La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Unconquerable Sun - Kate Elliott


 "Unconquerable Sun" est le premier roman SF adulte de Kate Elliott. C'est un space opera sous amphets qui oblige le lecteur à tourner les pages frénétiquement jusqu'au bout de la nuit.

République de Chaonia.
Sun est le fille héritière de la Reine-Maréchale Eirene. Elle rentre victorieuse de la première bataille dont sa mère lui a confié les rênes, bataille qui offre à Chaonia la reconquête du système de Na Iri et de ses précieuses balises ainsi que la mise en déroute des vaisseaux de l'empire Phène, obligés d'abandonner la place pour aller panser leurs blessures à l'arrière. Un triomphe et une gloire pour une jeune femme qui sut faire preuve de grandes qualités tactiques durant l'affrontement.

Une gloire qui ne se transparaît guère dans le remerciement très formel que lui adresse sa mère et souveraine. Qu'importe, le peuple se réjouit, le mouvement stratégique est d'importance pour la République, et la valeur de Sun a été prouvée, tant à Eirene qu'aux nombreux sceptiques de l’entourage royal. Car si Sun est l'héritière désignée, elle a de nombreux ennemis à la cour, en grande partie car son père est un prince Gatoi, membre d'un peuple de nomades combattants, supplétifs habituels des Phènes et considérés par une partie des Chaoniens comme guère plus que des bêtes sauvages sous forme humaine. Un mariage diplomatique qui engendra une héritière présomptive sang-mêlé.
De mariage, Eirene n'en a pas fait qu'un, les nécessités de la diplomatie et de la politique interne l'amenant à convoler quand nécessaire. Elle a comme autres consorts un baron Yele et une noble chaonienne. D'autres pourraient suivre. D'autres pourraient donner à Eirene des enfants qui pourraient prétendre à la succession. La victoire de Sun est donc politiquement aussi importante pour elle qu'elle ne l'est stratégiquement pour la République.

Alors que Sun pense maintenant obtenir de nouveaux commandements militaires, l'après victoire est précisément le moment que choisit Eirene pour l'envoyer accomplir une tournée logistique inter-systèmes qui durera des mois. Contrainte d'obéir, elle entame, sous le regard toujours braqué des micro-drones de Channel Idol – l'omniprésente chaîne multimédia qui mélange allégrement info et téléréalité en scénarisant tout événement si minime soit-il –, une tournée des popotes qui lui semble inutile, et enrage de ne plus être au cœur de l'appareil politique. Seule consolation, ses Compagnons sont avec elle, sept féaux aux talents et personnalités variées qui l'assistent et forment son cercle le plus proche. Jusqu'à un accident mortel qui met fin au voyage.

De là – on est page 99 – le roman devient un roller coaster qui ne s'arrête que 426 pages plus loin.

Contexte :
L'humanité a fui il y a très longtemps un Empire Céleste devenu invivable (dont on peut imaginer qu'il se situait par chez nous) et vit depuis éparpillée sur plusieurs dizaines de systèmes plus ou moins lâchement reliés.
Ses composantes se sont progressivement divisées en entités politiques concurrentes. Des arrogants et brillants Yeles aux militaristes Phènes en passant par les Chaoniens ou les Gatois, la diaspora humaine est en guerre.
Elle n'est plus totalement OGM-free. Les Phènes, maîtres de la génétique, ont quatre bras, certains portent des exosquelettes vivants, les Gatoi sont modifiés neuralement pour être des sortes de super-soldats, certains Yeles sont des Voyants, et il y a des créatures plus étranges encore.
Elle voyage instantanément d'un système à l'autre à travers un réseau de balises qui rappelle, dans son usage si ce n'est sa nature, le Flux, dans l'Interdépendance de Scalzi. Balises dont le contrôle ouvre l'accès à ce qui se trouve derrière, comme les Thermopyles gardaient l'accès à la Grèce antique. Balises à la technologie oubliée, créées il y a bien longtemps par la Convergence d'Apsaras, et dont une partie du réseau s'est effondrée un jour laissant toute une zone de l'espace inatteignable si ce n'est à l'aide des vaisseaux knuu qui peuvent voyager d'un système à un système voisin en plusieurs mois de temps – stratégiquement intéressant, tactiquement nul. Il est donc vital de contrôler les systèmes contenant le plus de balises possibles. Comme souvent, la géographie conditionne l'Histoire. L'humanité déchirée se bat pour ces points, comme on se battait pour les puits dans Lawrence d'Arabie.

