La Cité des Lames - Robert Jackson Bennett

Sortie du tome 2 de la trilogie des Cités de Robert Jackson Bennett. Après le très plaisant Cité des Marches , voici qu’arrive La Cité des Lames . Tu sais, lecteur, que je n’aime guère chroniquer des tomes n car la description du monde a déjà été faite par mes soins dans la chronique du premier volume. Je vais donc faire ici une sorte d’inventaire de ce qui est proche et de ce qui diffère, en pointant le fait que, de même que le  premier volume pouvait se lire seul, celui-ci le peut aussi, les événements du premier formant un background qui est correctement expliqué dans le deuxième, y compris pour d’éventuels lecteurs qui auraient commencé par celui-ci. J’espère que c’est assez clair;) Voilà, lecteur, tu sais tout, suis le guide ! La Cité des Lames se passe quelques années après les événements narrés dans son prédécesseur. Le pouvoir à Saypur a pris un virage à l'opposé de la politique colonialiste revancharde qui était la sienne depuis le Cillement qui a mis fin au Divin. Shara,

Hyver 1709 : Très décevant

Comment gâcher un beau fond historique avec une histoire banale et une narration opaque ? Démonstration avec ce premier tome du diptyque "Hyver 1709", scénarisé par Sergeef et mis en image par Xavier.

1709, l’une des années de grand froid historique que connut la France d’Ancien Régime. Une année aussi située vers la fin de la Guerre de Succession d’Espagne, guerre un peu absurde dans laquelle s’acharna Louis XIV au prix de grandes souffrances pour son royaume. En 1709 donc, alors que les finances françaises ne sont pas en très bon état, un froid intense saisit le royaume. Détruisant jusqu’aux grains dans le sol, des épisodes de gel récurrents consécutifs à des dégels qui ne le furent pas moins, tuèrent progressivement arbres, plantes et graines semées. Le gibier aussi mourut en masse, mais, là, ça ne fit pas de différence pour le peuple - on se souviendra que la chasse était privilège nobiliaire et que le sort usuel des braconniers était la pendaison.

Famine, le troisième cavalier de l’Apocalypse était là. Dans une société agricole, peu technicienne, inégalitaire, et sous-stockeuse, la chute massive de la production alimentaire entraina une famine que finances et volonté royales ne pouvaient guère contrer efficacement, à fortiori dans un pays en guerre (on rappellera quand même qu’il y eut, d’après les historiens spécialistes, au moins seize famines générales au XVIIIème siècle. Ce n’était donc pas inhabituel, hélas, les mêmes causes produisant les mêmes effets).

Pour ce qui est des effets de ce désastre climatico-politique, là aussi, rien que du prévisible. Les registres paroissiaux listent des morts en masse (maladies sur des corps épuisés par le froid et la sous-nutrition, on meurt rarement de faim stricto sensu), des mariages moins nombreux et des naissances (baptêmes) moins nombreux aussi. Le nombre faible des naissances s’explique autant par la disparition d’une partie des femmes en âge de procréer que par les aménorrhées consécutives aux privations de nourriture. Pour les mariages, la pratique des mariages tardifs était habituelle en situation de crise, c’était un moyen « naturel » de réguler les naissances.
Des émeutes de la faim se produisirent dès avril et conduisirent le roi à légiférer un minimum face au problème.

Quoi qu’il en soit,  au global, la France perdit environ 810000 habitants durant l’hiver 1709. Effroyable et pourtant parfaitement récurrent dans ces société agricoles primitives dans lesquelles l’augmentation lente de la population était tôt ou tard systématiquement remise en cause par guerre, famine, épidémie, les trois le plus souvent liées. Malthus en tirera des conclusions définitives quelques décennies plus tard.

Un contexte qui a de la gueule, donc.
Sergeef y met une histoire de cargaison de céréales vendue à la France pour soulager le royaume et d’un courrier qui doit transporter le « contrat » jusqu’à son destinataire. Logique. Ca aurait pu le faire.

Mais, et en dépit de quelques notes, le contexte est clairement trop peu détaillé. Il fait très froid, on a très faim, voilà. La guerre de succession d’Espagne, c’est compliqué. Reste : « Gross malheur la guerre et le froid ».
Les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes sont utilisées pour mouvoir le récit mais là aussi le contexte est sous employé et sous détaillé.
L’histoire démarre par un de ces heureux hasards scénaristiques dont j’ai une sainte horreur : si le courrier ne tombe pas de cheval, pas d’histoire. Hasard de démarrage passé, le récit est très linéaire, et bien peu complexe dans sa progression logique.
De plus, la narration est souvent peu claire, et il est nécessaire de relire plusieurs fois de nombreuses planches pour s’assurer de qui est qui, ou de comment on est passé de là à là, en se demandant parfois si la scène en cours suit la précédente ou si elle se passe à un autre endroit ou à un autre moment.
Et puis, la facilité que constitue l’intervention active d’une femme noble, courageuse et généreuse, qui n’oublie pas d’être un tireur d’élite à l’arbalète en plus, est regrettable. So Hollywood ! Il ne manquerait plus qu’une histoire d’amour ! Patience, un tome 2 est à venir.

Restent de bien beaux dessins de paysages enneigés, de bâtiments médiévaux, de gueux affamés. Ce n’est malheureusement pas suffisant pour donner de l’intérêt à une histoire qui n’en a guère.

Hyver 1709, tome 1, Sergeef, Xavier

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