La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Nod Away vol 2 - Joshua W. Cotter


"Nod Away volume 2". Cinq ans depuis le précédent mais moins d'un mois depuis ma lecture de celui-ci. Tant mieux. Ou tant pis s'il faut attendre cinq ans le prochain volume.

J'ai déjà dit le bien que je pensais de ce comic dans une chronique récente. Quid de celui-ci ?


D'abord, il est plus long. 360 pages contre 240, avec deux effets positifs à cet allongement.

D'une part, la place laissée au premier fil (voir chro. précédente) augmente. C'est important car ce fil, jusque là très cryptique, s'éclaire un peu et devient  plus explicite en ce qui concerne ses liens avec le second fil, majoritaire, qui décrit le réel. Des liens que le lecteur voit de plus en plus souvent apparaître physiquement dans les pages de l'album, comme il commence à connecter le personnage solitaire du premier fil avec celui qui vit dans le second.

D'autre part, l'augmentation du nombre de pages permet à Cotter de développer encore plus son mode de narration si particulier dans lequel aucune conversation n'est superflue, même celles qui ne font pas avancer l'intrigue principale. Car ce sont de vrais personnages que l'auteur décrit et qu'ils ont donc quantité de mots ou de gestes qui ne sont que ceux de leur vie, sans fonction dramatique. Ces personnages ont une histoire, ils ne sont pas là seulement pour nous en raconter une. C'est, je crois, ce qui fait la richesse et le charme captivant de ces albums.


Ensuite, il n'est pas la suite du volume 1. Exit U.S.S. Integrity, au revoir Melody McCabe, adieu l'Innernet. Retour sur Terre auprès de deux nouveaux personnages dans un monde que l'absence d'Innernet rend plus proche du nôtre.


"Nod away vol. 2" nous plonge dans l'histoire de Walt et d'Aveline. Walt est un jeune gars un peu flippé qui travaille à la boutique d'un centre d'arts. Aveline, elle, immigrante française fraîchement débarquée, a pris un emploi au café qui fait face à la boutique de Walt.

Détail d'importance : Aveline est bien plus dépressive que Walt, jusqu'à l'auto-agression.

Entre les deux, une forme de coup de foudre. Une histoire d'amour aussi partagée que frustrante pour Walt. Lui, insecure, en attend sûrement trop alors même qu'elle, de son côté, fait tout pour l'empêcher de s'approcher vraiment. « Touching from a distance, Further all the time. »


Le couple cohabite, puis Aveline disparaît. Sans explication.


Du temps passe. Walt a quitté la ville et vit maintenant dans la ferme de ses parents décédés, au fin fond de ploucland. Il s'est refait une vie, a résisté à l'inimitié de son belliqueux voisin, a recréé des relations. Jusqu'à un mail d'Aveline. Et tout recommence. Amour, distance, frustration.

Mais cette fois le mal-être de la jeune femme, convaincue que la réalité n'est que le masque illusoire qu'on donne aux interprétations, s'aggrave. Jusqu'à ce qu'elle finisse par complètement perdre pied après un événement tragique.

Confronté à la catastrophe qui touche la femme qu'il aime, perdu, en manque d'idées et d'argent, Walt accepte alors la proposition d'un médecin, au nom familier pour les lecteurs du premier volume, de soigner gratuitement Aveline si elle accepte – de fait, c'est à Walt de le faire pour elle – un protocole psychiatrique expérimental très innovant. Le lien entre les deux volumes est fait. Les événements de celui-ci éclairent, à partir de ce moment, d'une lueur bien sombre ceux du premier.


Avec ce volume 2, Cotter livre encore une fois une œuvre de grande qualité. On retrouve ici les qualités du premier opus et le style narratif centré sur les vies concrètes et les émotions. Technologie et SF sont laissées en arrière ; elles sont centrales dans la possibilité même des événements mais n'en sont pas le cœur. Le cœur de l'histoire, ici comme dans le volume 1, ce sont les vies et les interactions des personnages ainsi que leur manière de surmonter des épreuves particulièrement difficiles. Ici, encore plus que dans le volume 1, Cotter raconte des vies banales (que Cotter décrit longuement dans leur banalité) plongées à leur corps défendant dans des réalités qui les dépassent.


Pour raconter sur 350 pages, Cotter ne se prive d'aucun effet.

Pages divisées en très nombreuses cases qui dissèquent littéralement les actions.

Dialogues intermittents mais toujours détaillés et intimement liés aux préoccupations du moment (Attention pour les lecteurs VO, c'est une langue de rednecks qui se parle dans la cambrousse).

Expressivité des corps et des visages.

Transformation physique des personnages principaux.

Trouvailles visuelles, comme lorsque personnages secondaires et décors semblent s'estomper autour d'un Walt qui s'enfonce en lui-même ou quand les saisons passent en deux cases accotées voire quand les phylactères se fragmentent.

Et puis il y a ces fils, de plus en plus présents dans et entre les pages, qui lient les différents points de l'histoire et le monde physique à un autre bien moins matériel.


Le tout est brillamment réalisé, dense, riche, travaillé.

Conséquence : comme le volume précédent celui-ci attrape le lecteur et ne le lâche plus jusqu'à la dernière page. Histoire SF évidemment mais on est presque avec Nod Away dans la définition du fantastique par Todorov tant le surnaturel, exprimé ici dans une inhabituelle version scientifique, fait intrusion dans le cadre réaliste du récit. C'est pour le « surnaturel » qu'on est venu mais c'est par le cadre réaliste qu'on est ferré. Bravo !

Attendre le volume 3 sera long, très long.


Nod Away 2, Joshua W. Cotter

Commentaires