Alien Clay - Adrian Tchaikovsky

Quand commence Alien Clay , récent roman SF politique du serial writer Adrian Tchaikovsky, Anton Daghdev est, disons-le sans ambages, dans une belle merde. Embarqué de force sur un vaisseau en partance pour la colonie pénitentiaire de la planète Imno 27g – surnommée Kiln –, déshydraté flash-frozen comme ses compagnons d'infortune pour survivre à un très long trajet sans passer par l'hibernation, Daghdev a voyagé trente ans durant, endormi aux côtés des autres prisonniers politiques qui font partie de la même cargaison que lui. Il aurait pu rêver meilleur confort mais le pire était encore à venir. Page 1, arrivés à distance orbitale d'Imno 27g, les forçats dont Daghdev sont réhydratés (kind of) , vaguement ramenés à la conscience, puis projetés entravés vers la surface de la planète dans des sortes de bulles de celluloïd translucide alors que leur vaisseau (conçu pour un one-shot sans retour ni même atterrissage) se désagrège. Cet aller-simple déplaisant et risqué (un cer

L'enfant de la dernière aurore - Louise Erdrich - Retour de Bifrost 102


Futur proche. Cedar Hawk Songmaker est une femme d'une vingtaine d'années. En dépit de ses prénoms et nom, plus native que nature, Cedar est une enfant adoptée. Ses parents adoptifs, végans et progressistes à tous points de vue, lui ont donné ces prénoms pour ne pas la « couper » de ses racines amérindiennes. De façon amusante, son nom de naissance – bien peu native – est Mary Potts, comme sa mère et sa grand-mère biologiques Ojibwe. Les deux femmes – avec le reste de la famille – vivent dans une réserve, et au début du roman Cedar va les rencontrer pour la première fois. Au début aussi, Cedar est enceinte. Au début enfin, le monde est en train de « finir », quoi que ça puisse signifier ici.


"L'enfant de la dernière aurore" est le journal à la première personne que Cedar écrit pour son bébé à naître. On y suit les tribulations de la jeune femme dans un monde où le changement climatique continue et où, surtout, l'évolution s'est changée en dévolution, les animaux mettant au monde des versions très antérieures d'eux-mêmes dans l'échelle darwinienne et, apparemment, la plupart des femmes font de même. Un monde aussi où Cedar doit se cacher car son ventre fait l'objet de convoitises.

En effet, le chaos causé par la dévolution a été l'occasion pour l'Eglise (?) et une partie de l'armée de prendre le contrôle du pays et d'y instaurer un régime totalitaire avec surveillance, délation, milice, abolition des libertés publiques. Cerise sur le gâteau, on y pratique un contrôle rigoureux des femmes enceintes, à la recherche de la perle rare portant un enfant standard, et/ou d'utérus fonctionnels dans lesquels implanter des embryons d'avant. Si Cedar est attrapée, elle sera conduite dans l'un des nouveaux centres de reproduction, vers quel destin pour elle et son futur bébé ?

Il lui faudra lutter, avec l'aide de ses deux familles, pour tenter d'échapper à un sort sans doute funeste. "L'enfant de la prochaine aurore" est le récit de ces événements et de cette lutte.


Succès critique aux USA pour ce roman qui coche toutes les cases du bingo. C'est l'histoire d'une femme, d'une future mère, d’une grossesse. Ça parle du contrôle étatique sur la reproduction. Ça évoque – d'assez loin – La servante écarlate. Ça parle surveillance et dictature. Ça se passe en partie dans une réserve indienne, parmi des habitants qui, chaos aidant, reprennent possession de leurs terres. Ça parle – un peu – changement climatique. Il y a même un Underground Railroad et un (e) pseudo Big Brother : la Mère.

Hélas, la mayonnaise ne prend pas. Partant d'un postulat qui demande une énorme suspension d'incrédulité, Erdirch écrit un roman qui ne développe vraiment ni son effondrement ni son totalitarisme. Pourquoi ? Depuis quand ? Comment exactement ? Autant de questions qui ne sont pas vraiment traitées ; tout est vu à travers les yeux de Cedar, qui ne sait pas grand chose. De fait, le world-building est étique, et l'ignorance de Defred, qui allait avec sa claustration, ne passe pas ici. Le ton aussi est un point faible. Naïve et émerveillée par sa grossesse au point de paraître illuminée, Cedar délivre des tombereaux de mièvrerie qui alternent parfois avec des passages pompeux – historiques, biologiques, ou théologiques, car le roman, écrit par la catholique Louise Erdrich, décrit une Cedar convertie au catholicisme et abonde de références et de questionnements touchant à l'Incarnation. Problème : même si l'autrice se place deux fois sous le patronage d'Hildegarde de Bingen, c'est plutôt aux très jeunes extases de Ste Thérèse de Lisieu qu'elle fait penser. On oscille alors entre ennui et consternation, puis incrédulité face à une citation de Teilhard de Chardin par exemple. Sans compter que les intuitions illuminées de Cedar sont peu claires et font très journal intime. Il n'y a rien d'inspirant à en tirer.

Que reste-t-il alors ? Difficile de dire si Erdrich a voulu décrire une sainte en devenir ou montrer l'effet euphorisant de la grossesse à un monde qui en a fait sa grande aventure. Quoi qu'il en soit, le résultat est à la fois frustrant – jusqu'à la fin même – et impossible à prendre au sérieux tant Cedar joue jusqu'à la nausée son rôle exaspérant de ravi de la crèche.

L'enfant de la dernière aurore, Louise Erdrich

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