Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

Les Profondeurs de Vénus - Derek Künsken

 


Les Profondeurs de Vénus est un roman de Derek Künsken, le premier d'un diptyque à venir qui se passe quelques siècles avant sa trilogie quantique. Je n'avais guère goûté le premier tome de son autre cycle, j'ai eu beaucoup de mal avec celui-ci aussi. Il faut croire que Derek et moi ne sommes pas faits pour nous entendre – ce qui, j'imagine, lui fait une belle jambe.


Vénus, au XXIIIe siècle. Une partie du système solaire est colonisé. Vénus, peu vivable et peu rentable, a été revendiquée par quelques milliers de Québécois indépendants (!) qui s'y sont installés grâce à des prêts de la Banque de Pallas. Quelques décennies plus tard, la colonie n'est toujours pas autosuffisante – loin s'en faut – et la Banque la tient sous sa coupe en dépit de l'existence d'un gouvernement local, loin d'être aussi démocratique que l’apparence qu’il se donne.

Les quelques milliers de colons vivent dans des habitats artificiels qui tournent à 60 km d'altitude environ, au-dessus de la couche de nuages vénusiens et dans des conditions proches de celles de l'orbite. Quelques centaines de « coureurs » vivent, eux, dans la couche de nuages, quinze km plus bas, à des pressions et des températures bien supérieures, et, cerise sur le gâteau, au milieu des précipitations acides (sulfurique) de la planète – ils habitent des plantes autochtones géantes, modifiées afin de servir de bases de vie flottantes. L'ensemble forme deux « flottilles », la principale, officielle, qui est celle qui échange avec le système solaire, et l'informelle, sous-nébulaire, qui regroupent des familles qui, par désaccord avec le gouvernement ou pour mener tranquillement toutes sortes de trafics, se sont éloignées de la masse de la colonie. Les deux flottilles s’ignorent la plupart du temps même si l'officielle considère que la basse fait partie de son champ de souveraineté, ce que les « coureurs » remettent de facto régulièrement en cause.

Au sol il n'y a personne, les conditions de température et de pression y rendant tout séjour prolongé chimérique et même tout bref passage très dangereux.


Les Profondeurs de Vénus met en vedette la famille D'Aquilon, dont le père s'est fâché à mort avec le gouvernement de la colonie après une divergence fondamentale que le lecteur découvrira. Depuis des décennies, ils vivent en bas, privés de presque toute assistance de la colonie officielle. Les D'Aquilon, dont tous les enfants sont nés sur Vénus, mènent leurs affaires avec un credo imposé comme un mantra par le père : « rien n'est plus important que la famille », et une méfiance structurelle à l'endroit des officiels vénusiens – même si deux des enfants vivent en haut. Et voilà que les D'Aquilon font une découverte extraordinaire (le mot n'est pas trop fort) dans une grotte à la surface de Vénus. Et qu'ils vont vouloir en tirer profit.


Commençons par être honnête et dire que le roman a des qualités.

D'abord une description juste et objectivement Hard-SF d'une planète qui avait jusque là été souvent traitée par le biais d'une imagerie faire de femmes vénusiennes en bikini et de jungles aux couleurs chatoyantes. Cette description juste amène l'auteur à décrire finement à quel point une colonie vénusienne serait peu viable, toujours dépendante d’importations à financer à perte, et surtout à quel point la vie humaine y serait à tout instant menacée dans le cadre épuisant d'une lutte permanente contre des constantes physico-chimiques totalement inappropriées à la vie humaine.


Ensuite, l'auteur décrit de manière plutôt sensée le sentiment de déracinement qui pourrait habiter des jeunes adultes nés sur une planète hostile qui n'est pas leur monde d'origine en raison de décisions prises avant leur naissance par des parents rêvant d'une vie meilleure qui tarde à prendre corps. Et les attitudes de recherche identitaires induites allant jusqu'à l'autodestruction qui en résulteraient.


