La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

New Atlantis - Lavie Tidhar


"New Atlantis" est une novella de Lavie Tidhar (Prix PSF 2021 pour Aucune terre n'est promise). Résolument nature writing, elle installe ce genre sur une Terre post-apocalyptique.


A l'âge de la puissance, les humains ont réalisé des merveilles. Mondes virtuels, robots humanoïdes, exploration martienne, clonages et modifications génétiques. Mais, en dépit d’innovations technologiques sans cesse plus incroyables, l'humanité n'a jamais réussi à se débarrasser de son addiction à l'acte de consommer, au prélèvement de ressources pour ce faire, à la production de déchets comme conséquence. L’humanité n'a jamais réussi non plus à se débarrasser de la guerre comme activité. Au contraire même, ses prodiges technologiques l'ont rendue sans cesse plus dangereuse. Mais tout ceci est fini.

Des siècles auparavant, l’humanité a fini par payer le prix de son hybris. Montée des eaux, déchaînements climatiques et armes de destruction massive ont annihilé la plus grande part de l'humanité. Restent aujourd'hui une fraction seulement de ce que fut la population humaine, vivant chichement en communautés dans le cadre d'accords (tacites ?) de non-agression réciproque et de frugalité raisonnée. Les artefacts du passé sont néanmoins encore largement présents, parfois utilisables pour peu qu'on accepte le risque d'aller les récupérer. Piller les restes du passé pour les utiliser, connaître l'histoire du passé pour ne pas le reproduire, vivre le plus possible en harmonie entre humains et avec l'écosystème, c'est le credo de l'humanité dans laquelle vit Mai.


Mai est une femme au crépuscule de sa vie. Elle a passé sa vie dans ce qui fut le Moyen-Orient, dans un monde qui ne ressemble plus guère au nôtre.

Comme le narrateur dans Le nom de la rose, Mia, devenue vieille, se souvient dans "New Atlantis" d'un moment marquant de sa vie et de l’impact qu'il a eu sur toute son existence. Bien des années avant le témoignage qu'elle livre aux lecteurs, alors qu'elle n'avait qu'une trentaine d'années, Mai reçut un message d'un ancien amour. La vie de la jeune femme était jusque là paisible, entre un père sédentaire et une mère scavenger. Mais Mai était habitée d'une inextinguible wanderlust, et ce message inattendu donna un prétexte et un sens à un grand voyage à entreprendre, jusqu'à ce qui subsiste de Londres.

En compagnie d'un vieil ami à qui un exosquelette récupéré permet de marcher, Mai part donc à pieds de son village à la ville survivante de Tyr, puis en bateau jusqu'en Francia, et de là jusqu'à Londres en passant par ce qui reste de Paris. A Londres elle vivra une aventure très surprenante.


Nature writing du futur, "New Atlantis" décrit avec force détails et une poésie violente une Terre où se côtoient nature apaisée par l'absence d'humains et reste vestigiels de l’humanité conquérante. Dangers et solidarité rythment son voyage, au long d'un chemin rendu étrangement beau par la présence des vestiges de l'humanité perdue, témoignages de puissance et d'excès aussi illimités l'une que l'autre, comme l'étaient sans doute les restes de l'empire roman après la chute de celui-ci. Une beauté néanmoins parfois mortelle car subsistent des artefacts humains actifs qui ne comprendront jamais que leur fonction est terminée, sans parler même des créatures mutées par accident ou volonté. Mais au sein des différentes communautés traversées, Mai et son ami rencontrent accueil et compréhension, jusqu'aux terres de Francia où les pactes de non agression ne semblent pas être connus.


Rendant hommage plus ou moins explicite à Jules Verne, Clifford D. Simak, ou Walter M. Miller, Tidhar place le berceau d'une nouvelle humanité, meilleure, dans ce Moyen Orient qui vit naître l'originale. Il livre au lecteur quantité de très belles images entre autoroutes abandonnées, Notre Dame de Paris en ruine, et villes englouties par la montée des eaux.

Si l'histoire n'est pas le point central de ce récit, c'est à une très belle ballade que Tidhar invite le lecteur, dans un monde ravagé qui se reconstruit très lentement avec sous les yeux les vestiges de ce qu'il fut comme regret et avertissement à la fois, un monde malthusien qui aurait été pacifié par nécessité et cherche à ne pas reproduire l'aveuglement du passé, un monde que la disparition des transports rapides et des telecoms avait de nouveau rendu immense (comme le pointait Ada Palmer dans le dernier tome de Terra Ignota). "New Atlantis" est une jolie ballade à savourer tranquillement un soir, avec calme, comme Mai.


New Atlantis, Lavie Tidhar

Commentaires