La Cité des marches - Robert Jackson Bennett

Bulikov, la capitale du Continent. Autrefois une ville grande et puissante, le centre du monde. Aujourd’hui une ville conquise, en partie détruite. Rome après Alaric. Kind of. Dans le monde de La Cité des marches , dernier roman traduit en français de Robert Jackson Bennett et premier volume de le trilogie des Cités divines , il y a le Continent et le reste – ce centre-périphérie théorisé au XIV siècle par le grand historien arabe Ibn Khaldoun . Et, comme dans l’analyse de ce dernier, la périphérie a fini par conquérir le centre, en l’occurrence le Continent ; rien d’étonnant, ce n’est qu’à la périphérie que résident la force et la détermination nécessaires à la guerre. Concrètement, c’est une révolte conduite avec succès il y a plusieurs décennies par le Kaj qui a abattu l’empire continental et ses dieux. La chute des uns entrainant celle de l'autre. Car tu dois le savoir, lecteur, le pouvoir sans égal du Continent était le fruit des « miracles » de ses six dieux, incarnés dans le

Cast a cold eye - Alan Ryan - Flaccide


"Cast a cold eye", de Alan Ryan. J’aurais voulu aimer ce livre. Pour plusieurs raisons personnelles. Mais je n’y suis pas parvenu.

Années 80. Jack Quinlan, célèbre auteur américain d’origine irlandaise, vient s’installer pour trois mois dans la petite ville de Doolin, à l'orée du Burren, en République (libre) d’Irlande. Il espère y saisir l’ambiance du lieu, pour améliorer son roman en cours d’écriture sur la Famine irlandaise. Il va trouver là bien plus qu'il n'en espérait : des fantômes, des traditions païennes, et l’amour d’une jeune Irlandaise, Grainne. Après des débuts éprouvants, il va s’intégrer au-delà de ses espérances et, ainsi, se reconnecter à ses racines.

Alan Ryan, un américain d’origine irlandaise, livre avec "Cast a cold eye" une magnifique évocation de l’Irlande. Pour ceux qui connaissent l’Irlande rurale, tout est vrai. Les routes invraisemblables qui empêchent toute vitesse supérieure à 40 km/h, les murs de pierre partout, les moutons partout aussi, jusque sur la route où ils dorment, les pains de tourbe, les petites maisons de pierre, les ruines. Les paysages, aujourd’hui galvaudés mais néanmoins magnifiques : le Burren, les falaises de Moher, Doolin Point. Les villes et villages, comme figés dans le passé, aux commerces antiques et aux pubs aussi chaleureux que souvent gaël-speaking. Les Irlandais, aussi attachants qu’incroyablement catholiques, avec qui il est plus que facile de lier conversation au pub autour d’une ou plusieurs pintes et qui n’oublient jamais de demander si on est marié avec la femme qui nous accompagne et si le reste de notre famille est composée de gens mariés. La lenteur et le charme d’un monde pas encore gagné par l’accélération contemporaine. On pourrait continuer. Pléthore de détails font naitre l’Irlande rurale sous les yeux du lecteur. Groovy !

Mais, hélas, il y a ensuite l’histoire que Ryan place dans son décor, et là, c’est moins reluisant.

Deux problèmes :

D’une part, le roman comprend une bonne moitié romantique qui prête à rire. Entre love at first sight, attirance physique amusante (ses seins !!!), dialogues et élans énamourés, volonté vocalisée de « faire l’amour », jusqu’à la réalité atrocement traditionnelle et patriarcale de la relation entre Jack et Grainne, tout ici sent le romantisme cheap à destination des clubs de lectrices.

D’autre part, "Cast a cold eye" est un récit de fantômes mollasson qui ne provoque jamais la moindre tension, handicapé qu’il est par un rythme trop lent et des moments fantastiques aussi clairsemés qu’inoffensifs.
Qu’on ne me comprenne pas mal. On peut écrire un roman d’ambiance, c’était peut-être l’objectif, mais, pour maintenir l’intérêt, il faut alors une écriture superbe. Il faut être, par exemple, Mishima ou Victor Hugo. Ryan n'a pas cette envergure. On peut aussi vouloir montrer une intégration difficile dans un univers clos, mais alors pourquoi la rendre ensuite si facile que ça en est invraisemblable.

Passons sur :
les fils peu exploités (le fils ombrageux de la bonne)
les fils pas exploités du tout (qui étaient ces fantômes ?)
les personnages des quatre vieux officiants de la cérémonie païenne qui ne font que tourner en rond et être aussi cryptiques que le cycliste-Cassandre d’Hysterical
les liens peu explicites entre les légendes racontées par le prêtre local (le seul personnage réussi, dans sa retenue contrainte même) et la réalité fantastique du moment
la raison même pour laquelle c’est cet Américain nouveau venu et descendant d’Irlandais se retrouve impliqué dans cette affaire, ou le rôle qu’est censé y jouer son aimée (on a, de fait, du mal a voir en quoi ce rôle consiste)
quant à la Famine, si on n'en savait rien au début, on n’en sait pas plus à la fin

A la toute fin, j’ai espéré une résolution à la Wicker Man, peu originale certes mais qui aurait sauvé l’ensemble. Et bien non. Tout ça pour ça. Toute cette attente pour un climax décevant. Je parlerais de coïtus interruptus s’il y avait eu le moindre coïtus.

Note : Jack/Grainne -> Irlandais partis/Irlandais restés - Fantômes/Vivants -> Passé/Présent - Double réconciliation. Une grille de lecture peut-être. Ca n'en reste pas moins insatisfaisant.

Cast a cold eye, Alan Ryan

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