Enfin, pour ceux qui aiment l'action spectaculaire, il livre un haut fait d'écriture en proposant, sur de nombreux chapitres consécutifs à la fin, une hallucinante plongée volontaire des hauts vers les profondeurs de Vénus dont la finalité rappelle ce qui était le point de l'autre trilogie.


Mais l'honnêteté m'oblige à dire aussi que, passé la découverte, je m'y suis beaucoup ennuyé. Pourquoi ?

D'abord, tout le récit est centré – au détriment du society building – autour de la famille D'Aquilon, une famille comme on en croise peu. Autour du père (la mère est morte), quatre enfants (la cinquième est morte dans une accident avant le début du roman) : un fils fâché qui vit depuis des années en haut (au milieu des salauds donc), un fils trisomique, une fille lesbienne qui vit en haut et s'oppose à la politique officielle, un garçon qui va transitionner. La volonté évidente que manifeste Künsken d'être un bel écrivain (je ne l'accuse même pas, faute d'éléments, d'avoir voulu sacrifier à la tendance panéliste de l'époque) aurait pu être juste cocasse poussée à un tel point si elle ne l'avait pas conduit à infliger au lecteur des pages et des pages et des pages d'interrogation, de prise de conscience, de révélation, etc. autour du personnage de Pascal devenant Pascale. On peut apprécier, mais ce n'est pas ce que j'attendais en ouvrant un roman qui parle d'une colonie vénusienne ; j'ai eu l'impression que chacune de ces pages me volait un peu de l'intrigue principale qui, elle, m'intéressait. Toi, lecteur, tu verras bien.

NB : on peut aussi se demander, dans un roman qui se veut réaliste, si la fabrication d'hormones sur Vénus (une colonie sans cesse au bord de la disette et de l’effondrement technique faute de matières premières) peut être qualifiée d'allocation optimale (et donc réaliste) de ressources hélas chroniquement insuffisantes. J'en doute fortement.


Ensuite, on y lit aussi des pages et des pages et des pages de vol individuel ou presque dans l'atmosphère vénusienne avec force explications sur les variations de température et de pression, les delta v (verticaux, horizontaux, orbitaux), les vents, les risques encourus, etc. Plaisants à petite dose, ces éléments aérodynamiques et météorologiques ont fini par me lasser au point que je me suis souvenu du déplaisir ressenti à lire Mars la Rouge passé les premiers moments d'excitation. Ce qui aurait pu être un énorme clash politico-stratégique est étouffé par ces redondantes phases de vol ou de discussion sur le vol qui ne font que trop peu avancer l'intrigue. Certes Künsken réussit à convaincre qu'on peut voler sur Vénus et que, vu de loin avec les nuages et la lumière en background, c'est certainement un spectacle époustouflant, mais à la longue ça lasse.


En fait, je crois qu'aimeront ce roman ceux qui aiment les romans maritimes.

Les déplacements toujours complexes, l'attention portée aux conditions environnementales, l'intelligence tactique qui se manifeste par la capacité à se dissimuler ou à manœuvrer mieux que l'adversaire (outmaneuver en anglais) sont les éléments centraux de ce roman comme des textes d'aventures maritimes (et je ne parle même pas de la grotte au trésor and so on qui collent aussi).

De mêmes, ces deux types de récit partagent une forme de focalisation sur les manœuvres qui laisse de côté l'essentiel de la politique qui se déroule sur terre (ici le background entr'aperçu que sont la banque locale et sa maison-mère hors planète), là où les vaisseaux ne sont pas mais où se trouve de facto la carte stratégique.

Et précisément, je ne suis guère friand de récits maritimes pour ces raisons même – c'était d'ailleurs déjà vrai et dit il y a onze ans à propos d'un autre livre.


L'aimeront aussi les belles personnes à qui il donnera peut-être l'occasion de verser une ou deux petites larmes ; je dois me faire à l'idée, je n'en suis pas une.


Les Profondeurs de Vénus, Derek Künsken

L'avis (positif) d'Apophis et celui plus mitigé de Feyd Rautha

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