La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Providence - Max Barry


Terre. Futur.
Un premier contact catastrophique, quelque part dans la galaxie, entre un équipage humain et des créatures qui finiront par être nommés « salamandres » se solde par la mort des humains impliqués et le début d'une guerre au long cours entre l'humanité et les aliens agressifs.
Et après un prologue qui raconte à la deuxième personne le premier contact, c'est dans la guerre qu'est plongé le lecteur, plus précisément dans la tête (mais à la troisième personne à chaque fois) de chacun des quatre membres d'équipage du Providence 5, un vaisseau de guerre surpuissant piloté par une IA qui ne l'est pas moins, en route pour aller éliminer des salamandres. Un vaisseau qui, après des mois de patrouille et d'escarmouches presque « de routine », est envoyé dans la Zone Violette, hors de contact radio avec la Terre et au cœur, pense-t-on, du territoire d'implantation salamandre. Et là, les choses sérieuses commencent vraiment.

"Providence" est un roman SF de Max Barry, dont j'avais apprécié le Jennifer Government. One-shot de 350 pages environ, il raconte à la fois un premier contact, un conflit spatial armé dans une veine SF militariste, un épisode d'exploration et de survie pure, sans oublier d'éclairer les motivations des quatre membres d'équipage du Providence 5 ni de livrer une analyse du rôle des médias dans la guerre ou celui du complexe militaro-industriel.
On pouvait craindre que ça fasse beaucoup en seulement 350 pages. Et, de fait, c'est un peu l'impression que ça donne.

"Providence" débute donc par un premier contact revu en réalité virtuelle. On y voit un vaisseau scientifique humain suivre puis approcher d'une sorte de rocher spatial qui se comporte étrangement. On y devine des formes, des créatures sans doute (insectoïdes ? couvertes de résine ?), se détacher du rocher, approcher le vaisseau jusqu'à se poser dessus, puis pénétrer à l'intérieur par un passage volontairement ouvert par des humains qui souhaitent le contact. On y voit les créatures attaquer puis éliminer tout l'équipage à l'aide d'une sorte de crachat éjecté à travers la résine dont Barry nous dit que c'est une « balle quark-gluon », un micro trou noir.

Et là on se dit qu'on sera sûrement loin de la Hard-SF et, de fait, ce sera le cas. On comprend aussi que les vaisseaux « sautent » en FTL (sans jamais vraiment savoir comment), ou que vaisseau et Terre communique par des relais sur lesquels, là aussi, rien n'est dit. Bon. En 2020, ça sonne un peu étrange. Ca fait vieux.

La guerre est donc déclarée et l’humanité envoie des vaisseaux, classiques d'abord puis remplacés après une défaite cuisante par les tous nouveaux Providence dont la particularité – outre leur surarmement – est d'être contrôlés par l'IA la plus puissante jamais développée.

C'est à bord de Providence 5 qu'embarquent Anders, spécialiste armement, Gilly, spécialiste renseignement, Jackson, capitaine, et Talia, spécialiste vie. Ils partent pour quatre ans de patrouille.
Leurs deux premières années de service sont sans souci. Escarmouches fréquentes avec des ruches (les rochers spatiaux), élimination des salamandres guerrières qui en sortent pour attaquer le Providence, les aliens ne sont à la hauteur ni de l'armement du Providence ni des capacités tactiques de son IA. Et cette facilité même nous amène progressivement à comprendre que l'équipage n'est qu'une vitrine, qu'il constitue les visages du vaisseau. De fait, l'activité obligatoire principale des quatre « combattants » consiste à envoyer des clips vers leurs followers terriens en essayant d'y être à la fois proches et valeureux face au danger (un peu comme Thomas Pesquet, qui fut plus modèle qu'astronaute). D'autant que c'est l'IA qui gère les combats car elle seule a la rapidité nécessaire pour faire face aux hordes de centaines voire de milliers d'aliens qui déferlent à chaque rencontre.

