Les Bonbons d'Halloween - Michael McDowell

Fidèle à sa politique de vulgarisation de l'œuvre de Michael 'Blackwater' McDowell, Monsieur Toussaint Louverture propose encore une nouvelle gratuite à télécharger jusqu'au 6 mai 2024. Alors, presse-toi lecteur ! Les Bonbons d'Halloween est un texte basé sur le scénario de l'épisode 28 de la série Tales from the Darkside , diffusé pour la première fois en 1985. On y lit un récit qui a le caractère self-contained de ces petits épisodes fantastiques qu'on aime regarder à la télévision, un récit qui se conclut sur une chute assez imprévue pour être excitante. Les Bonbons d'Halloween , c'est l'histoire d'un très désagréable Scrooge américain qui n'aime rien ni personne et prend un malin plaisir à ne pas satisfaire les enfants d'Halloween qui viennent frapper à sa porte pour obtenir des bonbons. Mais tout à son atrabile, Killup, le sale bonhomme au centre du récit, a oublié que les enfants d'Halloween n'expriment pas une simpl

Dichronauts - Greg Egan - Retour de Bifrost 88


Dans l'univers de "Dichronauts", contrairement au nôtre, il n'y a pas trois dimensions de l'espace et une du temps mais deux de l'espace et deux du temps. Le monde qu'y installe Egan est, du fait des spécificités de la gravité locale, un hyperboloïde infini. La partie centrale et resserrée de l'hyperboloïde en forme la zone habitable, autour de laquelle orbite le soleil. Une zone habitable qui peut paraître étroite mais qui s'explique, de nouveau, par les particularités d'un univers dont les caractéristiques physiques impliquent l'existence de deux cônes obscurs pour la lumière. De ce fait, le soleil n'éclaire que la partie qui lui fait directement face ; au « nord » ou au « sud » sa lumière disparaît, et le lieu géométrique limite de la disparition (sur Terre on dirait le terminateur) forme une bande de radiation solaire extrême nommée Eté absolu où toute vie est impossible en raison de la distance soleil/hyperboloïde qui y est minimale. Impossible donc de passer de la zone éclairée à la zone obscure, l'Eté absolu est une barrière infranchissable car mortelle.

Qu'importe, dira-t-on, il suffit de vivre dans la zone habitable et d'envoyer paître la géométrie. Hélas, ce n'est pas si simple, car l'hyperboloïde subit une rotation lente qui déplace le cône de lumière solaire – et donc la zone habitable – vers le sud. Les habitants de ce monde migrent donc, de générations en générations, emportant avec eux leurs villes, toujours plus loin vers le sud, pour fuir l'Eté absolu qui approche et échapper à l'anéantissement en restant dans la zone habitable. Jusque là, on pourrait se croire un peu dans Le monde inverti de Priest. Mais Egan pousse le bouchon plus (et sans doute trop) loin.

Sur son monde vivent des Walkers qui naissent orientés Est ou Ouest. Un Est, comme l'est Seth – le premier personnage du roman – peut voir et avancer vers l'est, il peut voir vers l'ouest en retournant sa tête et y aller à reculons, mais il ne peut voir ni le sud ni le nord, et ne peut jamais se tourner dans ces directions sous peine de s'allonger indéfiniment en raison de la géométrie particulière de l'univers – c'est vrai aussi pour tout autre objet matériel, la direction et le sens des gens et des choses sont des donnés non négociables sous peine de destruction. Pour aller vers le nord ou le sud, Seth et les autres Walkers progressent donc en crabe, et ils se fient pour cela à la « vision » sonar de leur Sider. En effet, chaque Walker abrite dans son crâne un Sider, parasite hématophage sentient – celui de Seth se nomme Théo et, des deux commensaux, il est le plus pertinent – avec lequel il entretient une relation faite de visions échangées (au sens propre) et de communication interne. Un Sider, néanmoins, n'est pas que l'autre partie du couple qu'il forme avec son Walker, les Siders font partie intégrante du monde et ils sont des personnages à part entière du roman.

