Rich Larson - The Sky Didn’t Load Today and Other Glitches

Quelques mots sur The Sky Didn’t Load Today and Other Glitches , le tout récent recueil de micro-nouvelles de Rich ‘ Fabrique des lendemains ’ Larson . 30 textes, chacun lisible en une à six minutes, grand maximum  (une ou deux déjà traduites en français dans le recueil susnommé) . Du court, du court, du court, du bon, du bon, du bon. De la SF, du post-apo (voire très post-apo) , du cyber, du body-horror/weird, du genemod. Je ne peux pas raconter, même un peu car, les nouvelles étant courtes et parfois à chute, ça spoilerait trop. Qu’on sache juste que c’est globalement très bon, que lorsque ça l’est moins c’est court, et que, même si le background n’est pas toujours cyber, ça forme, par la noirceur et l’inventivité technologique de l’ensemble, ce qui se rapproche le plus aujourd’hui d’un très bon recueil cyberpunk/SF. Pour donner un peu envie (si ce qui précède ne te suffit pas, ingrat de lecteur) , je liste ci-dessous, en vrac, quelques-uns des tropes que tu croiseras dans les pages

Outpost - Michael et Kathleen Gear - Don't trespass


"Outpost" est un roman écrit à quatre mains par le couple Gear, Michael et Kathleen. Hélas, dans ce cas précis, quatre mains c'était au moins deux de trop.

Futur proche. Le système solaire (qu'on ne voit jamais) est gouverné par la Corporation, une sorte de monopole global tant économique que politique qui associe l'emploi et le logement pour tous à une grande privation de liberté – sauf pour les privilégiés de la nomenklatura du Board.

Une technologie sur laquelle personne ne comprend rien – ni le lecteur ni les ingénieurs qui l’implémentent – permet « d'inverser la symétrie » et de voyager entre systèmes stellaires en entrant temporairement dans un « univers parallèle », à l'aide entre autres de « moteurs nucléaires ». Forte de cette technologie, la Corporation a installé des colonies sur divers mondes lointains, dont Donovan (du nom du premier colon qui y est mort). Mais la technologie n'est pas parfaitement fiable, et il semble qu'elle le soit de moins en moins car cela fait six ans maintenant que plus aucun vaisseau de relève n'a atteint Donovan.

Les colons de Donovan, tous liés contractuellement à la Corporation qui est propriétaire de la planète et de tout ce qu'elle contient, ont donc dû se débrouiller seuls. Sur un monde très hostile qui prélève un tribu important de vies humaines, il a fallu recourir au système D pour pallier aux pénuries. Quand à la gouvernance du lieu, sentiment d'abandon et mort du Superviseur local ont permis l'émergence d'un « paradis » libertarien qui n'a guère à envier aux villes du Far West avant leur intégration à l'Union. Une partie de la population vit à Port Authority (sorte de ville frontière de western), l'autre s'est éparpillée dans les wildlands. La règle pour tous est « vivre et laisser vivre ». Aucun gouvernement, il n'y a que pour les nécessités vitales telles que la protection contre les terrifiants Quetzals qu'un trio de personnalités influentes (Talina, Shig, Yvette) prend les rênes temporairement. L'économie locale, coupée de sa base, oscille entre autosuffisance et troc.

Parlant de Quetzal, Talina en tue un de haute lutte au tout début du roman pour venger une petite fille dévorée. Et il semble que, juste avant de mourir, la bête vicieuse ait réussi à « infecter » la jeune femme avec son essence. Le fauve est en elle. Pourquoi, comment, et jusqu'à quand ? Mystère.

Juste après arrive le Turalon, le premier vaisseau terrien à avoir réussi le voyage de deux ans dans « dieu sait quoi » sans disparaître sur le trajet. Il est chargé de provisions de toutes sortes, de nouveaux contractuels, et surtout d'un nouveau Superviseur, l'ambitieuse Aguila, accompagnée de vingt marines surarmés commandés par la capitaine Taggart. Aguila pense trouver une colonie fonctionnelle où les règles corporatistes sont en vigueur, elle tombe sur un joyeux bordel qui a coupé tout lien moral avec son monde d'origine. Et voilà que peu après, le Freelander, que tous croyaient perdu, se matérialise dans l’espace de Donovan. On va enfin savoir ce qui lui est arrivé (en fait pas tant que ça). Une seule certitude, tout l'équipage est mort et le vaisseau a été le théâtre d'atrocités.

Comme si tout ça ne suffisait pas, le Turalon avait pour passager Dan Wirth, un vrai psychopathe qui compte faire de la planète sans Etat son terrain de domination, par le jeu, le meurtre, le proxénétisme.

Avec sa planète aux faune et flore mortelles, son monde sur lequel même l'eau, chargée de métaux lourds, est toxique, ses personnages sans trop de foi ni guère de loi, "Outpost" me donnait l'impression de regarder du côté du très bon Ecorcheur de Neal Asher. Erreur grave.

