Mr Gaunt and other uneasy encounters - John Langan

Mr Gaunt and other uneasy encounters est le premier recueil de nouvelles de John Langan, publié en 2008 et nominé Bram Stoker Award la même année. Elizabeth Hand l’écrit dans sa préface au recueil, John Langan écrit une sorte d’horreur psychologique qui doit beaucoup à M.R. James  ; ajoutons qu’elle doit aussi à Lovecraft, au moins par quelques références explicites. L’horreur de Langan rend hommage à une forme classique dans laquelle une tombe ou un objet très anciens sont au fondement de l’angoisse et du malheur qui suivra ( des exercices dira-t-on) . Il trouve aussi un ton plus moderne dans au moins deux des textes qui composent le recueil. Quelques mots sur son contenu : On Skua Island et Mr Gaunt sont des club stories. Vite très prévisible, On Skua Island raconte une expédition « archéologique » sur une île perdue. S’y trouvent une tombe et une « momie » viking porteuse d’une très ancienne malédiction. Morts prématurées, disparitions progressives des membres de l’équipe de pro

Riding the Crocodile - Greg Egan


Michronique (parce que j'ai encore une itw à retranscrire et qu'en plus j'ai la crève) :

"Riding the Crocodile" est une nouvelle de Greg Egan (lisible gratuitement). Elle se situe dans l'Amalgame, l'univers de son grand roman Incandescence ; Feyd Rautha l'explique fort bien.

En deux mots, l'Amalgame est une fédération de mondes très loin dans notre futur. Des millions de monde sont peu ou prou habités par des milliers d'espèces intelligentes qui vivent en bonne intelligence. Il faut dire que la compétition pour les ressources est chose du passé, l'Amalgame est, comme la Culture de Banks, une société post-scarcity. Tout est accessible à tous et imprimable par tous, pour peu qu'on n'exagère pas sur la quantité d’énergie qui sera nécessaire pour ce faire (et même en cas d'exagération, des consensus locaux peuvent décider d'accorder l'énergie demandée si l'usage qui en sera fait est considéré comme valide par la communauté concernée).

La vitesse de la lumière étant une limite incontournable, les voyages dans l'Amalgame prennent des temps énormes, rendus partiellement supportables par le fait que, dans cet univers transhumaniste, l'immortalité est chose banale. Le plus efficace pour voyager est néanmoins de transmettre sa conscience numérisée (à la vitesse de la lumière donc, ce qui est plus rapide mais encore bien long) jusqu'à un récepteur qui peut, si on souhaite ne pas rester virtuel à l'arrivée, l’implanter dans un nouveau corps (cf. Carbone modifié). Et si on veut aller sur un monde inhabité ou dans l’espace profond, il suffit d’y envoyer préalablement des machines qui fabriqueront récepteur et lieu de vie virtuel ou réel afin que tout soit prêt quand le faisceau de données arrivera ; c'est un peu plus long mais ça fonctionne aussi. Dans l'Amalgame, Sky is the limit est devenu une expression obsolète.

La seule ressource un peu rare dans l'Amalgame est donc le temps, et même lui ne l'est guère. Mais on a beau avoir l'éternité devant soi, il faut parvenir à la remplir ; c'est un problème que connaissent bien tous les vampires, Anne Rice l'a montré à merveille. Pour Egan, c'est l'amour, l'exploration de soi ou du monde, la réalisation de projets concrets qui peut remplir l'éternité. Mais il arrive un moment néanmoins où beaucoup commence à devenir trop, où chaque nouveauté rencontrée ressemble à peu de choses près au souvenir qu'on a d'une chose ancienne.

« Durant leur dix mille trois cent neuvième année de mariage, Leila et Jasim commencèrent à envisager de mourir », cet incipit vaut bien celui du Vieil homme et la guerre de Scalzi.
Mais avant de mourir, Leila et Jasmin se donnent une dernière envie à satisfaire. Aller voir de plus près ce qui se passe dans le mystérieux Bulge, le centre de la galaxie avec lequel il n'a jamais été possible d'établir le moindre contact. Est-il habité ou pas ? L'a-t-il été ? Y a-t-il quoi que ce soit de neuf à découvrir sur place (autrement dit en bordure, car on ne peut pénétrer à l'intérieur) ?
C'est la tâche que s'assignent Leila et Jasmin, le dernier geste qu'ils feront avant de mourir. Ils ignorent encore qu'ils vont initier un mouvement d'intérêt galactique pour ce Bulge auquel plus personne n'accordait d'attention, et qu'ils consacreront un temps particulièrement long à ce chant du cygne – bien plus long que la durée totale de leur mariage au moment où ils décidèrent de tenter l'aventure avant de mourir enfin.

"Riding the Crocodile" est un bon exemple du meilleur que peut produire Greg Egan. Grande rigueur scientifique, champ de jeu colossal tant dans l'espace que dans le temps, et ici – comme plus souvent qu'on ne le croit – une vraie émotion, soutenue par des personnages au destin tellement singulier par rapport à ce que sont nos limitations.
"Riding the Crocodile" est un texte sur l'ennui qui guette la longue vie, un texte sur l'amour qui résiste au temps et se consolide dans l'action commune, un texte sur la manière de remplir sa vie de sens et pas seulement de durée, un texte sur la volonté d'aller toujours plus loin, d'aller voir derrière la porte ce qui s'y cache et qu'on ne connaît pas. On pourrait profiter de la vie et ne pas chercher à savoir, on pourrait se désintéresser du mystère, mais ce serait moins excitant, la dernière femme de Barbe-Bleue me comprend.
"Riding the Crocodile" est finalement, peut-être, un texte existentialiste. C'est en tout cas un bien beau texte à lire.

Riding the Crocodile, Greg Egan

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