de l'éditeur dans ta chronique...
Gromovar a dit…
Yep, oublié. ActuSF. Je corrige quand j'ai un clavier.
shaya a dit…
J'aime beaucoup la couverture, et vu le style et ce que tu en dis, ça a de bonnes chances de me plaire ça !
Gromovar a dit…
Alors, plus qu'à attendre un peu.
taiwan77 a dit…
Grom how can I reach u by email re new genre called cli fi. I created it. Danbloom@gmail.com je parle francais see cli-fi.net re jean marc ligny is clifi novelist? Rsvp
Sombrefeline a dit…
Ouh, ça a l'air bien, ça
Gromovar a dit…
Trois semaines à attendre.