Horizons obliques - Richard Blake

Sortie demain de Horizons obliques , un one-shot SF de Richard Blake. Il y a des années que Jacob et Elena Armlen se sont perdus dans une dimension parallèle qu'ils tentaient de cartographier. Depuis aussi longtemps Adley, leur fille, veut les retrouver. Après un long entrainement elle part donc en quête de parents depuis trop longtemps absents, à travers des mondes incroyables, avec l'aide de ses grands-parents, d'un impressionnant appareillage technologique de voyage transdimensionnel, de ses dons de prescience, et d'un robot humanoïde nommé Staden. Si le scénario, plutôt contemplatif, pourra désarçonner certains lecteurs, on ne peut qu'être impressionné par la beauté envoutante des planches réalisées intégralement par un auteur qui est peintre avant d'être bédéaste (et dont c'est le premier album) . Dès la première page représentant un rêve d'Adley portant un ours polaire sur son dos on est saisi par le style et la qualité graphique de l'album. L&

Revelator - Daryl Gregory


1933. Stella Birch, neuf ans, est déposée par son père chez sa grand-mère « Motty », dans le vallon ancestral des Birch au cœur du Tennessee rural. Et quand je dis rural, on est chez de purs Hillbillies, craignant Dieu et s'adonnant plus que de raison à la fabrication et au trafic de moonshine, la gnôle illégale typique des Appalaches. Stella est donc laissée aux bons soins de Motty, sa grand-mère maternelle, par un père qui ne veut/peut plus prendre soin d'elle et promet de revenir quand il aura trouvé du travail.

Le jour même, pendant que Motty et Pa règlent les détails pratiques, Stella, qui explore les lieux, découvre, non loin de la cabane dans laquelle elle vivra désormais, une sorte de petite chapelle privée. A l'intérieur, un trou pourvu de marches que Stella descend conduit à une grotte souterraine. Pas le temps de découvrir ce qui s'y cache, Motty trouve la petite fille, la sort manu militari de la grotte, et lui ordonne de ne pas y revenir, allant jusqu'à faire installer un gros cadenas neuf sur la porte d'entrée par Abby, son « homme de charge », un costaud peu bavard qui deviendra peu à peu l'ami et le confident de la petite.

Sache-le, lecteur, Lena, la mère de la petite, est morte depuis des années, ce qui explique qu'une ancêtre comme Motty doive lui servir de tutrice officieuse.


1948. Stella, dont on comprend vite qu'elle a fui la vallée pour ne jamais y retourner, est devenue une jeune femme dont l'activité principale consiste à produire du moonshine qu'elle distribue avec l'aide de son son ami noir Alfonse. Stella, qui est blanche, est pourtant remarquable aussi : elle porte sur son corps de nombreuses taches de naissance écarlates qui lui donnent le look Birch, celui que partagent toutes les femmes de sa lignée depuis des générations. Mais voilà que Motty vient de mourir et que Stella doit, à son corps défendant, retourner sur les lieux de son enfance pour régler son maigre héritage et surtout voir ce qu'il advient de Sunny, sa petite cousine ? nièce ? dont Motty avait la garde et qui a grosso modo l'âge qu'avait Stella quand elle arriva chez sa grand-mère. Une petite fille qu'il faudra peut-être défendre contre le reste de la famille.


"Revelator" est le dernier roman de Daryl Gregory. C'est un récit fantastique les pieds dans la glaise des péquenots du Tennesse. C'est aussi une belle et très mystérieuse biographie familiale dont les secrets ne se dévoilent que lentement au fil des pages.


Ce qui, au début de l'histoire, semble simple – même si un peu nébuleux sur les détails de qui est qui et surtout de qui est qui par rapport à qui –, se complique singulièrement au fil d'un roman raconté sur deux fils alternés : 1933 et au-delà, l'enfance de Stella jusqu'à son départ de la vallée, et 1948, les quelques jours d'acmé qui suivent la mort de Motty, un moment dans lequel tous les comptes se règlent et où toutes les dispositions futures concernant Sunny et la propriété doivent être prises.

