La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Meurtre télécommandé - Wetering - Kirchner


Meurtre télécommandé est la traduction française, par Patrick Marcel, d'un album publié pour la première fois en 1984 aux Pays-Bas. Janwillem Van de Wetering au scénario et Paul Kirchner aux stylos livraient alors un album mi cosy mystery mi art conceptuel à tendance psychédélique.


La première image que voir le lecteur de cet album est celle qui orne la couv' : on y voit une sorte de détective à trois yeux, le fils illégitime de Sam Spade et de Lobsang Rampa, qui nous dit que nous pénétrons dans un monde pas vraiment banal.

La deuxième image, à l'intérieur, est un homard en majesté au milieu d'une page qui n'abrite que lui.

La troisième est une carte stylisée du Maine, le pays des vacances (et accessoirement des homards, même si eux se passeraient de cet honneur). HS on notera que c'est aussi le pays de Stephen King.

Je crois sincèrement que ne peut être mauvaise une œuvre qui, pour s'annoncer, utilise un détective à trois yeux, un homard, et la carte du Maine.


Canton de Woodcook, Maine donc. Mister Jones, riche pétrolier et sale type jusque dans le plus petit de ses gestes, est en train de pêcher, seul dans un canot. Alors qu'il apprécie un paysage et une mer qu'il va bientôt détruire à coup de projet pétrolier pharaonique, Mister Jones est visé par un petit avion télécommandé qui lui fonce dessus, sur cet esquif où rien ne lui permet de s'abriter. Traumatisme crânien brutal, exit Mister Jones. Bon débarras !

Meurtre télécommandé raconte l'enquête visant à identifier puis à neutraliser le coupable, menée par l'inspecteur d'Etat Jim Brady dont la mission est de pallier à un shérif local dont on dira qu'il n'est pas la lame la plus affûtée du bloc, ni la plus intègre.


D'entrée, cosy mystery oblige, nous avons quatre suspects, les quatre seuls dont la propriété donne sur la mer et qui pouvaient de là diriger à distance l'aéronef tueur. Qui a donc voulu la mort de Jones ?

Le vieux Kane, le local de l'étape ?

Valérie Courtin, la belle femme un peu new age qui n'aime rien tant que son jardin ?

Joe McLoon, le motard rebelle et givré, qui vit en compagnie de deux fans enamourées depuis qu'un accident l'a laissé paralysé à vie ?

Ou Steve Goodrich, star d'Hollywood en mode Sunset Bld qui vit dans son manoir en la seule compagnie d'un domestique qui évoque Von Stroheim quand lui-même fait penser à Clark Gable ?

La distribution est connue, ne reste plus qu'à animer en vase-clos tout ce monde.


Là où Meurtre télécommandé diverge d'un cosy mystery classique c'est dans son traitement de l'enquête. Lors des entrevues entre Brady et les suspects, c'est plus par des modifications d'état de conscience et de connexion à l'univers, résultats d'expériences entre psychédélisme et shamanisme, que par de vraies questions ou investigations que Brady avance dans sa compréhension des événements.

Pour autant, et même si certains passages rappellent les moments ésotériques d'Alan Moore par exemple, le tout est clair et jamais délirant au point de rebuter. Le mix rationnel/psychédélique est parfaitement équilibré. C'est très plaisant à lire.


Le travail de Kirchner est une autre source de plaisir ici. D'un trait réaliste, précis, droit et minimal, le dessin libère l’œil du lecteur des détails annexes pour le laisser se concentrer sur la progression de l'enquête à ses différents niveaux. Il fait aussi écho à l'approche « robotique » de Brady qui ne sympathise ni ne s'insère mais se contente d'accumuler les informations sur une communauté qu'il ne tangentera que le temps de l'enquête. Il y a quelque chose en l'inspecteur du Dale Cooper des premiers épisodes de Twin Peaks, le même présence au lieu digne d'un corps étranger et les mêmes échappées ésotériques ; clairement, le dessin sert ici la caractérisation.


En conclusion, on a ici un bel album original qui ne peut que satisfaire le lecteur fan de BD en se plaçant résolument entre Agatha Christie et Alan Moore (étrange équipage !). Lisez-le !


Meurtre télécommandé, Van de Wetering, Kirchner

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