The End of the World as we Know it - Anthologie The Stand

Il y a des années j’ai lu et apprécié The Stand – même si j’ai un peu allégé ce très (trop) long roman. J’ai ensuite lu l’adaptation BD , ce qui prouve que mon appréciation n’était pas fake. Voilà que sort une anthologie coécrite par certains des bons auteurs du moment. Elle revisite l’univers de The Stand , y retourne, nous en dit plus sur des choses que King n’avait pas trouvé le temps de raconter, nous offre le plaisir coupable de retourner arpenter une terre ravagée. Edité par Christopher Golden et Brian Keene, doté d’une introduction de Stephen King, d’une préface de Christopher Golden et d’une postface de Brian Keene, The End of the World as we Know it rassemble des textes de Wayne Brady et Maurice Broaddus, Poppy Z. Brite, Somer Canon, C. Robert Cargill, Nat Cassidy, V. Castro, Richard Chizmar, S. A. Cosby, Tananarive Due et Steven Barnes, Meg Gardiner, Gabino Iglesias, Jonathan Janz, Alma Katsu, Caroline Kepnes, Michael Koryta, Sarah Langan, Joe R. Lansdale, Tim Lebbon, Josh...

Pensées et prières - Ken Liu in Bifrost 97


Dans le Bifrost 97, on trouvera un gros dossier Sabrina Calvo, un imposant cahier critique de nouveautés, les rubriques habituelles sur la science ou les revues, et, entre deux autres de Calvo et Gregory, une nouvelle d'autant plus glaçante qu'elle est parfaitement réaliste : "Pensées et prières" de Ken Liu.

"Pensées et prières" est une nouvelle d'anticipation qu'on peut situer à seulement très peu d'années de nous.

Futur proche donc. Hayley Fort est une étudiante américaine. Elle est le personnage central de la nouvelle mais elle ne vous parlera jamais. Car Hayley est morte, victime d'un mass shooting comme il y en a au moins un par jour aux USA.

C'est donc sa famille qui vous parlera d'elle.
Sa famille, et singulièrement sa mère, qui va mettre toute sa vie en ligne, reconstituée par un système d'IA qui extrait détails et fil directeur de la masse de données disponibles sur une personne.
Sa mère qui croit, grâce à ce procédé, rendre vie et visage à une fille assassinée, et ainsi humaniser la statistique, toucher le grand public, et peut-être, qui sait, faire changer la position dominante aux USA sur la possession d'armes.

Mais ni la mère d'Hayley, ni le reste de sa famille, ne pouvaient imaginer que la vie trop tôt oblitérée d'Hayley deviendrait sur Internet la proie des trolls en tout genre. Qu'on contesterait la mort d'Hayley, puis son existence même, qu'on remettrait en cause l'usage fait des fonds recueillis par la famille, qu'on ferait à partir des des images d'Hayley des mèmes qui la ridiculisent, ou, ultime outrage, qu'à l'aide de logiciels deepfake on lui ferait dire des horreurs ou, pire encore, qu'on mettrait son visage en scène dans des vidéos pornos.

A ce déchainement de haine et de boue, la mère d'Hayley, aidée par des logiciels de protection encore à inventer, tente de répondre (mais chaque réponse augmente la notoriété donc l'attrait pour les trolls) puis simplement de résister, jusqu'à l'épuisement, jusqu'au dégout, jusqu'à l'éclatement de sa famille, jusqu'à une seconde mort d'Hayley et une seconde désintégration de sa famille - les deux dues à Internet et aux trolls qui y rodent et y prospèrent.

C'est terrifiant, glaçant, car tout est vrai.

Les trolls agissent bien comme le montre Liu, les fakes ou deepfakes existent aussi (même s'ils sont moins accessibles que dans la nouvelle), mais surtout, le trolling que décrit Liu est subi irl par les parents des victimes des mass shooting.
Tout ce que décrit Liu moins les deepfakes - et que j'ai résumé au-dessus - est vécu hic et nunc par les vraies familles des vraies victimes de tuerie de masse.
Et les justifications puériles des trolls, drapés dans leur narcissisme pervers et convaincus tant d'être dans le vrai que de rendre une nécessaire street justice, ressemblent aussi beaucoup irl à celles que proposent Liu.

"So much data, so little information."
Liu, comme Douglas Coupland il y a plus de trente ans, pointe l'inutilité intrinsèque du déluge de données babillardes dans lequel vit l'individu contemporain.
Mais Liu a le recul que Coupland n'avait pas, il peut alors dénoncer, en plus, l’écosystème nocif des forums et des réseaux où effet de nombre (de meute) et anonymat de facto permettent à chacun d'exprimer ses instincts les plus vils sans aucun risque.
Où la société se désintègre donc sous l'effet d'un mélange toxique de bulle informationnelle, de polarisation, d'immédiateté, et de disparition de toute civilité.

Pensées et prières, Ken Liu

Commentaires

f6k a dit…
Ça donne envie de la lire, merci ! En plus tu participes à ma culture latine ; j’ai du chercher ce que signifiait « hic et nunc » :D
Gromovar a dit…
Si tu le lis, l'objectif est atteint, faire passer les bons textes.