Sept (quatre) nouvelles pour le tram

I’m the type of reader who hates having to put down a book before I’ve finished a chapter, which means that when I’ve only got a few minutes to spare I often turn to social media instead of reading, Lorna Wallace Ben c'est pareil ici. Sur le site Reactor (anciennement Tor), Lorna Wallace propose sept nouvelles de SF lisibles en sept minutes max. Clique ici, lecteur, pour aller vers la page avec les liens et quelques présentations (mais, sept minutes, il vaut mieux lire sans rien savoir du tout). Cherchant hier soir quoi lire de court avant de m'endormir, je les ai lues. Parmi ces sept, quatre (drôles et/ou émouvantes) m'ont semblé se détacher. Suis le guide ! They're Made Out of Meat , de Terry Bisson, renverse de manière amusante une des grandes questions de la SF et répond aussi à un question importante de l'ufologie. En si peu de mots, ce n'est pas mal. When the Yogurt Took Over , de John Scalzi. Je crois que le titre se suffit à lui-même pour une nouvelle q

Hyver 1709 : Très décevant

Comment gâcher un beau fond historique avec une histoire banale et une narration opaque ? Démonstration avec ce premier tome du diptyque "Hyver 1709", scénarisé par Sergeef et mis en image par Xavier.

1709, l’une des années de grand froid historique que connut la France d’Ancien Régime. Une année aussi située vers la fin de la Guerre de Succession d’Espagne, guerre un peu absurde dans laquelle s’acharna Louis XIV au prix de grandes souffrances pour son royaume. En 1709 donc, alors que les finances françaises ne sont pas en très bon état, un froid intense saisit le royaume. Détruisant jusqu’aux grains dans le sol, des épisodes de gel récurrents consécutifs à des dégels qui ne le furent pas moins, tuèrent progressivement arbres, plantes et graines semées. Le gibier aussi mourut en masse, mais, là, ça ne fit pas de différence pour le peuple - on se souviendra que la chasse était privilège nobiliaire et que le sort usuel des braconniers était la pendaison.

Famine, le troisième cavalier de l’Apocalypse était là. Dans une société agricole, peu technicienne, inégalitaire, et sous-stockeuse, la chute massive de la production alimentaire entraina une famine que finances et volonté royales ne pouvaient guère contrer efficacement, à fortiori dans un pays en guerre (on rappellera quand même qu’il y eut, d’après les historiens spécialistes, au moins seize famines générales au XVIIIème siècle. Ce n’était donc pas inhabituel, hélas, les mêmes causes produisant les mêmes effets).

Pour ce qui est des effets de ce désastre climatico-politique, là aussi, rien que du prévisible. Les registres paroissiaux listent des morts en masse (maladies sur des corps épuisés par le froid et la sous-nutrition, on meurt rarement de faim stricto sensu), des mariages moins nombreux et des naissances (baptêmes) moins nombreux aussi. Le nombre faible des naissances s’explique autant par la disparition d’une partie des femmes en âge de procréer que par les aménorrhées consécutives aux privations de nourriture. Pour les mariages, la pratique des mariages tardifs était habituelle en situation de crise, c’était un moyen « naturel » de réguler les naissances.
Des émeutes de la faim se produisirent dès avril et conduisirent le roi à légiférer un minimum face au problème.

Quoi qu’il en soit,  au global, la France perdit environ 810000 habitants durant l’hiver 1709. Effroyable et pourtant parfaitement récurrent dans ces société agricoles primitives dans lesquelles l’augmentation lente de la population était tôt ou tard systématiquement remise en cause par guerre, famine, épidémie, les trois le plus souvent liées. Malthus en tirera des conclusions définitives quelques décennies plus tard.

Un contexte qui a de la gueule, donc.
Sergeef y met une histoire de cargaison de céréales vendue à la France pour soulager le royaume et d’un courrier qui doit transporter le « contrat » jusqu’à son destinataire. Logique. Ca aurait pu le faire.

Mais, et en dépit de quelques notes, le contexte est clairement trop peu détaillé. Il fait très froid, on a très faim, voilà. La guerre de succession d’Espagne, c’est compliqué. Reste : « Gross malheur la guerre et le froid ».
Les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes sont utilisées pour mouvoir le récit mais là aussi le contexte est sous employé et sous détaillé.
L’histoire démarre par un de ces heureux hasards scénaristiques dont j’ai une sainte horreur : si le courrier ne tombe pas de cheval, pas d’histoire. Hasard de démarrage passé, le récit est très linéaire, et bien peu complexe dans sa progression logique.
De plus, la narration est souvent peu claire, et il est nécessaire de relire plusieurs fois de nombreuses planches pour s’assurer de qui est qui, ou de comment on est passé de là à là, en se demandant parfois si la scène en cours suit la précédente ou si elle se passe à un autre endroit ou à un autre moment.
Et puis, la facilité que constitue l’intervention active d’une femme noble, courageuse et généreuse, qui n’oublie pas d’être un tireur d’élite à l’arbalète en plus, est regrettable. So Hollywood ! Il ne manquerait plus qu’une histoire d’amour ! Patience, un tome 2 est à venir.

Restent de bien beaux dessins de paysages enneigés, de bâtiments médiévaux, de gueux affamés. Ce n’est malheureusement pas suffisant pour donner de l’intérêt à une histoire qui n’en a guère.

Hyver 1709, tome 1, Sergeef, Xavier

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