Mariana Enriquez - Un lieu ensoleillé pour personnes sombres

Des voix magnétiques, pour la plupart féminines, nous racontent le mal qui rôde partout et les monstres qui surgissent au beau milieu de l’ordinaire. L’une semble tant bien que mal tenir à distance les esprits errant dans son quartier bordé de bidonvilles. L’autre voit son visage s’effacer inexorablement, comme celui de sa mère avant elle. Certaines, qu’on a assassinées, reviennent hanter les lieux et les personnes qui les ont torturées. D’autres, maudites, se métamorphosent en oiseaux. Les légendes urbaines côtoient le folklore local et la superstition dans ces douze nouvelles bouleversantes et brillamment composées, qui, de cauchemars en apparitions, nous surprennent par leur lyrisme nostalgique et leur beauté noire, selon un art savant qui permet à Mariana Enriquez de porter, une fois de plus, l’horreur aux plus hauts niveaux littéraires. Un lieu ensoleillé pour personnes sombres , le dernier recueil de nouvelles de Mariana Enriquez, sort en VF aux Editions du Sous-Sol dans une trad...

L'orateur - Blengino - Goy - Palma


Quelques mots sur le one-shot L'Orateur, récemment sorti chez Glénat.

Rome, IIe siècle. Edilus est médecin, grec d'origine, il a un fils prénommé Alexandros. Et aujourd'hui, en pleines Lupercales, Edilus vient consulter son patient Marcus Cornelius Florens, surnommé L'orateur, le plus grand avocat de Rome. Car Edilus, fort de sa Patria Potestas, souhaite déshériter son fils - ce qui ne pose aucun problème, contrairement à la France où la réserve héréditaire serait protégée pour le rejeton -, et réfléchit aussi à le tuer - ce qui, dans la loi romaine, n'est pas aussi clair que ça a parfois été dit. Voilà pourquoi Edilus a besoin, sur la faisabilité de la chose, d'un avis d'expert, celui de l'hypocondriaque Marcus.


Mais Marcus qui, une fois encore, se voit mourant, envoie balader son interlocuteur. Veuf, en deuil non seulement de sa femme mais  aussi de ses deux fils, l'homme n'a pour compagnons proches que deux esclaves, le jeune Antoninus et le robuste Cosimus. Au repos, retiré dans sa propriété, Marcus ne plaide plus. L'essentiel de ses activités consiste à rédiger des versions successives de son testament et à rendre visite à la tombe de sa défunte épouse.

Alors quand, deux jours plus tard, un questeur vient lui annoncer qu'Edilus a été assassiné et qu'Alexandros est détenu, accusé de parricide - le crime le plus grave qu'un Romain puisse concevoir -, Marcus sort de sa retraite pour tenter de disculper le jeune homme.


L'Orateur est un très bon album et un vrai plaisir de lecteur.

D'abord il est graphiquement très beau. Style réaliste et très BD à la fois, grande précision de l'architecture romaine, couleurs douces, éclairages réussis, l'ensemble est vraiment beau.

Ensuite, et c'est l'essentiel, il raconte une histoire qui captive vite. Marcus, cabotin et imprévisible - il joue sa vie au dé comme L'homme-dé (kind of) -, est une sorte de Sherlock Holmes antique qui voit les détails, cherche et confronte les témoignages, autrement dit enquête vraiment là où l'accusation se contente de la parole d'un délateur. Il y a quelque chose d'Atticus Finch dans cette défense contre la vox populi aux maigres chances de succès. En revanche, Marcus n'est pas le juré n° 8 de Douze Hommes en colère. Pour sauver son client ce n'est pas le doute raisonnable qu'il cherche (notion inconnue à Rome) ni même la vérité toute crue. Pour gagner, Marcus sait qu'il doit raconter une histoire crédible plus convaincante et séduisante que celle de son adversaire. Marcus a besoin d'une histoire que la justice puisse croire sans avoir l'impression d'être dupe. C'est de cette façon qu'il va assembler et présenter les éléments recueillis lors de sa minutieuse enquête.

Enfin, L'Orateur est écrit par des auteurs qui se sont visiblement bien documentés. De l'Urbs au port d'Ostie, du latifundium de Marcus aux marches du Forum, la culture romaine imprègne tout l'album. Pas d'empereur ou autre spectacle ici, il s'agit de procès, de déduction, de droit romain, de médecine antique, de tavernes et de « louves », de christianisation et d'hellénisation. A la lecture de L'Orateur on est baigné dans le monde antique. Et c'est agréable. Viens-y donc, lecteur !


L'Orateur, Blengino, Goy, Palma

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