Mirror Bay - Catriona Ward VF

Sortie de Mirror Bay , la version française de l'excellent Looking Glass Sound de Catriona Ward. C'est encore une fois magistral, tortueux, émouvant et rempli de faux-semblants  (il faut en profiter, ce n'est plus le cas dans le décevant Sundial pas encore sorti en VF) . Ne passe pas à côté, lecteur.

Le Retour du hiérophante - Bennett RJ


"Le Retour du hiérophante", de Robert Jackson Bennett, est le deuxième volume de la trilogie Foundryside, il fait donc suite à l'excellent Maîtres Enlumineurs.
Tome 2, tu sais, lecteur, que je n'aime guère chroniquer cette engeance.

Les événements du tome 1 et notamment la chute de la maison Candiano sont déjà vieux de trois ans. Sancia et la petite troupe/famille qu'elle a constitué autour d'elle ont créé une société indépendante d'enluminure nommée Interfonderies. Interagissant très libéralement avec quantité d'autres petites structures qui ont suivi leur exemple, ils pratiquent, pour le dire vite, une forme Creative Commons de l'enluminure, et ont généré un foisonnement créatif inédit dans la cité. Leur objectif, ce faisant, était de mettre cet art à la portée du plus grand nombre et d'ainsi réduire les immenses inégalités qui fracturent la ville de Tevanne.
Quand le roman commence, Sancia et les siens ont décidé d’accélérer un processus qu'ils jugent encore trop lent. Pour cela, ils arnaquent la maison Michiel en y introduisant une technique nouvelle permettant de « dupliquer » des « lexiques » (oui, du clonage de serveurs). Arnaque réussie.
Tout irait pour le mieux si Valéria – vue dans le tome précédent – ne faisait pas une apparition dans les rêves de Sancia pour l'avertir d'un terrifiant danger à venir, le retour d'un des légendaires hiérophantes, le très craint et tristement célèbre Crasedes, tombeur d'empires et destructeur de nations. Et de là...

"Le Retour du hiérophante" est un roman aussi dynamique et rythmé que son prédécesseur. On revient en terrain connu, et si on avait apprécié le terrain, il est agréable d'y faire un second passage. C'est  alors un page turner qui se lit avec plaisir, qu'on savoure comme un blockbuster à pop corn.
Revenant sur quantité de questions en suspens, il contribue à éclairer tant les origines ou la nature (métaphysique en dépit de son appréhension rationaliste) de la magie que l'histoire des temps passés du monde ou les biographies de certains personnages, Gregor notamment, ou Clef.
Il prolonge la « vision » de Sancia, même s'il devient vite évident qu'en terme de justice ou d'égalité il y a loin du dire au faire et qu'il n'est pas toujours facile de déterminer le chemin qui y mène le plus directement.
Poussant le bouchon toujours plus loin, Bennett livre un texte dont certains aspects sont nettement plus noirs et plus spectaculaires que dans le tome 1, alors que la barre y était déjà bien haute.

Bennett livre aussi, et c'est le meilleur je pense, une intéressante réflexion sur la soif d'utopie qui conduit peu ou prou toujours à la tyrannie ou au massacre. Des lendemains qui chantent aux killing fields khmers en passant par le rêve d'un Shâm mythique, les architectes de mondes meilleurs passent toujours par pertes et profits les malheurs que leur vision occasionne, quand ils ne les considèrent pas comme la preuve même de la pureté de leurs intentions et de la nécessité d'agir radicalement pour faire advenir ce meilleur qu'ils sont bien sûr les seuls à être à même de définir avant de l'imposer à tous les autres. Car dans le combat qui oppose Crasedes à sa Nemesis (qui n'est pas Sansia) ce sont deux visions du Bien qui s’affrontent, antagonistes mais aussi exclusives et impitoyables l'une que l'autre. Deux visions de surcroît forgées par l'émotion, la pire de toutes les conseillères – nos temps actuels le montrent quotidiennement.
Dans ce genre de combat où les combattants se parent des oripeaux – fussent-ils noirs pour Crasedes – du Vrai, du Bon, et du Juste, ne compte plus que la fin, infiniment désirable ; tout et tous ne sont que des moyens à utiliser, à manipuler, à sacrifier. Gregor en est une illustration transparente, Sancia aussi de façon moins immédiatement évidente, et toute l'humanité avec, chacun à son niveau propre. « Les meules de Dieu tournent lentement, mais elles broient toujours finement. », dit-on ; l'humanité, ici comme ailleurs, risque alors de tenir le rôle du grain. De ce fait, "Le Retour du hiérophante" est, volontairement ou pas, un texte politique qui peut se lire comme une mise en garde contre toute forme de « pureté idéologique » mise en actes.
« Du passé faisons table rase » disait l'autre, plagiant par anticipation Crasedes et sa Nemesis ; il oubliait toujours de dire que lui ne serait pas sur la table qu'on araserait.

En dépit de ces qualités, "Le Retour du hiérophante" est décevant sur quelques points.
D'abord, le niveau de puissance des protagonistes ayant beaucoup augmenté, la magie devient un peu la solution ad hoc à tous les problèmes, permettant des prodiges contre-climaxtiques. Et paradoxalement, à d'autres moments, elle semble au contraire connaître d'étonnantes limitations pratiques.
Ensuite, la qualité des dialogues est assez piètre, surtout quand Orso parle mais pas uniquement. Les off dans les pensées des protagonistes font aussi bas de gamme. Et je ne m'attarde même pas ici sur l'histoire d'amour, un peu nunuche dans son expression, entre Sancia et Berenice.
Enfin, oscillant entre beaucoup de points de vue, il ne laisse finalement à chacun de ses personnages qu'un minimum de lumière, forcés qu'ils sont tous de céder la place dès leur réplique dite. Même la ville est négligée, sa description n'étant plus, au mieux, que lacunaire.

En résumé, "Le Retour du hiérophante" est un must-read pour lecteurs des Maîtres Enlumineurs qui veulent aller plus loin dans l'histoire et comprendre les sous-jacents que n’expliquaient pas le premier tome, il est néanmoins inférieur à celui-ci, en dépit de son caractère plus pyrotechnique.

Le Retour du hiérophante, Robert Jackson Bennett

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