Les Résidents - Lemire - Sorrentino - Le Mythe de l'Ossuaire t3

Avec Les Résidents , tome 3 du Mythe de l'Ossuaire , le cycle BD de Lemire et Sorrentino situé dans un univers mythologique partagé imaginé par les auteurs, on entre vraiment dans le lourd. Lourd d'abord car ce gros volume de 312 pages pèse son poids, lourd surtout car cet opus qui regroupe les dix numéros de l'arc Les Résidents est vraiment impressionnant. Quelques mots de l'histoire, sans trop spoiler. Sept personnes vivent (au milieu de beaucoup d'autres) dans un immeuble d'habitation urbain dégradé mais quelconque. Ces sept personnes – Isaac, Amanda, Justin, Félix, Tanya, Bob et Gary –l'ignorent mais elles sont liées. Liées entre elles, liées aussi à cet immeuble qui est certainement un lieu malfaisant (car sinon ce serait elles qui le sont, et comment le jeune Isaac ou l'aimante Amanda, sans même parler des autres, pourraient-ils être accusés de malveillance ?) . A la mort imprévue de l'un des sept, une clef est tournée et un grand bouleversem...

Abattoir 5 - North - Monteys - Vonnegut


Abattoir 5 est le roman le plus célèbre de Kurt Vonnegut. L'un des plus connus de la SF, il fait partie de la liste des 100 meilleurs romans de langue anglaise établie par l'éditeur Modern Library.


Texte aussi innovant dans sa construction que violemment anti-guerre (la WW2 et le Vietnam y passent), Abattoir 5 doit son nom au lieu d'emprisonnement souterrain dans lequel se trouvait Vonnegut lors du bombardement de Dresde ce qui lui sauva la vie, contrairement aux 35000 victimes, largement civiles, que fit le bombardement. Un évident crime de guerre. Quant à son sous-titre, La croisade des enfants, il exprime la réflexion de Vonnegut sur le jeune âge des soldats qu'on envoyait s'affronter et mourir.


A mi-chemin entre récit de SF et expérience impossible à oublier, Abattoir 5 raconte la vie de Billy Pilgrim, par fragments non linéaires, de sa naissance à sa mort. Narré par un narrateur non fiable dont on peut supposer qu'il est Vonnegut lui-même, l'histoire de Billy est éclatée car « Billy s'est détaché du temps » après un enlèvement par des aliens, les Tralfamadoriens, qui l'ouvent à leur vision atemporelle de la réalité dans laquelle ce que nous percevons comme une succession d'événements est vu par eux comme l'ensemble des éléments simultanées d'un unique paysage dont il est possible de voir chaque aspect (moment) en se focalisant dessus. Le temps est, pour eux, comme une chaîne de montagne vue de loin.

Il le devient pour Billy aussi après/avant/pendant son abduction. Alors, Billy et le récit sautent de date en date, vivant et voyant simultanément, même alors que d'autre moments sont en cours aussi, tous les moments de la vie de Billy (les Tralfamadoriens voient même des événements postérieurs à leur propre existence et connaissent donc le moment et la cause de la mort de l'univers).


Savoir qu'on rient ne peut être changé car la « montagne » existe quel que soit le jugement qu'on porte sur son aspect, savoir que le libre-arbitre est une illusion, savoir quand et comment on mourra, savoir qu'on ne créera jamais de monde meilleur parce qu'on ne l'a jamais vu être, savoir que l'humanité n'éradiquera jamais la guerre parce qu'on la voit toujours être, voilà qui rend Billy semblable aux Tralfamadoriens, non pas pessimiste mais éminemment fataliste. Rien ne peut changer, il faut, pour être heureux, se rappeler/vivre/revivre/ les bons moments passés/présents/futurs.


Le jeune homme devenu assistant aumônier de guerre qui assiste aux horreurs du conflit, y voit tant et tant de compagnons mourir autour de lui sans raison rationnelle, qui avant/après/en même temps temps survit par miracle à un crime de guerre, qui avant/après/en même temps temps devient orthoptiste et membre du Lyon's Club, qui avant/après/en même temps temps se marie, qui avant/après/en même temps temps est enlevé, qui avant/après/en même temps temps engendre des enfants, qui avant/après/en même temps temps rencontre l'auteur de SF Kilgore Trout (une blague sur Théodore Sturgeon), qui avant/après/en même temps temps survit à un crash, qui avant/après/en même temps temps est traité comme un gâteux par sa fille « aimante », qui avant/après/en même temps temps devient une sorte de prédicateur dans l'Amérique désunie avant d'être assassiné /après/en même temps a tout de l'histoire de l'Amérique au 20e siècle en lui, tout en restant un être profondément banal. Sa seule particularité, qui justifie le roman : il sait que le temps est écrit, qu'il est inéluctable, qu'il faut l'accepter et tenter de vivre heureux avec ce savoir.

« C'est comme ça » disent toujours les Tralfamadoriens – pour commenter une mort personnelle ou celle de l'univers, ces bouts de chaînes de montagne qui n'annulent en rien tout les morceaux précédents. Rien de plus à dire ni à éprouver.


Ironique, un peu désabusé et simultanément en quête de la Vie Bonne (comme dans Elle est pas belle la vie ?), Vonnegut livre un texte brillant – et parfois censuré.

L’adaptation BD qu'en font Ryan North et Albert Monteys est une réussite. Elle synthétise l’œuvre sans jamais la trahir, elle donne, par son dessin et sa narration, le sens de l'horreur, du fatalisme, ainsi que de la possibilité intacte du bonheur dans la fatalisme.

C'est un album indispensable pour qui n'a jamais lu Abattoir 5 et une remise en mémoire particulièrement plaisante pour anciens lecteurs.

A lire absolument.


Abattoir 5, North, Monteys, Vonnegut

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