Cette facilité, même si les salamandres semblent s'adapter et s'améliorer au fil des rencontres (et là, le moyen utilisé est plutôt futé), laisse donc aux astronautes du temps (trop) pour penser, s'interroger sur leurs motivations pour s'engager, comprendre leur rôle véritable dans cette mission. Au fil du roman, Barry met donc son lecteur dans la tête de ses personnages pour des flashbacks bio et des séances d'introspection ou de rage (suivant de qui il s'agit) car après deux ans dans l'espace commence à se poser la question de l’engagement même.

Puis (sans spoiler), l'équipage a l'occasion de découvrir l'origine de l'infestation salamandre, et peut-être de l'annihiler, au risque, pour la première fois, de sa propre survie (je n'en dis pas plus).

"Providence" n'est pas un roman désagréable à lire. Mais s'il n'indispose jamais vraiment, il gêne régulièrement.

On peut lui reprocher de beaucoup trop rappeler des passages de Starship Troopers (sans doute le plus évident) et d'Alien entre autres, voire de 2001, l'Odyssée de l'espace, on peut aussi le voir comme un hommage rendu à des classiques du genre.

On peut s'interroger avec Barry et ses personnages sur ce que les IA laissent aux humains, sur la black box des algorithmes et sur le contrôle que l'humanité perd, tant sur la décision que sur son processus même. Mais Barry ne se positionne jamais clairement sur le sujet et envoie des messages contradictoires sur la question. L'IA est-elle ou pas notre alliée ? A-t-elle seulement conscience de l'existence de l'équipage ? Le « Goodbye » de la fin ne suffit pas vraiment à trancher la question que Barry a ouverte.

On peut adhérer à ses réflexions sur la guerre défensive qui devient une guerre d’annihilation, sur la guerre sans fin, sur la complexe militaro-industriel, ou sur la publicité faite à la guerre par le biais d'un équipage casté pour générer la sympathie du public et ainsi l'inciter à soutenir l'effort de guerre. Mais comme Barry aborde trop de sujets en trop peu de pages, il survole un peu tout et ne laisse entendre rien de bien élaboré au-delà de quelques banalités sur les sujets que je viens de citer.

On peut trembler quand la question devient celle de la survie même, mais on n'a pas développé assez d'empathie pour des personnages qui manque de fond véritable au-delà des anecdotes censées expliquer leur cheminement pour être vraiment stressé.

On peut apprécier la tentative de contact entre Gilly et une salamandre mais trouver que la vitesse à laquelle les deux trouvent un système de communication est parfaitement absurde.

On peut s'étonner d'une apparente contradiction entre une partie du discours de Barry qui semble critiquer la guerre éternelle au bénéfice de l'industrie et l'approche Gène égoïste à la Dawkins qui semble prévaloir jusqu'à la fin du roman.

On peut regretter surtout que le background soit si étique et l'équipage si peu fourni en vraies personnalités. A quoi ressemble le Terre ? A quoi ressemble le vaisseau même ? Il y a ici une impression de trop peu.
De fait, tout a l'air un peu irréel car Barry n'as pas pu ou voulu se lancer dans un vrai world-building. Et en conséquence il est difficile d'adhérer, de s'immerger, dans une histoire qui ressemble au croisement entre un récit pulp de space-horror sans grand background et une série de pistes de réflexion. Il y manque de la description, il y manque de la chair, il y manque ce qu'on voyait dans Alien – qui n'était guère plus profond – et que Barry, lui, prend trop peu la peine de décrire.

S'il y a une chose bien réussie, c'est la gamification de la guerre, avec scores de hits, compétition à distance avec d’autres vaisseaux, récompenses prévisibles. Mais les énormes armes et leurs déplacements sur la coque même semble vouloir gamifier la guerre aussi pour le lecteur, or ce n'est pas lui qui est pris dans l'excitation des combats.

Alors, "Providence" fait partie de ces romans qu'on peut lire mais qui ne sont en rien indispensables car lui manque soit un style impeccable soit une thématique de réflexion innovante.

Providence, Max Barry

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