Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

Little Tulip - Charyn - Boucq


"Little Tulip", de Charyn et Boucq, c'est l'histoire de Paul, tatoueur new-yorkais qui fait des portraits-robots pour la police alors qu'un tueur en série déguisé en Père Noël terrorise la ville, violant puis égorgeant des femmes dans  les ruelles sombres de Big Apple. C'est aussi l'histoire de Pavel – le prénom de naissance de Paul –, enfant puis adolescent obligé de lutter pour survivre dans l'enfer de la Kolyma.

Fils de parents condamnés sans motif pour espionnage et déportés en 1947 alors qu'ils avaient émigré par conviction vers l'URSS, Pavel, séparé de ceux-ci dès son arrivée au camp après un voyage cauchemardesque, découvre le monde des orphelins du goulag. Enfants-loup ultra-violents, victimes nées qui serviront de jouets aux autres, gardiennes sadiques et abusives, dans le camp les internés n'ont aucun droit, ou les gardes les ont tous ce qui revient au même. Et s'il n'y avait que les gardes. Au goulag sont mélangés prisonniers politiques (comme les parents de Pavel) et prisonniers de droit commun. Si les politiques sont voués à une mort rapide, les droits communs (parias à l'extérieur, princes à l'intérieur) se taillent de petites principautés, tuant, volant, abusant, violant, utilisant les êtres humains comme monnaie d'échange dans leurs transactions entre eux ou avec des gardiens pour lesquels il leur arrive de faire le sale boulot.
Pris sous l'aile d'un chef criminel, Pavel apprend l'art du tatouage, et découvre le pouvoir de dessins qui peuvent changer la réalité (petit élément fantastique à la toute fin de l'album). Ne cessant jamais de chercher son père et sa mère, toujours à l’affût d'une opportunité de les retrouver, il s'acoquine avec tous ceux qui peuvent l'aider, explorant tous les recoins les plus sordides du camp, entre harems de chefs mafieux, bordel pour officiers, arènes de combat no limit, camp de lesbiennes « cannibales ».
Toujours chercher, apprendre à se battre, devenir fort et respecté, des années d'apprentissage qui culmineront dans une tragédie qui fera de Pavel un paria, sans clan ni protecteur.

1970. Pavel, libéré un jour sans raison objective est devenu Paul. Il est rentré chez lui, à New York, une ville dans laquelle il est né mais n'a passé que très peu d'années. Il tatoue pour gagner sa vie et collabore quelquefois avec la police. Il a une amie, Yoko, serveuse dans un restaurant. Yoko a une fille, Azami, que Paul aime vraiment et à qui il apprendra peut-être le tatouage s'il finit par céder à ses demandes. Mais le tueur, Bad Santa, rode, et tous les efforts de la police ne parviennent pas à le retrouver. Bad Santa, l'égorgeur, serait-il une réminiscence du passé de Paul/Pavel ?

Ces deux récits entremêlés éclairent pour le lecteur le personnage de Paul, racontent l'histoire sordide de la Kolyma, dessinent la traque d'un tueur psychopathe, mettent en lumière les épreuves proprement inimaginables qu'a vécu Paul/Pavel et la forme de sérénité qu'il a retrouvée à New York (sa ville d'origine) entre ses amies, sa boutique, ses extras pour la police. Une vie enfin apaisée après tant de souffrance. Une vie qu'une série de crimes bouleversera de tragique façon.

Superbe histoire superbement racontée, d'une construction sans faille, émotionnellement prenante jusqu'à l'indignation mais aussi récit de magie et de transmission, "Little Tulip" est sublimé par le dessin de Boucq. Visages et corps impressionnants de maîtrise graphique et de puissance affichée, aspect vraiment sordide de ce qui l'est entre goulag inhumain et New York criminel des années 70, beauté et précision des tatouages-fresques qui sont autant de morceaux d'âmes racontant tant des vies que des rangs.
La dureté et la cruauté de l'histoire, la violence omniprésente, la survie par la force physique, la possibilité de mourir à tout instant d'un mauvais coup de lame, sont parfaitement rendues par le traitement de Boucq, jusque dans la monotonie de ses colorisations qui dit à quel point il est impossible de sortir du cadre.

Little Tulip, Charyn, Boucq

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