Le Geôlier - Florian Quittard

Lieu indéterminé, date indéterminée. Un de ces espaces-temps incertains qui m’évoquent immanquablement Kafka. Qu’on peut attribuer aussi à Olga Tokarczuk ou à Karin Tidbeck , pour ne citer qu’elles. Saul Geôlier est gardien de prison. Oui, Saul Geôlier est geôlier, ce qui n’est pas absurde tant il ne fait qu’un avec un emploi et une fonction qui semblent être ses seules occupations. Il vit seul dans une petite cabane non loin de la prison où il officie. Il fait chaque soir le chemin qui relie sa cabane à la prison. Il prend son tour de garde nocturne auprès de prisonniers avec lesquels il a peu de contacts et de collègues qu’il fréquente à peine, sous les ordres d’un directeur qu’il n’a jamais rencontré. Au matin, sa garde accomplie, il rentre à la cabane. Il y collectionne les yeux des prisonniers (il faut lire pour comprendre) . Tous les jours, tous les soirs, tous les matins. Sans changement, sans promotion, sans perspective. Mais ce soir, le premier du livre, est spécial. Ce soir,...

TDT


Pour ceux qui perplexes, ont été refroidis par Diaspora (roman à la froide beauté minérale) mais enthousiasmés par Radieux ou Axiomatique, et qui sont dans tous les cas surpris par la puissance conceptuelle de la prose Greg Egan, l'Enigme de l'Univers devrait vous donner une vision plus complète de son oeuvre. Evidemment si je dois vous dire que le personnage central est un journaliste scientifique devant faire un reportage sur une conférence internationale portant sur la théorie du Tout (TDT pour les intimes), vous n'allez pas frétiller d'impatience. Mais l'erreur est humaine et Egan arrive à rendre cela passionant sans trop partir dans des circonvolutions mathématiques extrêmes. Enfin juste ce qu'il faut pour que ce soit un bon Egan bien sûr. Le reportage soporifique sur une île ressemblant à un vaste Club Med anar, tourne rapidement en une fusion de roman métaphysique et de techno-espionnage. Perle de récif sur le gâteau, ce qui aurait donc dû être "OSS 117 contre l'Alchimiste" devient le roman le plus humain que j'ai pu lire depuis un certain nombre de mois.

Comme d'habitude avec Egan l'histoire nous plonge dans un univers délicieusement anticipé. Un univers post-Gibsonien : techniquement cohérent, inédit dans ses modalités, mais familier dans sa socio-politique. Et pour le coup ce roman est un résumé de tous les parcours initiatiques. Avec les tribulations d'un anti-héros archétypique qui navigue de désillusion en désillusion (jusque dans son histoire d'amour avec un asexe) nous profitons d'un vrai grand plaisir de lecteur de SF. D'ailleurs je ne mens pas sur ce dernier point, puisque avec une île coralienne artificielle, des techno-sectes millénaristes, de belles théories sur la structure intime de l'univers, des assassins armés de virus artificiels, des maneuvres médiatiques dans un réseau global, des robots militaires invisibles... votre quota de plaisir geekesque sera parfaitement assouvi !

NB. Totalement inutile pour apprécier le roman, mais indispensable pour l'honnête homme : jetez un oeil sur la polémique d'actualité concernant la nouvelle théorie "exceptionnellement simple" du Tout.

L'Enigme de l'Univers, Greg Egan

Commentaires

Gromovar a dit…
C'est alléchant. Il va falloir que je m'y mette rapidement.