D’abord, il y a un roi, peu cohérent, fils d’un roi fou qui se cachait dans les meubles, entre autres folies.
Il y a ce roi, faible, trahi par sa propre mère et entouré de courtisans dont tous ne servent pas ses intérêts.
Il y a deux familles puissantes qui s’affrontent pour des lambeaux d’un royaume en capilotade, sans oublier un roi d’Angleterre qui s’en veut le souverain ni un petit-fils qui pourrait être le monarque légitime de deux royaumes.
Il y a aussi un capitaine, mandaté par le roi puis berné par icelui, qui traque un ogre, un tueur en série qui profite du brouillard de la guerre pour commettre ses méfaits à l’abri des regards.
Des compagnies de mercenaires rapaces et écorcheurs rôdent dans les campagnes. Un « Prince noir » les traque.
On se tue, on s’étripe, on s’entrégorge. C’est la Guerre de Cent Ans, après Azincourt et avant Chinon. Dans un royaume qu’une jeune fille, inspirée par ses rêves, veut donner à Charles VII au prix de maints sacrifices, chevauchées et batailles.
Tous convergent vers Chinon où Charles et Jeanne se reconnaîtront.
L’Ogre Acte 1 est le dernier album de Jean ‘Murena’ Dufaux.
On y croise tout ce que la France du XVe siècle compte de puissants en conflit mais aussi d’innocentes victimes d’une guerre qu’ils ne veulent ni ne cautionnent. Je ne ferai pas défiler ici le trombinoscope des acteurs du récit, mais il est facile à reconstituer, n’importe quel ouvrage sur la Guerre de Cent Ans le permettra, d’Isabeau la reine noire à Gilles de Rais (ces deux personnages donnant nettement le sentiment que, durant le conflit, les véritables ordures n’étaient pas côté Anglais).
A côté des puissants du récit il y a l’Ogre, Jaco, enfant martyrisé qui devint lui-même bourreau, le signe de temps troublés et de leur effet sur les hommes. Et sa Némésis, Guillaume de Blamont, un personnage fictif qui symbolise la prise de conscience tardive de la nécessité de s’unir en France contre « l’Anglois ».
L’Ogre Acte 1 est un album superbement dessiné par Juan Luis Landa. Dans un style réaliste qui lorgne parfois volontairement vers l’enluminure, le dessinateur représente à merveille la furie des batailles, les costumes de l’époque, les flammes et les forêts, les châteaux et les villes (magnifique Paris entourée par la Seine). Tout est beau, tout claque, tout plonge le lecteur dans un XVe siècle de feu et de sang.
L’évocation de la Guerre de Cent Ans (même lorsqu’elle verse un peu dans l’infodump) est passionnante aussi et (re)met en mémoire des événements historiques fondateurs parfois un peu oubliés.
Fond comme forme sont donc tout à fait satisfaisants, jusqu’à la couverture toilée qui fait ancienne, parfaitement adaptée, donc, au thème traité.
Je ne suis pas sûr en revanche que l’intervention de Jaco, le tueur en série, apporte vraiment quelque chose à une histoire qui ne manque pas d’atrocités même sans lui – d’autant que l’ogre De Rais, encore discret, est de la partie.
Je suis dubitatif aussi sur le traitement que j’ai trouvé un peu hagiographique de Jeanne d’Arc (en dépit même de scènes où elle peut paraître très – trop ? – humaine).
Qu’importe, L’Ogre Acte 1 est un bel album, qui en met plein la vue et qui inspire tant le plaisir des yeux que celui de l’esprit. A lire absolument si on aime les très beaux albums de facture classique.
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| En jaune, les territoires sous contrôle français, en orange, ceux sous contrôle anglais |
L’Ogre Acte 1, Dufaux, Landa


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