Watership Down - Adams - Sturm - Sutphin

En 1972 sortait Watership Down , le premier roman de Richard Adams. 50 millions de lecteurs plus tard, une adaptation BD du roman est réalisée par James Sturm, avec Joe Sutphin aux pinceaux. Nanti du Eisner Award 2024 de la meilleure adaptation, Watership Down est maintenant traduit et publié en France par nul autre que l'inimitable Monsieur Toussaint Louverture. Dans un ouvrage de la qualité habituelle de l'éditeur girondin, le lecteur retrouvera le récit qui a charmé tant de lecteurs depuis 50 ans. Pour en dire quelques mots, il s'agit de l'histoire d'un groupe de lapins partis à la recherche d'une vie meilleure dans une société qu'ils devront d'abord créer eux-mêmes. Des lapins qui quittent la garenne paisible mais inégalitaire à laquelle ils appartiennent pour chercher un nouveau havre, loin d'une menace humaine imminente à laquelle leurs congénères ne veulent pas croire. C'est l'histoire de Hazel, qui deviendra le héros et le leader des...

The Discrete Charm of the Turing Machine - Greg Egan

© R. Kikuo Johnson pour The New-Yorker

Futur proche. Dan vend des rachats de crédit à des ménages surendettés. Il fait ce métier depuis des années, et il le fait très bien. Et pourtant, voilà qu'un jour il est licencié, éjecté, viré, comme un malpropre, sans préavis ni considération.
Si Dan ne se retrouve pas tout de suite à la rue, c'est grâce au salaire de Janice, sa femme, qui accumule les heures supplémentaires à l'hôpital où elle travaille. Pour quelques temps encore, le couple pourra continuer de rembourser le crédit de la maison et de payer l'école de leur fille, Carlie. Mais pour combien de temps ? La question est d’importance car si Dan se définit comme « entre deux jobs », il connaît un autre parent d'élève, Graham, qui lui aussi est « entre deux jobs », depuis deux ans maintenant.

Avec "The Discrete Charm of the Turing Machine", Greg Egan adresse la question, politiquement épineuse, de l'attrition de la classe moyenne. Impressionnant aux USA, le phénomène touche à des degrés divers toutes les économies développées (et, bien sûr, il a fait débat en France) ; il est rendu visible par le double diamant de Perucci (ci-dessous).


Baisse du revenu réel, hausse du taux de chômage, limitation des opportunités de mobilité sociale ascendante, perte des parachutes sociaux, le déclassement (réel ou fantasmé) se manifeste dans de nombreuses variables depuis les années 70 et, partout, il fait le lit des populismes.

Après la prospérité et l'ascenseur social (souvent surévalué) des Trente Glorieuses, la mondialisation, le ralentissement économique occidental, et un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux actionnaires (les trois étant très liés) avaient mis un terme à ce qu'on pouvait considérer comme une répartition « équitable » des fruits de la croissance. Dans un premier temps, les effets délétères du phénomène furent circonscris à la classe populaire. De ce fait, la classe moyenne, fille et gagnante des Trente Glorieuses, pensa longtemps qu'elle ne serait pas affectée. Elle était diplômée – elle avait joué elle-même le jeu de l'école avant d'investir massivement dans la scolarité de ses enfants – ; elle était convaincue que ses compétences, complexes, la destinait à des tâches intellectuelles, non répétitives voire créatives, des tâches impossibles à automatiser, à contrario de celles des ouvriers ou employés. Même si le seuil de vulnérabilité aux changements techniques s'élevait sans cesse, ingénieurs, libéraux, managers se pensaient à l'abri. C'était sans compter avec la numérisation et l'algorithmique.

Tout ceci est en cours et à peu près connu. Dans "The Discrete Charm of the Turing Machine", Egan part d'ici et se projette – très peu – dans l'avenir. Pour augmenter toujours plus la rentabilité du capital, des logiciels de skill-cloning y observent les salariés afin d'apprendre à les remplacer, ce qu'ils finissent toujours par faire entraînant par là-même un basculement rapide dans un monde où presque tout travail est superflu. Problème : un système de production de masse a besoin, en regard, d'une consommation de masse, sinon la descente aux enfers que connaissent Dan et ses innombrables semblables finirait par nuire au capitalisme lui-même. C'est alors que le système trouve une solution innovante pour surmonter ses contradictions, une solution aussi viable qu'absurde que Dan finit par découvrir et que le lecteur trouvera dans les pages de la nouvelle.
Pour Dan, d'abord ébranlé, il est alors temps de se mettre en état de survivre au nouvel ordre du monde.

The Discrete Charm of the Turing Machine, Greg Egan

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