Quatre fils principaux – mêmes si les points de vue sont plus variés :

Talina/Donovan/le Quetzal : Que veut-il ? Pourra-t-elle s'en débarrasser ? Que reste-t-il à découvrir sur Donovan en général et les Quetzals en particulier ? La planète abrite-t-elle une forme d'intelligence ? Comment les wildlings arrivent-ils à survivre hors de Port Authority ?

Les nouveaux arrivants : Aguila peut-elle reprendre le contrôle de la colonie ? Que doit-elle faire du trio « dirigeant » ? Comment gérer les contradictions entre les colons qui veulent rentrer sur Terre et toucher leur bonus et les nouveaux transportés qui réalisent que rien ne se passera comme on le leur avait promis ? Comment réagira l'équipage du Turalon à la perspective de repartir vers la Terre avec le risque non négligeable de disparaître dans l'espace ?

Le Freelander : Que lui est-il arrivé ? Pourquoi a-t-on l’impression de voir des fantômes à son bord ? Ou de pouvoir y contempler une version future de soi-même ? Peut-on régler le problème des disparitions en vol ?

Dan Wirth : Pourra-t-il devenir l'homme riche et puissant qu'il veut être ? Sera-t-il arrêté à temps ? Ou, fidèle à sa philosophie libertarienne, la petite coterie dirigeante composera-t-elle avec lui ?

Et, honnêtement, ces fils ne sont pas inintéressants, d'autant que la mortelle Donovan peut être captivante. D'où vient le problème alors ?  Ecriture, construction, caractérisation.

Au début du roman, Talina est ainsi décrite : « Capella’s first rays caressed her face, warming her high cheeks and straight nose as they gave a golden cast to her bronzed skin. They illuminated her ancestral features of Spanish hidalgo mixed with classic Maya. Descended from sun gods and conquistadors, their spirit flashed in her sable eyes as she stalked the wild and rocky trails of another world. ». Ouch ! Et ça ne décollera jamais. Ca se répètera même régulièrement.

Les héros sont des archétypes caricaturaux de badass de western. Costauds, courageux, durs comme le roc ou philosophes comme de vieux singes. Talina bien sûr, mais aussi Trish sa protégée, Sigh (dans un rôle de sage qui confine parfois au magical negro), Yvette, sans oublier la barmaid, la mère maquerelle, le médecin, etc. Quand aux bad guys, ils sont vraiment « très méchants ». Tout d'un bloc. Enfin, d'autres s'effondrent inexplicablement, comme Aguila vers la fin du roman.

Les descriptions sont sexistes sans l'excuse d'être anciennes. On est très régulièrement conscient de l'effet que les seins ou les fesses des héroïnes du roman produisent sur la gent masculine. On note même à un moment que « Talina took a deep breath, and he tried not to notice how it emphasized her figure. ». Grotesque !

Et au milieu de ça, comme en contrepoint, les Gear placent une romance à l'eau de rose niveau Lagon bleu.
Extrait : « That’s who I was. Until Donovan. Until Talina Perez. His dreams filled with her high-cheekboned face, the otherworldly glint in her dark eyes. Her delicious lips bent in a smile for him, the flashing of her white teeth. Her hips swayed in that captivating way she walked. Capella’s sunlight highlighted blue tints in her raven-black hair. He could feel her in his arms, substantial, warm, and solid. All woman, that one. Daring and hard, she’d faced him toe-to-toe. Taken him into her own embrace. His soul warmed at the memory of her body against his as they made love, how she’d gasped and trembled at that magic moment. I love her. With all of my body and soul... »

ou encore « “Talina Perez, I’d cross a thousand galaxies just to sit here and share your company.” Every nerve in her body was singing. Do I want to do this? But she did. The old fire had been lit, the flame warming her core. She reached up, pulling his lips to hers as he curled her around onto his chest. ».
MUHAHAHAHAHAHA !

Les auteurs utilisent aussi régulièrement des expressions ou des références qui sont clairement trop datées pour pouvoir faire sens dans le monde décrit. Ils démarrent sur un quiproquo grotesque, et, au fil de l'eau, placent parfois d'étranges préoccupations dans la tête de leur personnages alors que le danger guette ou de surprenantes discussions politiques dans les mêmes moments de danger mortel. Sans oublier de les doter de réactions qui ne semblent pas toujours appropriées aux événements. Surprenant.

Tout ça fait qu'on n'arrive jamais à prendre le texte au sérieux en dépit de l'envie d'en savoir plus long sur ce qu'il se passe vraiment sur Donovan.

Et là, même sur le plan de l'intrigue pure, les auteurs en donnent trop peu, car à la fin de ce tome – qui sera le dernier pour moi – aucune réponse ou presque n'est donnée aux différentes questions posées.

Outpost, Michael et Kathleen Gear

Commentaires

Merci beaucoup pour ce commentaire
Me permettre d'éviter les romans moyens est une très bonne chose !