La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Les Flibustiers de la mer chimique - Marguerite Imbert


Terre. Futur assez proche.

Il y a eu une hécatombe, terrible. Nature : inconnue. Impact : énorme. Plus de 99,9% de la population mondiale y a succombé.

Humains éparpillés, guerres claniques, villes en ruine, mer haussée de plusieurs mètres et en même temps si polluée qu'elle en est devenue toxique et parcourue de monstres marins gigantesques. Il ne reste pas grand chose de la glorieuse civilisation humaine. Et je t'épargne, lecteur, les agressifs chiens sauvages qui déciment tes descendants ainsi que les divers déchets nucléaires qui perdurent à droite à gauche – souvent, encore une fois, dans la mer.


Comme semblants d'organisations humaines restent :

Rome, où la Métareine tente de rebâtir une société organisée, la Coalition Algérienne, considérée comme hostile, les Etoilés, qui forment sous les ordres de Jéricho la milice armée de la Métareine ; d'autres sûrement, en des lieux éloignés devenus largement inaccessibles où des émirs exploitent des esclaves drogués.

Il y eut aussi des Patriciens ou des Runners, des clans transformés ou absorbés. Il y eut encore des Graffeurs, seuls dépositaires d'une mémoire historique et technique que l’humanité a perdu dans l'hécatombe – Alba est la dernière, elle est franchement un peu cinglée, et elle est capturée par un groupe d'Etoilés qui doivent la livrer à Rome. Et de là...


Enfin, dans le monde exquis de la post-hécatombe, se tapit et intrigue la Compagnie des Limbes Orientales, aussi mystérieuse que mafieuse. Une compagnie dont le bras armé est constitué d'un groupe de flibustiers écumant les mers dans un unique sous-marin, le Player Killer, sous les ordres du capitaine Jonathan, un fou de jeux vidéos.

C'est ce sous-marin et ce capitaine qui sauvent en mer Ismaël, un naturaliste romain en mission secrète, et ses deux compagnons d'infortune, Lori et Aaron. C'est à bord de ce sous-marin que le déjà âgé – et presque en deuil – Ismaël va tenter de remplir sa mission, sans se trahir et tout en sympathisant avec un Jonathan aussi menaçant qu'attachant et son équipage qui ne l'est pas moins. Et de là...


Tout ce petit monde, à l'espérance de vie rétrécie, s'entrétripe gaiment autant que de besoin, troque, pille, explore, cherche aussi – sans grand espoir crédible – à retrouver certains des secrets de la civilisation perdue, prothèses transhumaines ou mythique Azote bleu.


Disons-le tout net, "Les Flibustiers de la mer chimique" est un roman aussi excitant qu'hilarant.

Marguerite Imbert entraîne son lecteur dans un monde anéanti et dur qui est aussi séduisant et chatoyant qu'une fleur carnivore ; un monde dans lequel chacun va devoir se trouver une simple raison d'être là et donc de ne pas rejoindre le reste décédé de l'humanité – quand l'espoir d'avenir est mince le mieux à faire est de tenter d'en créer un ex nihilo ou juste de profiter du moment.

Ce monde extrême fait advenir des êtres extrêmes. L'autrice y place donc des personnages hauts en couleurs dans une ambiance et des situations foutraques qui ne font jamais outrées mais semblent toutes parfaitement logiques vu le contexte.

On croisera donc des calmars géants sous héroïne qui protègent le Player Killer des requins et calmars géants sauvages, on verra qu'une vraie amitié peut naître entre geôlier et prisonnier après suffisamment de parties de jeu online ou que les obèses sont sacrifiés car ils ne courent pas assez vite, on visitera une sorte d’île de la Tortue installée sur le « septième continent » des déchets plastiques, etc.


Le roman déborde de drôlerie, d'ironie caustique, de vrais moments de bonne humeur car chacun de ces personnages, chacun à sa manière larger than life, va au bout de sa logique interne, se plaçant sans cesse dans l'une de ces situations de péril dont on ne sort que grâce au panache de ceux qui sont prêt à tout risquer car ils sont aussi forts en gueule que téméraires voire inconscients.


Le roman époustoufle aussi par sa manière d'enfiler des références en les traitant avec la casualness de celui qui tire des Scuds sans même y penser ni viser ; elles sont des scories de l'ancien temps, mais elles sont en vrac. Et c'est encore plus drôle quand celle qui réfère, Alba en général, se plante dans sa référence juste assez pour qu'on voit l'erreur et ce qui aurait dû être dit à la place.


C'est à un roman Monty Python que tu t'attaqueras, lecteur, en lisant "Les Flibustiers de la mer chimique". Tu y croiseras du spectacle, de l'aventure, de l'action, du rire, de la peur, des dingos, des givrés, des barjos, des tarés, et toutes autres sortes de protagonistes dont tu douteras autant des chances de réussite que de la raison, autrement dit le genre de protagonistes qui partirent à la Quête du Saint Graal dans le film du même nom.

Un roman pince-sans-rire qui place tout et tout le monde sous la loupe ironique d'une autrice qui fait preuve d'une belle maturité et d'un sens affuté du recul.

Un roman sans révérence.

A lire.


Les Flibustiers de la mer chimique, Marguerite Imbert

L'avis de Feyd Rautha

Commentaires

tadloiducine a dit…
Bon, si je comprends bien, c'est peut-être moins "ardu" que La horde du contrevent?
Belle itw que vous avez réalisée de Marguerite Imbert dans un autre billet, quelques semaines plus tard (pour Noël!), en tout cas...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola