La Cité des Lames - Robert Jackson Bennett

Sortie du tome 2 de la trilogie des Cités de Robert Jackson Bennett. Après le très plaisant Cité des Marches , voici qu’arrive La Cité des Lames . Tu sais, lecteur, que je n’aime guère chroniquer des tomes n car la description du monde a déjà été faite par mes soins dans la chronique du premier volume. Je vais donc faire ici une sorte d’inventaire de ce qui est proche et de ce qui diffère, en pointant le fait que, de même que le  premier volume pouvait se lire seul, celui-ci le peut aussi, les événements du premier formant un background qui est correctement expliqué dans le deuxième, y compris pour d’éventuels lecteurs qui auraient commencé par celui-ci. J’espère que c’est assez clair;) Voilà, lecteur, tu sais tout, suis le guide ! La Cité des Lames se passe quelques années après les événements narrés dans son prédécesseur. Le pouvoir à Saypur a pris un virage à l'opposé de la politique colonialiste revancharde qui était la sienne depuis le Cillement qui a mis fin au Divin. Shara,

The collapsing empire - John Scalzi - Vraiment drôle


Loin dans la galaxie. Longtemps après nous (vers 3500 AD à la grosse louche, mais le calendrier n'est plus le même).

L'humanité vit au sein d'un empire –  l'Interdépendance – qu'elle a créé il y a environ mille ans. L'Interdépendance est, comme son nom l'indique, constituée d'un réseau de systèmes solaires dont aucun n'est autosuffisant ; sauf un, nous y reviendrons. Complexe politique, religieux, et mercantiliste, à la Dune en moins sérieux, l'empire est, au mieux, une ploutocratie religieusement légitimée, au pire un système mafieux ayant su se donner l'apparence de la respectabilité, dans tous les cas une forme inédite de capitalisme monopoliste d'Etat.

Au centre de l'Interdépendance, Hub, le système capitale, une folie luxueuse et surpeuplée où règne l'emperox (une lubie de Scalzi pour être gender-neutral), entouré et encombré d'une cour aussi remuante que conflictuelle.
Rayonnant autour de Hub, dans une distribution non homogène et à des distances de plus en plus grandes, les systèmes colonisés par l'humanité. Le tout, séparé par des années-lumière, est relié par le Flow, une déformation de l'espace-temps (qu'on peut voir comme des trous de vers naturels, stables, à transit non instantané ; les Parisiens peuvent voir ça comme des voies sur berge secrètes) qui permet d'aller d'un système à l'autre à vitesse supraluminique (aucun autre moyen, pas de FTL drive ici). Mais le Flow n’existe pas partout, il faut trouver des entrées puis voir où les flux conduisent, car on ne peut pas quitter le Flow où on veut, il n'y a pas d'autre option que d'aller d'un bout à l'autre du chemin qu'on utilise. Il arrive aussi, très rarement, qu'un chemin de Flow se tarisse et qu'un système devienne donc inaccessible – c'est comme ça que les Humains, il y a longtemps, ont perdu la Terre.

Au début du roman, chaque système est relié à au moins un autre par un flux entrant et un flux sortant (distincts). Mais, horreur, il semble que certains flux faiblissent, au point qu'on peut craindre la disparition d'une partie du réseau, ce qui isolerait des systèmes – souvent très peu adaptés à la vie humaine – qui ne peuvent survivre que grâce à l’apport des autres dans une Division Interstellaire du Processus Productif qui est notre mondialisation à la puissance 1000.

Le seul système autosuffisant est End, le plus éloigné de Hub (à neuf mois de trajet Flow) et donc celui sur lequel l'empire exile ses trouble-fêtes. C'est aussi le premier à connaître un effondrement de son Flux sortant. Cet événement inquiétant (que beaucoup ne veulent pas plus voir que certains ici ne veulent voir le réchauffement climatique) se produit alors que sur End une insurrection bat son plein, que l'emperox Attavio IV vient de mourir, et que lui succède sa fille Cardenia, qui n'était pas préparée à la fonction et qui n'en voulait pas. L'empire s'effondrera-t-il ? Et surtout, que deviendra une humanité incapable de vivre là où elle est sans les apports quotidiens du commerce interstellaire ?

