La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Disneyland, Dysneyland


Sortie du tome 2 de la série Urban ; la qualité entrevue dans le premier volume est confirmée ici.
Après l’exposition, néanmoins déjà riche, de l’album précédent, l’affaire ou plutôt les affaires entrent dans leur vif avec cet opus intitulé "Ceux qui vont mourir".

Zach doit succéder à son collègue Isham, tué en mission. Il n’a pas plus de chances de survie que ceux qui l’ont précédé ; il le sait et a parfaitement conscience de n’être qu’une attraction de plus dans le monde de Montplaisir. Il tente de revoir Ishrat pour poursuivre (ou clore définitivement) un amour qui paraît voué à l’échec.
Un petit garçon riche se perd. Il est recueilli (ou c'est dans le sens contraire que ça se produit) par un magicien de rue au passé plus clinquant que le présent.
Un vieux flic bourru vient enquêter sur une affaire sordide d’ablation d’organes génitaux et honorer la mémoire de son jeune collègue assassiné.

Ces histoires, qui ne collisionnent pas encore, progressent à un rythme satisfaisant, permettent d’entrer dans des vies qui inspirent la sympathie et créent donc la relation personnage/lecteur qui fait qu’un destin imaginaire peut intéresser, mais ouvrent surtout pour le lecteur une fenêtre sur le monde infernal dans lequel se débattent les hommes dans et hors de Montplaisir.

On y voit l’esclavage pour dette (comme au meilleur de l’Antiquité), y compris par la vente d’enfants, le traitement « hygiénique » des SDF par la détection et la désintégration (Seek and Destroy, Iggy ?), le cynisme presque incroyable des dirigeants de Montplaisir qui permettent, par exemple, les paris sur la mort d'un passant innocent pendant une arrestation, le contrôle permanent de chaque individu par un système informatique très sophistiqué, l’indifférence (à la réalité cachée derrière le masque) de touristes par millions qui viennent se distraire et ne veulent pas savoir le prix que paient ceux qui les distraient (tiens, ceux-là, ils me rappellent les vrais).

Mais, même hors de Montplaisir, on voit l’enfer de la vie quotidienne, cette vie d’esclave qui s’impose à une humanité à la chinoise entre usine et dortoir. On voit donc l’inégalité, absurde à force d’être incommensurable, le contrôle de la société interplanétaire entière par des mégacorporations socialement régressives, les dortoirs collectifs dans lesquels vivent les travailleurs humains, les rations quotidiennes de nourriture distribuées comme au bagne ou dans les cuisines collectives de la Chine maoïste, les deux semaines de congés payés (dont la seule utilisation possible est d’aller à Montplaisir et éventuellement de s’y abimer), la vie d’un cadre de la police qui ressemble tellement à celle d’un prisonnier ou d’un ouvrier d’usine du XIXème siècle que le lecteur relit pour s’assurer qu’il ne s’est pas trompé.

Horreur explicite à l’extérieur, horreur dissimulée sous une épaisse couche de vernis clinquant à l’intérieur ; inégalités et déréalisations se complètent. Le monde semble graviter autour de Montplaisir.

Le dessin, d’une richesse rare, illustre, au sens le plus profond du terme, l’histoire et la description du monde. Le lecteur en tire au moins autant d’informations qu’il ne lui en vient du récit et des dialogues. Du bien beau travail.

L’histoire continue pour le mieux. J’attends avec impatience la suite.

Urban t2, Ceux qui vont mourir, Brunschwig, Ricci

Commentaires

Alias a dit…
J'ai dû y jeter un œil en passant il y a longtemps, mais il faudra que je m'y intéresse plus avant. Comme tu l'expliques, ça me fait méchamment penser à Transmetropolitan, scénarisé par Warren Ellis.
Gromovar a dit…
Ya une vraie proximité.
Gromovar a dit…
Après je suis un fan de Brunschwig depuis Le pouvoir des innocents.