Lovecraft et Sonia Greene - Horreur à Martin's Beach

Tu le sais ou pas, lecteur, mais Lovecraft, le reclus de Providence, fut marié et vécut un peu moins de deux ans avec Sonia Greene , écrivaine, éditrice, modiste et femme indépendante (ce qui à l'époque n'était pas la norme) . En 1922, Greene écrivit une nouvelle d'horreur que Lovecraft révisa pour publication dans Weird Tales en novembre 1923  (comme il le fit pour tant d'autres would-be auteurs) . Ce texte s'intitulait The Invisible Monster . A l'occasion de l'actuelle campagne de traduction de la correspondance entre RE Howard et Lovecraft, David Camus et Mnémos offrent en téléchargement une VF inédite de cette même nouvelle, titrée Horreur à Martin's Beach . On y retrouve en très peu de pages le sens de la description et le sentiment d'effroi cosmique qui caractérisent les oeuvres d'HPL, que ceux-ci aient été ici des ajouts de Lovecraft ou au contraire ce qui l'attira dans le texte de celle qu'il allait épouser. Surtout, confronté à ...

Ormeshadow - Priya Sharma


"Ormeshadow" est une belle novella de Priya Sharma qui reprend et développe les thématiques fortes de son recueil All the Fabulous Beasts.

Passé pré-industriel de l'Angleterre. Gideon Belman est un paisible petit garçon de sept ans. En compagnie de ses parents, John et Clare, il s'installe dans la ferme familiale des Belman. Une ferme qu'il ne connaît pas, une ferme que son père avait quittée pour étudier à l'université puis s'installer dans la ville de Bath que la petite famille quitte aujourd'hui comme en fuite.
A Ormesleep Farm, dans la vallée d'Ormeshadow, John retrouve son frère Thomas, qui était resté sur l'élevage de moutons familial, sa belle-sœur Maud, et ses neveux et nièces Samuel, Peter, et Charity. Commence alors, pour Gideon le déraciné et ses parents, une vie nouvelle, loin de la ville et de son confort, dans une ruralité rude, fruste, et souvent cruelle.
Pour résister à l'exil, Gideon peut compter sur l'amour constant de son père ainsi que sur sa foi en la légende du dragon – Orme – qui dormirait sous la colline et cacherait en son sein un trésor de roi. Sera-ce suffisant ?

"Ormeshadow" est un beau roman d'apprentissage mâtiné de fantasy. Dans le huis-clos oppressant de la ferme familiale, Gideon apprendra à la dure ce qu'est la famille traditionnelle rurale.
Y prospèrent les névroses familiales que pointaient Mustapha Menier dans Brave New World ainsi que les mécanismes de domination qu'Engels avaient identifiés dans  la famille patriarcale monogame centrée autour de la propriété des terres. Aucun de ces traits ne sera épargné à Gideon ; s'y ajouteront l'anti-intellectualisme de la population locale, la pression constante d'une communauté fermée, la violence pas toujours contenue d'une ruralité pas encore entrée dans le processus de civilisation décrit par Norbert Elias.

Gideon, à qui on a généreusement attribué une chambre qui n'est qu'un cagibi, se trouve au milieu de relations méphitiques. Thomas est une brute, tout de violence contenue, qui méprise ouvertement  Maud et témoigne plus d'affection à sa chienne qu'à quiconque dans la maisonnée. Samuel et Peter sont odieux et méprisants. John et Clare ne s'aiment plus guère. De vieux contentieux opposent Thomas et John. L'argent et le travail sont plus sources de tension que d'apaisement.
Les années passent. Les événements, certains tragiques, adviennent. Gideon grandit comme une plante malingre dépourvue de nourriture spirituelle, vers un âge adulte dont nul ne sait encore ce que son entourage le laissera être.

Très joliment écrit, finement descriptif, "Ormeshadow" est un texte aussi dur que poignant. Mêlant Shepard à Hardy, Pryia Sharma livre ici une nouvelle itération de la tragédie familiale, exacerbée par l'impossibilité de fuir vers un ailleurs dont le souvenir même finit par s'estomper.
C'est un texte subtil, tout de tension contenue et de rage libérée, qui a la délicatesse de ne pas proposer d'explication définitive sur la véracité du mythe. A lire (et à traduire).

Ormeshadow, Priya Sharma

Commentaires

Baroona a dit…
Dis-moi qu'on n'a pas seulement envie de se tirer une balle à la fin et je prends tout de suite la route de Saint Mammès pour obliger qui de droit.
Gromovar a dit…
Non, à la fin on n'a pas envie de se tirer une balle, promis (et c'est même un petit poil trop rapide si je devais émettre une légère critique).