Réglons tout de suite la question : Scalzi n'a pas voulu écrire une allégorie sur le monde actuel ou sur les USA. Il l'a dit en itw, il pensait plutôt à l'âge d'or de l'exploration occidentale entre le XVème et le XVIIème siècle, une époque où le commerce était totalement dépendant du bon vouloir des éléments naturels que sont les vents et les courants. Parallèle : la dépendance au Flow. Question réglée.

On peut néanmoins dire que la question que pose Scalzi à notre monde l'avait déjà été par Eschbach par exemple dans l’excellentissime En panne sèche. Que devient un monde de DIPP quand le transport devient au mieux très compliqué ? Eschbach laissait entendre que, dans un monde sans pétrole bon marché, le retour au local et à la simplicité serait obligatoire. Mais dans l'univers de Scalzi, même la simplicité n'est pas une option. Chaque système dépend de tous les autres pour des ressources critiques dont il est dépourvu. Sans les autres, c'est à dire sans le Flow, chaque système ne peut que péricliter.

Pour raconter cette histoire d’effondrement, Scalzi met en scène des personnages sympathiques. De l'emperox Cardenia au spécialiste du Flow Marce Claremont, de la rude famille Lagos aux détestables Nohamapetan, l'auteur crée une galerie de personnages hauts en couleurs, chacun doté d'une identité forte et pris dans les ravages de l'époque. Il les fait s'affronter au sein d'un empire qui n'a pas vocation à être très réaliste. Le world building n'est pas négligé mais il est volontairement minimal. L'empire est destiné à être, pour le lecteur, baroque, excessif, étrange dans sa conception. On est ici dans une forme de SF qui rappelle très fort celle de Douglas Adams, tant dans la fond (en partie) que dans la forme (très largement). Les dialogues sont des ping-pongs verbaux parfois proches de l'absurde, ne serait-ce que dans leur franchise extrême qui fait fi de toute convention (et exprime sans fard la brutalité des rapports sociaux dans le monde de la concurrence). Rebondissements et stratagèmes incroyables abondent. L’obsession financière qui habitent les ploutocrates amuse. Les situations, comme les technologies, sont souvent drôles quand on réalise ce qu'elles impliquent (la gravité artificielle par exemple résulte d'un Champ de Push qui appuie vers le bas sur les spationautes). Je ne goûte en général guère la bonne rigolade (on le sait) mais ici le dosage est pile le bon. Scalzi raconte une histoire sérieuse (voire tragique) dont il décale juste assez la narration pour donner régulièrement envie de rire en voyant (ou en entendant) la manière dont elle se développe.

C'est rapide, punchy, amusant, très agréable à lire. Rempli de vaisseaux à la Banks tel le Tell Me Another One ou le Yes, Sir, That's My Baby. On y croise même une maison Jemisin.
Seul défaut, mais de taille, il faudra attendre la (les ?) suite (s ?).

The collapsing empire, John Scalzi

Commentaires

Lianne a dit…
Celui ci est définitivement dans ma Wish, mais j'attendais d'arriver à sortir la fin de son autre série pour me lancer =) (comme ça ça me permet de moins attendre les tomes suivants !)
Gromovar a dit…
L'avantage de ce livre, c'est que, comme il n'est pas très compliqué, il sera facile de raccrocher.
Vert a dit…
Ca a l'air sympa, mais bon je vais peut-être commencé par ses autres romans dispo en VF que je dois lire depuis des lustres ^^
Gromovar a dit…
Ca sera sûrement traduit. Il marche bien Scalzi.