Frankenstein - Michael Walsh

  Avant de donner vie à sa créature, le docteur Henry Frankenstein a profané bien des tombes, exhumé bien des cadavres, rassemblé bien des membres. De ces dépouilles est né un nouvel être, mais celui-ci est-il véritablement nouveau ? Se pourrait-il que ces jambes, ces bras, ces mains se souviennent de leur ancien propriétaire, des individus qui ont, sans le vouloir, contribué à la création du monstre de Frankenstein ? Bon, maintenant, pour ces chroniques BD, je fais court. Je suis las de passer du temps à juste te prévenir, lecteur, du caractère clairement optionnel de tel ou tel album. J’adore Frankenstein depuis des décennies. J’adore le roman, j’adore le film de 1931. Je pense qu’ils font partie des grandes œuvres du patrimoine humain. J’attendais donc avec grande impatience la sortie de cette adaptation par Michael Walsh chez Urban, surtout après la choc que fut l’adaptation de Dracula par James Tynion IV (et en dépit de la déception que fut celle de L’Etrange créature du lac ...

Langage | Machine - Romain Lucazeau


Paradoxal exercice que de dire sur un blog ce que nous crie Romain Lucazeau dans son petit opuscule poétique intitulé Langage | Machine. Car, à contrario de cet écrit numérique, c'est d'une langue vocale que nous entretient l'auteur, d'une parole issue d'un corps percevant et ressentant, non médiée par un dispositif algorithmique. Une langue vocale qu'il transcrit en poésie. Poésie qu’il nous faut, dit-il, dire plutôt que lire pour « qu'ait lieu un chant issu du souffle humain », issu de ce pneuma donc (πνεῦμα) qui trouve son origine dans le cœur.


C'est avec grande nostalgie et maigre espoir que Lucazeau va à la rencontre d'un monde et d'un pays qui ne sont plus ceux dans lesquels nous sommes nés.

Un monde et un pays dans lesquels les machines, après nous avoir secondés, nous parlent et maintenant nous suggèrent.

Un monde et un pays dans lesquels l'omniprésente urbanité nous coupe du contact direct avec la nature.

Un monde et un pays dans lesquels « Les vieux ne meurent plus, ils vivent le crépuscule d'un déclin infini ».

Par la poésie, Lucazeau tente autant de raconter ce nouveau monde et ce nouveau pays que de dire comment, en quels lieux et en quels moments l'on peut tenter de s'en extraire pour se reconnecter à une primordiale vérité, humaine, trop humaine, qui est celle de la sensibilité.


Après une belle et fort pertinente entrée en matière intitulée Effet de seuil dans laquelle l'auteur nous décrit le basculement accompli du souffle humain vers la parole synthétique – un donné contre lequel son petit opus est une tentative de résistance (j'ai horreur de ce mot) –, il poursuit par un chapelet de textes qui racontent le monde vu par ses yeux et passé au filtre de sa sensibilité.

Pas de « dénonciation vaine » ici, ni de « désir futile de changer les choses ». Encore moins de cette « furtivité » qu'affectent « quelques poseurs ». L’algorithme veille, il crunche le Big data, il se fout éperdument de la défection mégalomaniaque de tel ou tel. Il est. Et tel un trou noir il plie la réalité autour de lui.

Non, pas de ça ici. Juste une tentative de saisir par la beauté des images, des rythmes et des assonances, la vérité d'un monde qui, s'il est devenu celui des machines, peut être, grâce aux effort de la volonté activant une sensibilité dont les machines sont dépourvues, encore en peu le nôtre. Au moins dans le dire.


« Je sais des lieux cachés dans les replis du monde...
Ils sont la poésie
Enclavés au giron d'une vue inféconde »

nous dit Lucazeau.


Si c'est vrai, et s'il peut les dire, alors,

« Non pas à l'extérieur de la poésie, mais par elle-même, par un geste qui trouve en elle son début et sa fin...
Même en n'attendant rien du discours, de la fausse monnaie de l'espérance et des bons sentiments factices... »

nous pourrons grâce à lui découvrir où restait « une fine lumière dans la nuit profonde ».


Langage | Machine, Romain Lucazeau

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