Alien Clay - Adrian Tchaikovsky

Quand commence Alien Clay , récent roman SF politique du serial writer Adrian Tchaikovsky, Anton Daghdev est, disons-le sans ambages, dans une belle merde. Embarqué de force sur un vaisseau en partance pour la colonie pénitentiaire de la planète Imno 27g – surnommée Kiln –, déshydraté flash-frozen comme ses compagnons d'infortune pour survivre à un très long trajet sans passer par l'hibernation, Daghdev a voyagé trente ans durant, endormi aux côtés des autres prisonniers politiques qui font partie de la même cargaison que lui. Il aurait pu rêver meilleur confort mais le pire était encore à venir. Page 1, arrivés à distance orbitale d'Imno 27g, les forçats dont Daghdev sont réhydratés (kind of) , vaguement ramenés à la conscience, puis projetés entravés vers la surface de la planète dans des sortes de bulles de celluloïd translucide alors que leur vaisseau (conçu pour un one-shot sans retour ni même atterrissage) se désagrège. Cet aller-simple déplaisant et risqué (un cer

Global R.I.P.


Ronald Wright est un environnementaliste pessimiste. Un peu comme les membres du Club de Rome au début des années 70, il annonce des temps à venir particulièrement difficiles à cause de la croissance économique, et de l'exploitation des ressources naturelles qu'elle engendre, et de l'augmentation ininterrompue de la population mondiale. Alors on me dira : "Le Club de Rome s'est trompé, comme Malthus et d'autres après lui, il a négligé les effets salvateurs du progrès technique qui, en repoussant les limites de la productivité, nous sauve toujours du désastre annoncé". Autant jeter ce livre et conseiller à Mr Wright d'aller consulter un spécialiste des troubles dépressifs. Je crois pourtant que ce serait une erreur. Les échelles de temps sont longues dans ces domaines, et repousser la catastrophe ne signifie pas qu'elle ne finira pas par se produire.
A l'appui de la thèse suivant laquelle la civilisation mondiale, "notre monde", est en danger, Wright convoque les exemples passés de sociétés, voire de grandes civilisations, qui ont disparu ou ont tellement dégénéré que n'en subsistaient que des lambeaux. L'ile de Paques et Sumer n'existent plus ; les empires romains et incas se sont désagrégés. A chaque fois Wright voit les effets de la même combinaison de facteurs : la dégradation de l'environnement due à sa surexploitation et l'absence de réforme radicale visant à renverser la situation, ceci du fait d'un groupe dominant qui profite de la surexploitation. Castes de prêtres, citoyens de la cité de Rome, population occidentale et émergente ont un niveau de vie non soutenable dans l'environnement qui est le leur, et les mêmes causes produisant les mêmes effets, notre civilisation est en danger de désagrégation au même titre que celles qui ont connu avant elles les mêmes travers.
La grande qualité de l'essai de Ronald Wright est d'étendre de manière logique sa réflexion de l'ile de Paques, écosystème clos et isolé à notre échelle, à la civilisation mondiale, qui est à l'échelle de l'Univers un écosystème clos et isolé. Et l'ouvrage historique se transforme alors en un livre d'une inquiétante actualité. Les Pascuans sont arrivé au bout de ce que leur environnement pouvait leur donner et ils n'ont pu ni le régénérer, ni s'enfuir, l'affaire s'est résolue en famine et guerres. Les humains, qui peuplent et exploitent aujourd'hui la totalité de la Terre, sont tout aussi coincés sur celle-ci que les pascuans l'étaient sur leur île. Et ils n'ont pas plus de solution de rechange.
Comme dans une conversation érudite, Ronald Wright déroule les conclusions auxquelles l'amènent ses réflexions, soutenues par sa culture. Le texte est affirmatif, comme à l'oral, et les nombreuses notes et références sont en fin d'ouvrage (je déteste cette manière de faire, on a inventé depuis longtemps les notes de bas de page). Et ce monologue brillant est difficile à prendre en défaut.
On pourra simplement regretter deux choses. D'une part on peut trouver que la théorie est trop monocausale, comme chez Marx et les évolotionnistes. Volonté de faire court ou de rester au niveau fractal le plus haut, je l'ignore. D'autre part il néglige de présenter en détail (juste quelques allusions) les cas de civilisations qui ont réussi à ne pas disparaitre, comme les civilisations chinoises ou japonaises, et les moyens de leur pérennité. Pour cela il faudra lire "Effondrement" de Jared Diamond, je m'y attelle dès que j'ai 5 minutes.
La fin du progrès ?, Ronald Wright

Commentaires

tiberix a dit…
Je viens d'apprendre avec un émerveillement étonné que l'on avait des connaissances sur les Pascuans. Bizarrement je pensais que l'on ne connaissait rien d'eux, si ce n'est leur legs de statues sur un sol vaguement herbeux, brossé d'embruns et embaumant la déjection de mouette.
Je suis encore plus surpris de voir qu'ils peuvent un point de départ pour de la prospective géopolitique. Bien que je comprenne aisément le propos modélisateur, il me semble éminemment fragile. A trop faire le grand écart on se blesse les adducteurs.

En tout cas cela a piqué ma curiosité et j'y jetterais un oeil à l'occasion.
Gromovar a dit…
Il y a pas mal de livres depuis quelques années qui expliquent le mécanisme de stérilisation de l'ile de Paques. Celui qui a ouvert le feu est le "Easter island, Earth island" de Bahn et Flenley qui, à ma connaissance, n'a pas été traduit en français.

Si tu veux du rapide lis le Wright, sinon le Diamond est plus académique.