Sortie en France, dans une traduction de Patrick Marcel, des Carnets de Stamford Hawksmoor, le préquel à la brillante série Grandville de Bryan Talbot (Prix ActuSF de l'Uchronie 2025).
Précision : il n'est pas du tout nécessaire d'avoir lu la série pour apprécier Les Carnets de Stamford Hawksmoor.
Pour savoir ce qu'était Grandville, il faudra lire mes chroniques.
Pour ce qui est des Carnets de Stamford Hawksmoor, sache, lecteur, qu'à 73 ans Bryan Talbot donne un prequel à sa série. Il y porte à notre connaissance une aventure de Stamford Hawksmoor, ce grand détective dont Archibald "Archie" LeBrock, le héros de Grandville, nous avait dit dans un précédent volume qu'il avait été son mentor. Un grand détective dont Talbot nous explique, dans une éclairante préface, à quel point il a été inspiré par le Sherlock Holmes de Conan Doyle.
Nous replongeons dans le monde de Grandville, vingt ans avant la série, dans l'Angleterre uchronique inventée par Talbot, alors que le pays, après avoir vécu deux siècles sous domination française, s’apprête à redevenir indépendant. Mais la transition est difficile entre poussée nationaliste, attentats aveugles et douloureuse décolonisation dont l'album nous présente les derniers moments. C'est dans ce contexte que le frère de Stamford Hawksmoor, un vrai connard dont il n'était pas proche, se suicide en se tirant un coup de fusil dans la bouche. Même si les faits sont clairement établis, cet acte, si éloigné de la personnalité de son frère, trouble Stamford qui se met à enquêter dessus à temps perdu.
Parallèlement – et principalement –, le détective doit retrouver un mystérieux tueur qui sévit dans Londres. Scotland Yard ne dormant jamais, la série de meurtres au couteau que l'homme-mystère perpètre n'est pas la seule dont Stamford doive s'occuper : il y a aussi cet homme retrouvé mort sur un des chantiers d’embellissement de Londres, et d'autres encore.
Mais quand on doit arpenter le pavé alors que la situation politique n'est pas vraiment stabilisée, on s'expose tant à des difficultés qu'à des risques. Le tenace et très compétent Stamford Hawksmoor va le découvrir à ses dépens.
Si tu as lu mes chroniques de Grandville, lecteur, tu sais à quel point j'admire cette série et son auteur. Je relance avec Les Carnets de Stamford Hawksmoor. Je suis littéralement impressionné par cet album.
Graphiquement magnifique, parfait sur le plan du rythme narratif, Les Carnets de Stamford Hawksmoor époustoufle par la quantité des thèmes qu'il aborde, d’une manière toujours pertinente même dans les cas où cette manière n'est qu'allusive.
Pauvreté et inégalités, violence politique, corruption, raison d'Etat, centralité du système grand-breton de hiérarchie des classes, horreurs coloniales, décolonisation violente, négociations politiques et purges, traque aux homosexuels, scandales étouffés, et même une forme d'ethnocide. A chaque page il y a une nouvelle idée, dans une ambiance uchronique qui ne pourra que séduire. Ajoutons-y de l'humour, du sexe (oui!), des personnages hauts en couleur, croustillants ou émouvants, beaucoup d'action, des morts atroces et une enquête rondement menée par un détective que n'arrêtent ni la complexité ni les pressions extérieures.
Si on aime la BD, ou l'uchronie, ou les enquêtes policières, ou les enquêtes politiques, ou l'action, ou les rebondissements, ou les questions sociales, ou la poésie classique, ou que sais-je, on doit lire Les Carnets de Stamford Hawksmoor. On le doit car il est beau, on le doit car il est intelligent, on le doit car il est tout ce que doit être un excellent album de BD.
Les Carnets de Stamford Hawksmoor, Bryan Talbot
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