Se complique car la famille de Stella n'est pas comme les autres, loin de là.

Sans spoiler et parce que c'est sur la 4è de couv., je peux dévoiler la particularité des Birch/Wallace. Ils « ont », sur leur terrain, un « dieu personnel », une créature sombre et mystérieuse surnommée Ghostdaddy qui vit dans la caverne sous la chapelle. Ils sont donc, de fait, les membres d'un culte secret et exclusif voué à ce « dieu personnel » que certaines personnes de la famille parmi les plus excitées tiennent pour un quatrième aspect encore inconnu de la Sainte Trinité. Et les femmes Birch sont les seules à qui le dieu parle, transmettant au fil des générations une « révélation » que certains imaginent de nature à bouleverser le monde. Stella, Motty, Lena, Sunny, et celles qui vécurent avant elles, "Revelator" est l'histoire lentement dévoilée des femmes Birch et du culte dérangé qui s'exerce autour d'elles et de Ghostdaddy.


Disons ici qu'avec "Revelator", Gregory livre un bien beau roman.


D'une part, il décrit avec brio et humanité le monde des hillbillies sudistes dont il est largement issu lui-même. Un monde presque disparu aujourd'hui, qui exista à l'écart des villes, un peu à côté de la technologie et de la rationalité modernes. Un monde dans lequel l'existence d'un Ghosdaddy, si improbable soit-elle, n'est pas impossible. Un monde dans lequel l'isolement et la consanguinité permettent de cacher des décennies durant un tel secret. Un monde qui est celui dans lequel Lovecraft situa Dunwich et son abomination.


D'autre part, il raconte une histoire dont des générations successives de femmes sont à la fois les héroïnes et les victimes. Le Revelator du titre sera celle de ces femmes qui obtiendra la révélation complète de Ghostdaddy. Le terme fait référence à Jean de Patmos (aussi nommé John the Revelator), l'auteur de l'Apocalypse, car c'est une telle Apocalypse qu'espèrent faire advenir les sectateurs du roman, avec l'aide volontaire ou contrainte – c'est indifférent – des femmes Birch. Petites déesses ou prisonnières d'une emprise sectaire ? Ces femmes sont sans doute les deux à la fois. Quand à leurs consœurs sans dons particuliers, elle subissent l’éteignoir d'une église baptiste locale très patriarcale.


Enfin, comme le montra Tanya Luhrmann dans How God becomes real ou Charles Suaud dans le magistral L'imposition de la vocation sacerdotale, Gregory illustre ici le fait selon lequel la foi manifestée est le résultat d'un apprentissage, comment on apprend à entendre Dieu, ou comment on parvient à s'imaginer appelé par Lui vers la cléricature. Il illustre aussi le rôle et le pouvoir de la hiérarchie qui contrôle l'exégèse, et montre comment celui qui détient les textes et rédige leur interprétation légitime est celui qui, de fait, détient le pouvoir, même contre le prophète si leurs intérêts divergent – je ne citerais pas ici le Lazare attend de James Morrow, car ce livre est une comédie ce que n'est pas "Revelator", mais je devrais.


Et Gregory s’acquitte de ces différentes tâches dans un texte très dynamique, plein de secrets et de rebondissements. Concrètement, "Revelator", non content de décrire avec force détails des personnages (la forte et indépendante Stella en tête) dont on trouve un bon nombre attachants dans leur faillibilité même, passe son temps à faire tourner son lecteur en bourrique, lui démontrant toutes les quelques dizaines de pages qu'il n'avait pas compris la réalité de la situation, qu'il y avait une autre peau à l'oignon, que la vérité était encore une fois ailleurs, encore plus étrange que l'idée qu'il s'en était faite.

C'est de la belle ouvrage. Espérons que cela sera bientôt traduit dans la langue des Gentils ;)


Revelator, Daryl Gregory

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