Espèce invasive - Christophe Esnault

Sortie chez Milagro Editions d’un petit opuscule qui, comme on dit, ne donne pas envie de danser, Espèce invasive , du poète Christophe Esnault. Quoique… Où mieux danser que sur le volcan ? Une espèce invasive, si on en croit la définition que donne le Muséum d’histoire naturelle est « une espèce vivante dont la prolifération provoque des dégâts dans le milieu dans lequel elles s’installent » . Le Ministère de la transition écologique etc. est plus explicite, précisant que « ces espèces représentent une menace pour les espèces locales, car elles accaparent une part trop importante des ressources (espace, lumière, ressources alimentaires, habitat…) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Elles peuvent aussi être prédatrices directes des espèces locales. » et « sont aujourd’hui considérées comme l’une des principales menaces pour la biodiversité. Elles constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à près de la moitié des extinctions connue

Hench - Natalie Zina Walschots


Parfois je me demande s'il est bien nécessaire de chroniquer un texte VO qui ne m'a guère satisfait. Combien de lecteurs la chronique concernera-t-elle ? Je le fais pourtant souvent, et je suis souvent dubitatif sur l'intérêt de la chose. Donc, épisode n+1. Je vais, au moins, n'être pas trop long.

"Hench", de Natalie Zina Walschots, est un roman de super-héros. Seanan McGuire l'adore. Et on en dit que c'est The Boys meets My Year of Rest and Relaxation. Je n'aurais pas dû me fier au premier et me méfier du deuxième.

Anna est une analyste de données qui travaille en intérim pour des super-vilains. Car oui, dans le monde de "Hench", il y a des agences d'intérim qui fournissent aux super-vilains le personnel dont ils ont besoin, techniciens ou gros bras. Elle a du mal à joindre les deux bouts car les boulots sont rares et mal payés ; elle prend ce qu'elle trouve sans être trop regardante car il faut bien payer le loyer.
Et voilà qu'un jour, alors qu'elle travaille pour un vilain de seconde zone en pleine demande de rançon sur le fils du maire, elle est heurtée violemment par Supercollider, le super-héros le plus puissant du monde, un genre de mix entre Superman et Homelander. Blessure grave à la jambe, mois de rééducation, perte de son revenu – au début j'ai cru que Walschots était la Catherine Dufour du Bal des absents sous pseudo ;)

Anna réalise alors que les super-héros, qui dans ce monde sont repérés et entraînés par le Draft – une agence qu'on suppose gouvernementale –, sont une plaie pour l'humanité car leurs interventions coûtent de très nombreuses années de vie en bonne santé ou de vie tout court à nombre d'humains innocents. Elle calcule ce coût pas si caché que ça, et le compile sur un blog : The Injury Report.

Alors elle décide de se venger, avec l'aide de son nouvel employeur, Leviathan, sans doute le plus puissant super-vilain du monde. Le moyen, utiliser les ressources colossales de Leviathan pour trouver sur les réseaux sociaux et les bases de données le plus d'informations possibles sur les super-héros, dans le but de leur « pourrir la vie » afin de les déstabiliser et de les rendre plus vulnérables. L'objectif ultime de Leviathan étant Supercollider avec qui il a, apparemment, un lourd passif.
Pourquoi pas ? Sauf que passé l'amusement du début, c'est globalement décevant.

  • La suspension d'incrédulité nécessaire est quand même énorme. Une agence d'intérim recrute des associés de super-vilains, les super-héros neutralisent les super-vilains mais laissent globalement tranquilles leurs employés, etc. Il faut un (gros) effort pour y croire – il y a certes aussi dans The Boys une organisation qui ressemble au Draft de "Hench", mais elle ne concerne que les super-héros, pas les vilains qui y sont traqués par la police.
  • Déstabiliser les super-héros en leur pourrissant la vie (retards, accidents mineurs, vol décalés, etc...), c'est quand même très puéril, très shitstorm, peu crédible, et, finalement, peu intéressant à lire.
  • Les personnages, même Anna, manquent un peu trop de construction pour captiver. Ils accumulent, en revanche, des clichés de camaraderie ou d’opposition typiques des sitcoms.
  • Il y a quelques éléments de romance un peu nunuche, mais No Sex. Il y a aussi toutes les nuances colorées de la sexualité contemporaine mais No Sex. Woke mais prude ; le contraire du pape sur Instagram. Aussi convenu dans l'intention que raté dans la réalisation.
  • On conclut par une opération de libération de Leviathan d'une sorte de prison secrète si peu crédible qu'elle en est ridicule au sens strict du terme.

Finalement, Hench, son malaise existentiel, sa rage revendicative contre un monde décidément trop injuste, et son cadre largement professionnel, moins qu'un The Boys littéraire est un gloubi-boulga sitcom/super entre Friends, The Office, et Bridget Jones.
C'est surtout un roman typiquement millenial, qui raconte la vie d'une millenial, idéal-typique au point d'être presque générique, avec son angoisse existentielle de millenial, ses angoisses identitaires de millenial, ses angoisses sexuelles de millenial, ses angoisses professionnelles de millenial, ses tropes de millenial entre réseaux sociaux, réputation, et faible appétence sexuelle.
Si ça avait très bien écrit, ça aurait été intéressant – tout l'est quand c'est bien écrit – mais là c'est juste standard, alors non. Ca ne vaut pas la peine d'y consacrer temps et argent.

Hench, Natalie Zina Walschots

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