The End of the World as we Know it - Anthologie The Stand

Il y a des années j’ai lu et apprécié The Stand – même si j’ai un peu allégé ce très (trop) long roman. J’ai ensuite lu l’adaptation BD , ce qui prouve que mon appréciation n’était pas fake. Voilà que sort une anthologie coécrite par certains des bons auteurs du moment. Elle revisite l’univers de The Stand , y retourne, nous en dit plus sur des choses que King n’avait pas trouvé le temps de raconter, nous offre le plaisir coupable de retourner arpenter une terre ravagée. Edité par Christopher Golden et Brian Keene, doté d’une introduction de Stephen King, d’une préface de Christopher Golden et d’une postface de Brian Keene, The End of the World as we Know it rassemble des textes de Wayne Brady et Maurice Broaddus, Poppy Z. Brite, Somer Canon, C. Robert Cargill, Nat Cassidy, V. Castro, Richard Chizmar, S. A. Cosby, Tananarive Due et Steven Barnes, Meg Gardiner, Gabino Iglesias, Jonathan Janz, Alma Katsu, Caroline Kepnes, Michael Koryta, Sarah Langan, Joe R. Lansdale, Tim Lebbon, Josh...

Inintelligibilité


"Acceptance" porte à merveille son titre. Merci. Vous pouvez y aller. Ma chronique est terminée.
Tout le reste, dessous, c’est du spoiler. Impossible de faire autrement.


Tant pis pour toi, lecteur. Tu veux savoir, tu sauras.

"Acceptance", c’est l’histoire d’une acceptation. L’acceptation de ce qui est, l’acceptation de ne pas savoir, l’acceptation de ne pas comprendre. L’acceptation aussi de l’absurdité possible des choses. L’Univers est-il insensé ou sommes-nous seulement incapable de lui donner un sens ? Qu’importe, le résultat est le même.

Pourtant, ce volume conclusif répond à beaucoup de questions et lève le voile sur une grande partie des évènements qui précèdent l’apparition de la Zone X puis son développement, jusqu’à son expansion explosive.

Le lecteur y est le témoin de ces jours avant l’événement initial ; il apprend donc comment c’est arrivé, un peu. Comment est « impliqué » le gardien de phare. Pas pourquoi (Y a-t-il un pourquoi ? Bruno Etienne répétait toujours « la question du scientifique est Comment ; Pourquoi, c’est la question du prêtre ») ni quel est le sens ou la nature de ce qui se produit.

Il peut épier une partie des agissements suspects du mystérieux groupe S and SB - coterie qui dispose à l’évidence d'informations, de soutien officiel, et d'un agenda - dans ces moments critiques. Mais l’essentiel, le saut vers la totalité, est inaccessible à S and SB comme au lecteur.

Il est aussi convié à l’expédition non autorisée du précédent directeur (la psychologue d’Annihilation), et aux mois qui suivent son retour, ces mois fiévreux d’intrigues et de manipulations  qui conduisent à la douzième expédition. Si elle ne savait que partiellement ce qu’elle faisait, le directeur avait au moins un plan. Kind of…

Il marche sur les pas de Control et du Ghost Bird, revenus dans la Zone X, sauvant peut-être par là même provisoirement leur vie, et faisant, presque sans le vouloir, de nouvelles découvertes sur le fonctionnement du lieu, l’action du « terroir ». Allant aussi au bout de ce qui est leur chemin.

Chacun de ces protagonistes connait un peu de l’événement. Jamais le tout. Il faudrait pour cela la vision d’ensemble dont aucun ne dispose.  Qu’on se rappelle les Milliards de tapis de cheveux d’Eschbach. Sauf qu’ici le passage de témoin est moins évident, la narration n’est pas linéaire, passé et présent se succédent dans une succession d’échos. Quant à comprendre…

Et le lecteur, lui. Il est, de tous, celui qui sait le plus. Mais pas de narrateur omniscient pour l’aider. Il voit et entend les protagonistes, mais seulement ce qui leur est accessible. Il suit personnellement l’ancien directeur à qui l’ouvrage semble s’adresser, le passé auquel elle participa, impuissante, enfant, le passé plus tardif de son activité, de son obsession d’y être et de comprendre, puis d’agir, d’avoir un effet sur la Zone X.

Mais lui non plus ne se voit pas offrir de réponse. On quitte les Milliards de tapis de cheveux pour aller vers Stalker. Les personnages ne savent pas tout et ne comprennent guère, le lecteur est mieux loti, mais guère plus.

Physique ou métaphysique (le concept de S and SB, Séance and Science Brigade, est brillant tant il exprime l’impossibilité de caractériser), destruction ou transformation, volontaire ou accidentel, l’évènement résiste. Quel est le rôle joué par le gardien de phare ? Que veut et que peut S and SB ? Quels sont ses liens exacts avec Central ? Qui est la mystérieuse femme dans le phare ? Quels sont les rapports de force à l’intérieur de S and SB ? Qu’est exactement la Zone X ? Que fait la Zone X à la Terre ? Fait-elle ce qui est prévu (par qui ou quoi ? et pourquoi ?) ou dysfonctionne-t-elle ? And so on…

"Acceptance" c’est l’acceptation, dans une ambiance dérangeante, étrange, décalée hors de la normalité, d’une réalité d’où l’humanité est progressivement bannie au profit d’une « nature » plus « pure » et radicalement « autre » sans cesser d'être familière. C’est l’admission douloureuse de l’impossibilité de savoir, de comprendre. Personnages et lecteur sont dans la même barque ; le lecteur à un champ de vision plus large mais, même à lui, ce qui est au-delà de l’horizon est inaccessible. Tout est trop différent, éclaté. La somme d'explications contingentes ne forme pas une explication générale. Comme chez Lovecraft (ou Ligotti, l’heure s’y prête en France), l’Univers (qu’il soit ou non strictement matériel) est aveugle et idiot.

La fourmi voit-elle le pied qui l’écrase ? Le connait-elle ? Le comprend-elle ? Le pied lui-même voulait-il écraser la fourmi ? A-t-il eu conscience de le faire ? Savait-il même que la fourmi existait ?

Acceptance, Jeff Vandermeer

Commentaires

Camille a dit…
Merci pour la critique. Elle m'aide a formuler un sentiment général, et, je dois l'avouer, une très grande frustration sur cette conclusion...
Gromovar a dit…
Merci pour ce retour :)