"Unconquerable Sun" est le premier tome d'une trilogie en cours d'écriture. C'est aussi une transposition dans un univers d'inspiration asiatique de l'épopée d'Alexandre le Grand – avec une femme dans le rôle d'Alexandre (j'en connais qui vont frétiller d'aise). Un souverain, un héritier, des mariages diplomatiques en nombre, un petit royaume entouré d'ennemis, des alliances changeantes, des barbares, sept Compagnons (comme l'original), des manœuvres politiques, et des batailles – il y a même une cité d'Argos et un système nomme Molossia. Comme pour Alexandre, c'est de conquête du pouvoir dont il est question ici, d'expansion territoriale, de guerre contre un puissant et riche empire voisin, de témérité, et de victoires acquises par l'audace et l'intelligence.

"Unconquerable Sun" est raconté sur deux (trois) fils. Sun, à la troisième personne. Persephone Lee, l'héritière en rupture d’une très puissante famille chaonienne qui devient l'un des Compagnons de Sun, à la première personne. Les principaux pour l'instant. S'y ajoutent le fil à la première personne d'une pilote de l'empire Phène qui semble avoir une biographie intéressante, et quelques bribes dans la tête d'un prisonnier Gatoi.

S'il fait penser à d'autres auteurs par certains aspects, Scalzi pour les balises, Yoon Ha Lee pour les sociétés militarisées, Aliette de Bodard entre autres pour la société spatiale d'inspiration asiatique, etc. "Unconquerable Sun" est intéressant par sa description d'une République très inégalitaire (avec aristocrates, citoyens, citoyens putatifs, et réfugiés, chacun avec leurs droits ou handicaps particuliers) et du processus par lequel la souveraine en devenir réalise progressivement la profondeur des inégalités, dans le cours de ses aventures et sous l’influence d'un Compagnon de Compagnon qui lui montre par l'exemple ce que signifie « n'être rien » dans une  république qui se veut pourtant inclusive. Gageons que des réformes importantes seront au programme de Sun si elle devient reine-maréchale un jour. Pour l'instant, le principal est de survivre et de résister aux complots des Phènes et de leurs alliés secrets ; first things first.
Et surtout, "Unconquerable Sun" est un vrai thriller spatial de guerre, toujours palpitant, animé par une foultitude de personnages, dans lequel la recherche de la vérité se fait sur des terrains de combat où la priorité est d'abord de voir le lendemain pour espérer continuer la quête. Les morts ne connaissent jamais le fin mot de l’histoire.

C'est donc un très bon roman de SF militaro-politique, un très bon space opera fast and furious. Une bien belle mise en place qui dévoile peu à peu son monde par les yeux de héros qui tentent d'y survivre et promet pour la suite de nouveaux et nombreux conflits ainsi que de bouleversantes révélations.
S'y on voulait émettre un minuscule bémol, on dirait que les batailles spatiales – en dépit de leur échelle immense – font in fine plus dogfight à la Star Wars que New Space Opera.

Unconquerable Sun, Kate Elliott

PS : A la fin, Elliott remercie pour leur aide, entre autres, Ken Liu, Tade Thompson, Aliette de Bodard. Il y a pire comme compagnie.

Commentaires

Celui ci est dans ma PAL et sera lu bientôt !

Ton avis ne fait que me confirmer qu'il faut que je le sorte :)

Ce n'est pas exactement le premier SF de l'autrice vu que sa série Jaran est aussi un space opera avec un vaste empire spatial (ce n'est pas du jeunesse non plus et il y a une romance dans le premier tome mais ce coté la disparaît plus ou moins dans les suivants).
Gromovar a dit…
Oui, sors-le.
Etrange, j'avais cru comprendre que ce qu'elle avait fait précédemment était Jeunesse ou au moins YA.