Seth et Théo viennent d'embrasser la profession d'arpenteur. Leur première mission, au sein d'une équipe plus expérimentée, les conduit loin vers le sud, à la recherche d'une rivière près de laquelle déplacer leur ville d'origine. Vers le sud car l'Eté absolu Nord est chaque jour plus proche, et près d'une rivière car sinon aucune agriculture ne sera possible. Mais voilà que l'équipe tombe sur un immense gouffre qui barre l'axe O/E. Est-ce le bout du monde ? La migration – et donc la vie – s'arrêtera-t-elle au bord de l'abîme ? Ou y a-t-il une solution à découvrir en plongeant dans l'inconnu ?

Avec "Dichronauts", son tout dernier roman hard-SF, Egan poursuit l'exploration – entamée avec la trilogie Orthogonal – des univers à physique différente. Mais, si Orthogonal était étrange (physique riemanienne), la trilogie portait une vraie histoire, avec de vrais développements. Et même si la physique y était parfois complexe, le lecteur comprenait toujours en quoi elle posait problème aux héros ou au contraire leur offrait une solution. Enfin, les personnages d'Orthogonal étaient très développés, incroyables et attachants à la fois.

Rien de tout cela dans "Dichronauts". Hélas ! Les bonnes idées foisonnent pourtant. Géométrie si particulière du monde, enjeu vital, relations parfois tendues entre Walkers et Siders, cité étonnante (pas celle de Seth) où les Walkers font de leurs Siders des esclaves volontairement abrutis, monde sous le monde, mécanismes d'évolution, difficultés de communication, etc. Mais le soubassement physique, souvent trop ardu, éloigne le lecteur du récit, et les points politiques ou sociaux d'une telle société ne sont qu'effleurés. Ainsi, une grosse partie du roman (la descente dans le gouffre) qui pourrait être terrifiante, tourne essentiellement autour de questions de gravité, de positionnement des pieds et des membres, afin d'éviter autant la rotation axiale N/S que la chute vers le haut que risque tout corps positionné sur une rampe d'angle inférieur à 45 degrés. Le tout devient rapidement aussi peu visuel que très ennuyeux.
Puis, une fois en bas, alors que la gravité a changé, il faut régulièrement se demander dans quelle position se trouvent les personnages ; là aussi ça constitue une partie des questions problématiques de l'histoire.

Et alors qu’Egan avait réussi à faire des personnages de ses héros d'Orthogonal, il échoue assez largement ici. Trop peu de background, trop peu de biographie ou de désir propre, Seth et Théo sont un couple de buddies aussi conventionnels que presque transparents, les personnages annexes intéressants – dont la sœur de Seth – n'ont que trop peu à dire, et les autres membres de l'expédition n'ont chacun qu'un court temps de parole ce qui empêche de les développer de manière utile (Note : l'expédition ne compte pas cinq personnages mais cinq couples Walker/Sider soit dix locuteurs potentiels).

Dans le dernier tiers du roman, un personnage inattendu ranime un peu l'intérêt, mais c'est encore trop peu, trop tard, ou trop facile. Il y aurait vraiment eu à faire avec les couples de nécessité que forment les Walkers et leurs Siders mais cette relation précisément n'est jamais poussée jusqu'au bout de son étrangeté ; dans l'immense majorité des cas, le Sider est un pote dans la tête – point.

Avec "Dichronauts", Egan a peut-être écrit le roman hard-physique de trop, ou alors il y aurait fallu de nouveau une trilogie afin d'approfondir tous les points que le récit ne fait qu'effleurer, et de diluer dans le même mouvement ces pages illisibles dans lesquelles le souci principal de Seth est de bien orienter son axe par rapport à la gravité ou au terrain.

Dichronauts, Greg Egan

Commentaires

Anonyme a dit…
Tiberix : Ce type de prémisse me fait toujours l’impression d’avoir eu une explication de la blockchain et de ne toujours pas avoir compris in fine. Il y a toujours un moment ou l’éIégance et technique vient se mettre crassement en travers du plaisir littéraire. Ce n’est pas le cas ici ?
Gromovar a dit…
C'est clairement le cas ici.